Les “fondamentaux” de la gestion de l’eau sont devenus obsolètes et nous devons en changer d’urgence. C’est la conclusion que l’on peut retirer de la lecture de deux analyses publiées en 2006 par l’Institut français de l’environnement (IFEN), étrangement passées inaperçues, et que rien n’est venu contredire depuis lors. A la lumière des débats suscités par le “Grenelle de l’environnement”, elles méritent pourtant une relecture attentive, à l’heure où les Français sont invités à s’exprimer sur les grandes orientations de la politique de l’eau. Les urgences sont désormais telles que le débat sur une nouvelle gestion de l’eau doit impérativement s’ouvrir. Les grands groupes privés du secteur ne s’y trompent pas qui, anticipant une grave crise sanitaire, promeuvent une véritable fuite en avant technologique qui ne résoudra rien. La poursuite infinie d’une logique "curative" nous conduit droit dans le mur. Nous devons radicalement changer d’approche et élaborer un nouveau paradigme.
Publiés par l’IFEN, sous le titre “Perspectives : continuité ou changements structurels ?” dans le "Rapport sur l’état de l’environnement en France - Edition 2006. Etat des lieux de l’environnement en France et de son évolution." pp 193-234, ces deux textes renversent en effet radicalement les perspectives auxquelles nous sommes accoutumés.
Un modèle non durable
Le premier d’entre eux soulignait l’inefficacité des politiques actuelles et pointait surtout leur non durabilité.
“Les rejets des stations d’épuration des collectivités participent de façon significative à la pollution des cours d’eau : ils contribuent environ au cinquième de la charge azotée et à la moitié de la charge phosphorée véhiculées par les fleuves français. Les systèmes d’assainissement sont à l’origine de la moitié des contaminations microbiologiques recensées dans les eaux superficielles.
Et malgré toutes les mesures et toutes les réglementations, seulement 68% des Step des grandes agglomérations (41) de la France métropolitaine ont des performances épuratoires conformes en 2003-2004.
Avec le changement climatique, les étiages estivaux risquent d’être plus fréquents et plus sévères dans les années à venir, si bien que les rejets des Step devront subir des traitements plus poussés pour être tolérés par les milieux récepteurs, avec pour conséquence directe l’augmentation des coûts de l’épuration. Les boues produites ne se valorisent pas facilement dans l’agriculture à cause de leurs teneurs éventuelles en contaminants toxiques.
En l’absence de maintenance préventive, l’ensemble des réseaux d’assainissement et d’eau potable risque fort de devenir vétuste et déficient dans 40 à 50 ans (42), avec un coût de réhabilitation prohibitif.
Le tiers des volumes prélevés pour l’eau potable ne peut pas se faire dans une ressource de bonne qualité, et la qualité de la ressource se dégrade avec pour conséquence directe l’augmentation des coûts de traitement de potabilisation. Les prélèvements pour l’eau potable ne baissent pas (43) et 10 % des masses d’eau souterraines sont en déséquilibre quantitatif.
“Pour l’agriculture, les démarches mises en place à l’échelle nationale et régionale, par les voies de l’incitation, de la réglementation ou du volontariat, commencent à modifier les pratiques et à porter leurs fruits, mais restent pour l’instant très insuffisantes.
Sur le plan quantitatif, les activités agricoles sont à l’origine de la moitié des volumes prélevés hors refroidissement dans les eaux superficielles et de quatre cinquièmes des volumes consommés pendant la période estivale, avec pour conséquence un impact majeur sur les écosystèmes aquatiques. Leur taux de comptage est aussi très insuffisant.
Sur le plan qualitatif, l’agriculture est responsable d’environ deux tiers de la charge azotée et du tiers de la charge phosphorée véhiculées par les cours d’eau. De plus, les nitrates et les pesticides sont omniprésents en zones de cultures intensives et difficiles à appréhender à cause de leur caractère diffus. L’agriculture intensive favorise l’érosion des sols et leur appauvrissement en matière organique, avec pour conséquence directe la dégradation de la qualité des eaux superficielles et des eaux souterraines.
“Tous ces éléments conduisent à un constat de non durabilité. On constate une stabilisation des prélèvements pour l’eau potable et une baisse des dégradations causées par l’assainissement. Mais l’amélioration de l’état des milieux a atteint une phase asymptotique qui ne correspond pas au bon état des milieux aquatiques.
Une question se pose : est-il possible d’améliorer ces résultats de façon significative en poursuivant dans la même voie ? Le réexamen des problématiques liées à des activités manifestement non durables semble inévitable à terme. Ce réexamen doit être effectué sans a priori et à la lumière des connaissances scientifiques actuelles sur le cycle de l’eau. Un certain nombre de pays dans le monde ont déjà entamé cette remise en question sur des sujets comme l’eau potable, l’assainissement et l’agriculture.”
Le diagnostic est au demeurant largement partagé, comme en attestent ces propos de Mme Alice Auréli, hydrogéologue à l’Unesco, dans une interview réalisée lors de la dernière Journée mondiale de l’eau, publiée le 20 mars 2008.
« (...) Le problème qui se présente en France est le manque de mesures par rapport à la pollution souterraine. On n’en parle pas suffisamment. Les eaux souterraines sont les ressources en eaux des prochains millénaires et on ne les connaît pas. En France comme ailleurs, on exploite donc encore très mal ces ressources. Dans 50 ans, si on continue comme ça, on peut craindre une pénurie nationale. La France devra alors s’asseoir avec les pays riverains pour trouver des solutions. La crise de l’eau est quant à elle commencée dans le reste du monde. Il faut aussi comprendre que le changement climatique entraîne l’appauvrissement de l’eau.
Il existe des gestes simples (pour éviter cette pénurie d’eau en France). Le problème est qu’ils ne sont pas tous défendables politiquement car ils risquent de toucher des intérêts énormes. La production agroalimentaire serait à changer, il faudrait repenser toute la politique agricole, repenser le développement économique du pays. Mais vous imaginez la complexité que cela représente pour les hommes politiques et leurs intérêts ! Surtout en France, où il est difficile de bousculer les choses. Là est tout le problème. »
Notes :
(41) Agglomérations de plus de 10 000 habitants en zones sensibles et agglomérations de plus de 15 000 habitants hors zones sensibles.
(42) On compte environ 800 000 km de conduites pour distribuer l’eau potable, 250 000 km de canalisations pour la collecte des eaux usées et
80 000 km de canalisations pour la collecte des eaux pluviales. Environ 1 % des réseaux sont renouvelés chaque année. Selon une étude conduite par l’Office international de l’eau en 2002 pour le compte du Medd, « pour le réseau d’assainissement comme pour le réseau d’eau potable, il n’existe pas de maintenance préventive ni de remplacement de conduite avant dégradation majeure. Si les collectivités locales ne peuvent pas réaliser un renouvellement préventif de ces réseaux, le risque pour que l’on arrive, à un horizon de 40-50 ans, en particulier pour l’assainissement, à une situation où l’ensemble des réseaux sera vétuste et déficient deviendra très élevé ».
(43) Et s’ils baissaient trop, la stagnation de l’eau dans les systèmes d’approvisionnement engendrerait des problèmes bactériologiques. Source : Agence allemande de Presse, juin 2005.
Des pistes pour le futur
Le second texte, titré : “Eau potable, assainissement et agriculture : des pistes pour le futur” dessine lui un nouveau paradigme, et insiste sur des initiatives qui ont déjà démontré leur pertinence dans d’autres pays européens.
“Les progrès de l’industrie dans les domaines qualitatifs et quantitatifs proviennent essentiellement de la prise en compte des pollutions à la source et du recyclage des eaux de process grâce, en particulier, aux nouvelles technologies membranaires.
Certains pays de l’Europe du Nord ou d’Asie, en voie de développement ou situés dans des régions arides, commencent à se pencher sur l’application de ces deux principes à l’eau potable et à l’assainissement.
Le modèle occidental de gestion de l’eau a été conçu au siècle dernier, sans contraintes de durabilité. Il est à présent contesté : « Il n’est pas adapté au niveau de développement et il n’est pas la panacée. » (Semaine mondiale de l’eau en août 2005).
Les réflexions et les recherches se basent sur un constat de dilution des pollutions et de gâchis des ressources de très bonne qualité. Ce constat, décliné pour la France, est le suivant : 90 % de la pollution domestique en demande biochimique en oxygène (DBO5), demande chimique en oxygène (DCO) et azote, et 50 % de la pollution en phosphore proviennent uniquement des urines et excréments, eux-mêmes concentrés dans seulement 1 % du volume des effluents.
L’essentiel de la contamination en germes pathogènes provient uniquement des excréments dont le volume ne représente que 0,1 % de celui des effluents.
Seuls 3 % des 55 m3 d’eau potable consommés chaque année par un Français sont destinés à un usage alimentaire ou apparenté : boisson, lavage et cuisson des aliments. Les 97 % restant servent à d’autres usages qui n’ont pas la même exigence de qualité de l’eau : lavages corporels, lavages des sols, de la vaisselle, du linge et de la voiture, arrosage du jardin, remplissage de la piscine, eaux vannes, etc.
Plusieurs pistes techniques émergent. Pour l’assainissement, il s’agirait de ne plus mélanger les urines et excréments avec les eaux de lavage ou « eaux grises », essentiellement chargées en tensioactifs et phosphates.
Les lisiers humains pourraient être récupérés par une filière séparée (toilettes sèches par exemple) et traités par compostage de façon à produire des boues organiques valorisables sans risque par la filière agricole.
Les eaux grises nécessitent des traitements épuratoires moins coûteux que les effluents domestiques actuels et sont en grande partie recyclables après ces traitements.
Pour l’eau potable, il s’agirait de ne prélever que les 3 % nécessaires du volume actuel dans les réserves d’eau souterraine de très bonne qualitéb. Les 97 % restants peuvent se contenter de la ressource superficielle de qualité moindre.
La réduction de l’exploitation des eaux souterraines pour l’usage eau potable permettrait de préserver ces ressources faiblement renouvelables pour les générations futures. Elle permettrait aussi à ce compartiment de jouer son rôle de maintien des ressources en eaux superficielles, en particulier des débits d’étiages.
Par des pratiques agricoles et des cultures adaptées, les sols végétalisés pourraient alors retrouver leur rôle de régulation des régimes hydrologiques et hydrogéologiques, et de prévention des pollutions des eaux superficielles et souterraines.”
Notes :
(a) Car non mélangées avec les autres effluents responsables des apports en contaminants toxiques.
(b) Les systèmes d’assainissement actuels pourraient être utilisés pour la collecte et le traitement des eaux grises nettement moins impactantes en cas de fuites. Les réseaux d’eau potable actuels pourraient être utilisés pour distribuer une eau répondant aux normes de potabilité pour la microbiologie, mais à des normes beaucoup moins contraignantes pour d’autres polluants comme par exemple les nitrates ou les pesticides. Cette eau proviendrait du recyclage des eaux grises complété par des prélèvements dans des cours d’eau ou des nappes superficielles de moindre qualité. L’eau potable proviendrait des nappes profondes de très bonne qualité et serait distribuée en contenants recyclables. Les hôpitaux, industries agroalimentaires et autres établissements qui ont des besoins en eau potable particuliers peuvent abaisser la teneur de l’eau en certains paramètres en installant des postes de traitement complémentaires.
Quelle qualité de l’eau à l’horizon 2015 ?
La France assure que 50% des masses d’eau, voire les deux tiers, seront au bon état d’ici 2015. Mais des interrogations subsistent quant à l’atteinte de cet objectif, et au financement des mesures à mettre en œuvre.
La direction de l’eau du ministère français chargé de l’Environnement prévoit une approbation de la version définitive des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), qui tiennent lieu de plans de gestion comme exigé par la DCE et la loi de transposition en droit français, à l’automne 2009.
Dans le cadre du « Grenelle de l’environnement » qui s’est déroulé en France à l’été 2007, un objectif ambitieux a été fixé, celui de deux tiers des masses d’eau de surface au bon état d’ici 2015. Mais les ONG environnementales françaises se montrent sceptiques : « L’objectif sera dur à atteindre », estiment-elles.
Outre les problèmes propres à chacun, les bassins sont en effet tous confrontés à deux obstacles majeurs : les pollutions diffuses, en particulier celles d’origine agricole, et la modification de la morphologie des cours d’eau. Le retrait de substances pesticides dangereuses décidé dans le cadre du « Grenelle » doit permettre « des gains en matière de qualité de l’eau ».
Mais cette pollution est le résultat d’une « politique agricole hyperproductiviste », et certains acteurs de l’agriculture ne sont pas prêts à changer de mode de production. On note par ailleurs que le niveau de nitrates « va en augmentant » dans certaines zones, et que plus de 50% du territoire français est en zone vulnérable, ce qui constitue une « raison majeure » de non atteinte de l’objectif. La lutte contre les pollutions agricoles et l’enjeu morphologie représentent plus de 70% des dépenses du programme de mesures français 2010-2015. Mais la question de savoir qui va payer demeure posée au niveau national.
De plus le 2 avril 2008, la Commission européenne adressait une lettre de mise en demeure à la France pour non-conformité de sa transposition de la DCE. Pour la Commission, la France n’a pas complètement transposé le texte de la directive. Et devra renvoyer les compléments d’information nécessaires à Bruxelles avant le début du mois de juin 2008.
Les procédures d’infraction se déroulent en trois étapes. La Commission adresse tout d’abord à l’Etat membre concerné une mise en demeure à laquelle celui-ci doit répondre dans un délai de deux mois. Si la réponse ne donne pas satisfaction à la Commission, celle-ci adresse un avis motivé, auquel l’Etat membre doit également répondre sous deux mois. En l’absence de réponse satisfaisante, la Commission peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et l’inviter à infliger une amende au pays concerné si celui-ci ne se conforme pas à l’arrêt de la cour.
Pour M. Pascal Berteaud, directeur de l’eau au ministère chargé de l’environnement, il s’agiraitt d’une question de forme et non de fond. « Les services de la Commission n’ont pas regardé tous les documents transmis », estime-t-il, précisant que la loi de transposition de 2004 n’aurait pas été prise en compte. « C’est possible, mais compte tenu de la complexité de la DCE, on essaie d’être extrêmement précis », indiquait en réponse une source à la Commission.
Les non-conformités de la France porteraient notamment sur l’article 2 concernant les différentes définitions (eaux côtières, masse d’eau de surface, aquifère, masse d’eau souterraine et bon état écologique). De plus, le paragraphe 6 de l’article n’aurait pas été transposé. Il précise que « la détérioration temporaire de l’état des masses d’eau n’est pas considérée comme une infraction aux exigences de la présente directive » si elle résulte de circonstances exceptionnelles.
Une situation dérangeante puisque dans le même temps une consultation publique sur les plans de gestion (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, dits Sdage) et programmes de mesures exigés par la DCE, débutait en France le 15 avril 2008 et durera jusqu’au 15 octobre. « Les Français pourront dire si les niveaux d’ambition fixés dans chaque bassin leur semblent suffisants, trop faibles ou trop élevés », expliquait M. Pascal Berteaud.
Selon la Commission, le cas de la France, dont les manquements portent sur des détails techniques, n’est pas très compliqué comparé à celui d’autres pays pour lesquels les problèmes sont « beaucoup plus aigus ». « A ce stade, tous les Etats membres sont susceptibles de recevoir une lettre de mise en demeure », ajoute-t-elle. La majorité, dont le Danemark, l’Allemagne, la Belgique et la République tchèque, en ont déjà reçu une. Plus grave, le Luxembourg n’a pas transposé la DCE.
Depuis plusieurs années l’atteinte du bon état de toutes les masses d’eau à l’horizon 2015 est devenu un véritable slogan. La réalité est toute autre. La France, pas plus qu’aucun autre Etat-membre, ne respectera pas les objectifs européens qu’elle s’est assignée.
Comment changer de modèle ?
On peut aujourd’hui entrevoir autre chose que le système de gestion de l’eau “à la française” que nous exportons de surcroît sans vergogne dans les pays pauvres...
Si l’on garde à l’esprit que "82 % du volume total des eaux souterraines exploitées est destiné à la production d’eau potable et à l’industrie", et que les dégâts causés par les prélèvements pour l’irrigation dans les eaux superficielles sont comparables à ceux causés par les prélèvements dans les eaux souterraines pour l’eau potable et l’industrie, même si on le les voit pas à court terme, comme dans la nappe de l’éocène en Gironde, aujourd’hui la nécessité écologique c’est donc d’arrêter de ponctionner les eaux souterraines profondes, et de recycler le plus possible en surface.
Dans cette nouvelle perspective, c’est de l’eau hygiénique, mais non potable, qui circulerait dans la tuyauterie actuelle d’alimentation en eau potable.
Il s’agit finalement de mettre sciemment en place un mode de fonctionnement dégradé de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement, mais intelligemment dégradé pour réhabiliter les ressources en eau en qualité comme en quantité. Plutôt que de subir un mode dégradé qui ne tardera pas à se faire de toute façon, mais contre notre gré, compte tenu de l’état de la ressource et du changement climatique.
Compte tenu des hautes compétences de nos gestionnaires, autant dire qu’on y va tout droit...
C’est parce qu’on supprime la contamination bactériologique des effluents que l’on peut les recycler et les réutiliser. Dans les pays du Sud c’est une nécessité sanitaire. On supprimera aussi tous les rejets en rivière de médicaments présents dans les eaux usées et que les Step sont incapables d’éliminer. Ces substances peuvent être détruites par compostage ou méthanisation adaptés des lisiers humains.
Dès lors la distribution de l’eau potable en bidons recyclables, en installant des fontaines dans les maisons, ne signifie pas du transport augmenté car une agglomération ou un quartier urbain peuvent être alimentés par une seule conduite ou l’eau ne stagnera pas, l’embouteillage se faisant sur place. Ce qui crée de l’activité de proximité et de la visite pour les personnes âgées...
Pourquoi pas aussi utiliser des chevaux dans les villes pour récupérer une fois par semaine les bidons de lisier et distribuer les bidons d’eau potable ? Le cheval est le meilleur biocarburant.... on peut aussi utiliser le biogaz produit par le lisier.
Cette eau potable peut être gratuite pour la consommation normale. Et l’eau hygiénique coûtera beaucoup moins cher, sans restriction de consommation. Les stations d’épuration traiteront uniquement les eaux grises.
Inconcevable ? Aujourd’hui dans les réseaux d’assainissement on dilue la pollution contenue dans les lisiers pour ensuite la traiter en Step, ce qui est une ineptie sur le plan technique comme sur le plan énergétique. De plus, une partie non négligeable des eaux usées n’arrive jamais à la Step, vu le mauvais état des réseaux d’assainissement. Et il est aussi des conduites du réseau d’alimentation en eau potable qui ne donnent pas franchement envie de boire cette eau...
L’assainissement a été conçu à l’origine pour éloigner les lisiers des villes.
Il n’est pas raisonnable de continuer sur ce modèle.
Comment sortir de ce cercle vicieux, sinon en promouvant un nouveau paradigme de la gestion de l’eau ? Une démarche qui constituerait un véritable point d’appui et pourrait trouver d’utiles prolongements en Afrique, en Palestine, en Inde...
Trois références importantes pour approfondir la réflexion :
“Allemagne, arrêtez d’économisez l’eau, gaspillez-là, réclament les autorités sanitaires”
L’approvisionnement en eau potable de la ville de Munich
“Concepts for ecologically subtainable sanitation”
L’exemple allemand
Le 20 mars dernier le quotidien Ouest-France publiait un reportage d’Anne-Françoise Roger, titré : “Comment les Allemands retrouvent une eau pure”.
“En agriculture, produire propre coûte moins cher que dépolluer l’eau. C’est la conclusion des autorités bavaroises. (…) En Bavière, le coût de pouce à la filière bio a permis de faire chuter la facture de dénitrification. Une expérience qui intéresse la France.
En agriculture, produire propre coûte moins cher que dépolluer l’eau. Ce n’est plus parole d’écolo, mais le discours officiel du ministère de l’Ecologie et du Développement durable (MEDAD) qui fonde cette affirmation sur des exemples concrets. Le ministère invite les Agences de l’eau à encourager le développement de l’agriculture biologique afin de protéger les captages d’eau potable. Un des exemples sur lequel s’appuie le ministère est celui de la ville de Munich, en Allemagne, qui a peaufiné ses calculs grâce à plus de seize ans de recul. Constatant que les teneurs en nitrates et en pesticides augmentaient depuis les années 1960 (à raison de + 0,5 microgramme/litre/an de nitrates entre 1975 et 1991), Munich débute, en 1991, un programme de promotion de l’agriculture biologique.
La ville décide d’accompagner les agriculteurs à tous les niveaux : technique, financier et commercial (Munich est devenu le premier client des producteurs bio, pour ses cantines notamment). Résultats : depuis 1991, 83 % des 2 250 ha de terres agricoles sont passés en bio (en plus des 2 900 ha de forêts).
À l’inverse de la tendance générale, les agriculteurs sont plus nombreux : 23 dans les années 1990, 107 aujourd’hui. Quant à l’effet sur l’eau, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les teneurs en nitrates ont diminué de 43 % et les teneurs en produits phytosanitaires de 54 % depuis 1991. Cerise sur le gâteau : le programme de soutien à l’agriculture bio est rentable : il coûte 750 000 €/an à la ville de Munich, soit moins d’un centime d’euro par mètre cube d’eau distribuée.
« À titre de comparaison, le coût de la dénitrification d’une eau de plus de 50 microgrammes/litre est estimé en France à 27 centimes d’euros par mètre cube d’eau distribuée », précise le Medad. Il faut encore ajouter le coût de retraitement des pesticides.
La France, maintes fois épinglée par Bruxelles pour la mauvaise qualité de ses eaux, va t-elle emboîter le pas de la ville de Munich ?
Pour la première fois, une agence de l’eau, celle de Seine-Normandie, a signé, le 31 janvier, à Dourdan (Essonne) un contrat de cinq ans avec un groupement d’agriculteurs biologiques (GAB), en vue de préserver 342 captages d’eau potable prioritaires de la Région Ile-de-France, dont 202 en Seine-et-Marne.
Le contrat est doté d’un budget prévisionnel de 200 000 €/an (qui s’ajoute aux aides à la conversion), cofinancé à 50 % par l’Agence de l’eau, à 25 % par le Conseil régional et à 25 % par le GAB d’Ile-de-France. Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Écologie, présente lors de la signature, a souhaité que les agences de l’eau concluent des accords de ce type sur tout le territoire. D’autres contrats sont à l’étude en Champagne-Ardenne et dans le Nord.”
Dans un entretien accordé à La Terre à l’automne 2006, titré Subventionner la bio pour préserver l’eau, Bernard Barraqué évoquait déjà une question dont la résolution de va pas de soi :
« Quand on parle de qualité de l’eau, les esprits s’échauffent. Les consommateurs accusent les distributeurs de les spolier, ces derniers rejetant la faute sur les agriculteurs qui polluent. Bernard Barraqué propose à tous ces acteurs de se mettre autour de la table. Pour cet économiste du CNRS, l’équation sera résolue si on rémunère les agriculteurs pour qu’ils adoptent des pratiques proches de l’agriculture biologique. Une démarche adoptée par l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre. »
Reste que le « mirage » allemand ne semble pas encore en passe d’être « durablement » acclimaté dans l’Hexagone, comme le soulignait ce billet de Gérard Borvon, de l’association S-Eau-S, le lundi 5 mai 2008... Titré « Le Roundope, ça suffit ! » il relatait que de nombreux bretons, lecteurs matinaux de leur hebdomadaire préféré, ont eu du mal à avaler leur première tasse de café : sur une demi page ils pouvaient découvrir un placard publicitaire scandaleux de la société Monsanto en faveur du Roundup, à destination des particuliers. (70% des ventes des herbicides destinés aux usages non agricoles).
L’association Eau et Rivières de Bretagne, fortement engagée dans la lutte contre les publicités mensongères des marchands de phyto-toxiques ne tardait pas à réagir...
Gestion de l’eau :
Gestion de l’eau (1) : le réquisitoire de l’IFEN
Gestion de l’eau (2) : la vision de Veolia
Gestion de l’eau (3) : le cri d’alarme de Bernard Barraqué
Gestion de l’eau (4) : la tentation autarcique
Gestion de l’eau (5) : les pauvres et l’eau
Une citation :
« Il nous faudra avoir la patience de reprendre l’ouvrage ; la force de refaire ce qui a été défait ; la force d’inventer au lieu de suivre ; la force d’inventer notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui l’obstruent. »
Aimé Césaire
Lire aussi :
La grande crise de 2010 (1) : une fiction réaliste, 17 mars 2007
La grande crise de 2010 (2) : comment en est-on arrivé là ? 23 mars 2007
La grande crise de 2010 (3) : catastrophe ou sursaut ? 29 mars 2007
La grande crise de 2010 (4) : agriculture, environnement et territoires, 6 avril 2007
Qualité de l’eau : alertes dans toute la France, 10 mai 2007
Le « Plan de bataille Borloo » pour traiter les eaux usées, 29 octobre 2007
Pollution de l’eau : cote d’alerte exceptionnelle ! 12 janvier 2008
Menaces de sanctions communautaires pour défaut de traitement des eaux usées, 31 janvier 2008
commentaires
Vous trouverez les références en début d’article. Bien cordialement.
Monsieur Laimé, bonjour,
J’apprécie la qualité des arguments fournis dans cette étude, ils sont importants pour mes interventions sur l’eau. Ils permettent de mesurer
l’ampleur de la mission dans laquelle nous nous sommes engagés, dénoncent les mauvaises pratiques en même temps qu’ils apportent des solutions par l’exemple.( Munich)
Cordialement
Charles Roche
Intéressant, mais juste deux trois trucs qui me chiffonnent dans le raisonnement :
– d’un côté VEOLIA nous dit : les eaux souterraines ou superficielles sont pourries, pas grave, vous raquez et nous on vous les rend potables. OK c’est pas bien ;
– là "à l’inverse" on dit : pas grave que l’eau soit polluée, on va pas s’en servir pour la boire, sauf un tout petit peu qu’on ira chercher très profond. Dans ce cas là c’est pas mieux : qu’est-ce qui incite à protéger les eaux puisqu’on se fiche de la qualité ?? Et question bis : en ville à 1000 habitants au km2 c’est possible les toilettes séches ? En plus je comprends pas en quoi ça règle la question quantitative (surtout si on dit pas de limitation de consommation ??)...
– la position de Munich me semble plus équilibrée : tout simplement on investit réellement dans la protection de façon appuyée... c’est déjà trop tard pour le faire en France ???
Il est fortement à redouter que votre dernière interrogation ne réponde à la question. Non seulement il est trop tard mais on ne va pas le faire puisque on est dans le déni pur et simple. A partir de là ou c’est l’option Veolia puisque le coût va devenir insoutenable (voir suite de la série à venir) ou diverses formes de balkanisation, dont le scénario ci-dessus évoqué. Quant à voir la France opter pour Munich, on pourrait en parler à la FNSEA ?
Je n’ai pas du tout compris la même chose que vous du texte de l’ifen, c’est même tout le contraire de ce que vous affirmez, car :
1- Au niveau qualitatif, on supprime la principale source de pollution organique, médicamenteuse et microbiologique des eaux. Et on peut diminuer les engrais chimiques agricoles par une exploitation accrue des boues organiques.
2- Au niveau quantitatif, non seulement on impacte très peu les eaux souterraines, mais on réduit aussi beaucoup l’impact dans les eaux superficielles puisque , grâce à cette réduction de la pollution, on peut recycler presque intégralement les eaux usées.
Donc il est très explicitement proposé une authentique protection des eaux et il n’est pas dit du tout "pas grave que les eaux soient polluées", ou "on se fiche de la qualité" !
Bonjour ,
Et question bis : en ville à 1000 habitants au km2 c’est possible les toilettes séches ? En plus je comprends pas en quoi ça règle la question quantitative (surtout si on dit pas de limitation de consommation ??)...
oui les toilettes sèches sont possibles en ville, selon motivation politique et organisation pratique ..., même si ça n’est pas généralisable pour tout le monde ou pour tous types d’immeubles .. !!
et ça ne "règle" pas la question quantitative ... , ça y participe dans la mesure de 30% d’économie pour chaque famille utilisatrice !
(ce n’est déjà pas mal en soi me semble-t-il ..!)
Pour détails :
http://www.ec-eau-logis.info/articles.php?lng=fr&pg=47
cordialement
"Pierre L’écoleau"
désolé , rectification du lien :
Merci pour vos éclaircissements ! Ma réaction un peu simpliste à l’article n’était pas un pur dénigrement de ce qu’il proposait mais une interrogation.
Sans être un tenant inconditionnel du système actuel, qui semble nous envoyer dans le mur, je me méfie quand même un peu de ce qui pourrait être de fausses bonnes idées....Je préfère quand même vivre à Lyon ou Paris avec des égouts qui marchent certes plus ou moins bien qu’à Calcutta ou Mexico sans égouts du tout (ça n’empêche qu’on n’est pas obligé d’entraîner les autres dans nos erreurs, je suis d’accord...)
@Marc Laimé : ok pour les difficultés avec la FNSEA...et avec les crises alimentaires qui sévissent un peu partout ça va encore leur donner du grain à moudre (avec mauvais jeu de mots) alors que le problème de production ici et de "pouvoir d’achat" des populations "là-bas" sont, si j’ai bien compris, deux choses tout à fait différentes.
Ce qui me choque (comme vous je suppose) c’est qu’on en est à proposer une révolution culturelle à 59,5 millions de français (plus d’eau potable au robinet) alors qu’on est pas capable d’imposer un minimum de contraintes à une petite partie des 500 000 autres (perso je mets pas tous les agriculteurs dans la catégorie infâme productiviste).
@X : J’avoue être sans doute un peu formaté par le dogme qu’on nous a inculqué qui justifiait qu’on mette des exigences fortes sur la qualité de l’eau potable pour promouvoir la protection du milieu (c’était vrai avant les traitements poussés qu’on trouve aujourd’hui). Visiblement on s’est gouré.
Cela dit pour la valorisation des boues la filière compostage après les traitements classiques existe déjà et est en croissance.
Sur les mérites comparés des filières classiques et des toilettes sèches concernant l’efficacité sur la microbio et les médocs je m’en remets à l’Ecoleau.
J’ai quand même des doutes sur les possibilités de mise en oeuvre d’un tel système : ne serait-ce que la discipline des utilisateurs ! Si le système actuel est en faillite à mon sens c’est bien parce qu’on a négligé le facteur humain : les solutions techniques qu’on met en oeuvre depuis 100 ans sont à mon avis bonnes sur le papier sauf que, l’homme étant ce qu’il est (c’est à dire parfois négligent, vénal ou pire), ça a merdé à la conception, à la réalisation, à l’exploitation ou à l’entretien...(mais je suis peut-être un indécrottable technocrate !)
Sur le quantitatif faut s’entendre sur la définition de recyclage. Pour moi une eau qui après prélèvement, utilisation puis traitement dans une station classique retourne à la rivière (plus ou moins bien traitée d’accord) contribue à maintenir un débit minimum et donc a priori des potentialités biologiques. Maintenant si comme c’est proposé, on la prélève (certes en moins grande quantité), qu’on la pollue pas trop et qu’on peut donc la recycler en arrosants des golfs avec, elle retourne pas à la rivière et je vois donc pas trop le progrès ? (Ou bien j’ai vraiment rien compris ?)
Enfin concernant le coût de l’eau hygiénique même si on enlève le traitement il reste quand même les coûts de pompage et surtout de renouvellement des réseaux (ou alors on tolère aussi d’avoir des passoires encore pires qu’aujourd’hui sous prétexte qu’on va "recycler" l’eau ?) J’ai donc des doutes sur le beaucoup moins cher. Si en plus on ne limite pas la consommation cela veut dire qu’il faut changer la façon de financer les infrastructures : voir les solutions concoctées par nos copains de VEOLIA dans la suite de l’article de M. LAIME.
@l’Ecoleau : je fais confiance au "pro" sur la faisabilité.
Mais comment on gère l’enlèvement du compost issus des toilettes sèches en milieu urbain (les chevaux pourquoi pas mais il va falloir relancer dare-dare l’élevage des percherons) ? Est-ce qu’on peut imaginer des systèmes de collecte comme les ordures ménagères ? Une remarque quand même si on prend le cas des grandes villes comme Paris : je suppose que les réseaux d’eau et d’assainissement on été conçus à une époque où l’énergie n’était pas aussi aisément disponible que maintenant et fonctionnaient en grande partie grâce à la gravité. Même si entretemps on a du rajouter pas mal de pompes pour faire tourner le bazar est-ce que cette idée de système "basse consommation" n’est pas à conserver(même si j’aime bien les chevaux !) ?
Voilà comme je l’écrivais cet article par les questions qu’il suscite est vraiment intéressant !
Réponse à Stomorvik
Merci pour ce texte détaillé, je peux seulement vous répondre par rapport à ce que j’ai moi-même compris :
Tout d’abord, autant cet article-là me parait passionnant, autant je ne me pose pas du tout en défenseur de l’Ifen (voir articles de Marc Laimé sur le sujet). J’ai lu de drôles de commentaires sur les travaux de l’Ifen concernant les pesticides dans les eaux et sur la façon dont le personnel était traité, je suis très déçu par la qualité des rares publications sur l’eau qui sortent depuis 3-4 ans, et je suis très inquiet sur l’avenir de l’indépendance du service public de l’information sur l’environnement.
On s’est effectivement gouré pour le dogme : d’une part les exigences sont assez souples. D’autre part on n’a même pas encore, en 2008, mis en place les mesures de protection de toutes les zones moins polluées qui servent aux prélèvements pour l’eau potable....
Les boues des Step sont des microorganismes développés à partir de la matière organique contenue dans les effluents, et ces effluents sont le lisier humain mélangé à tout un tas d’autres apports dont certains contiennent des toxiques (métaux lourds, hydrocarbures, etc.), en particulier pour les réseaux unitaires. Donc ces boues ne sont pas sans danger pour les sols. Ce ne serait pas le cas si on compostait directement les lisiers.
Le texte parle de "toilettes sèches par exemple", il me semble donc que c’est le principe qui est de ne pas diluer les lisiers et de ne pas les rejeter dans les réseaux d’assainissement qui compte. Ce qui signifie que la France devrait se hâter de mettre en place des programmes de recherche technique pour trouver un système de toilette adapté, toilette sèche ou autre encore plus performant et pratique. Ce principe de "toilette sèche" me parait la clé de voute pour améliorer profondément la performance environnementale de l’alimentation en eau potable et de l’assainissement. Ce serait dommage de les dénigrer en faisant l’amalgame entre "toilettes sèches" et autarciques illuminés de tout poil...
Les hommes ne vont pas changer. La seule différence, c’est que le système actuel a manifestement atteint ses limites sur les plans techniques comme financiers. A part s’acheter des chasses d’eau un peu moins consommatrices et autres cautères sur jambe de bois, L’Etat ne propose rien de plus juste, écologique et durable, et ceux qui aimeraient faire mieux ne le peuvent pas et font donc n’importe quoi (voir gestion de l’eau(4) de Marc Laimé). Il est donc nécessaire que l’Etat mette en place un nouveau système qui puisse répondre à ces nouvelles exigences écologiques et financières et au changement climatique, parce que la "révolution culturelle" se fera de toutes façons. L’eau non potable au robinet commence déjà à être une réalité.
Il ne s’agit apparemment pas du recyclage pour terrains de golf etc., mais du recyclage, je vais sans doute porter atteinte au dogme sacro-saint, pour la consommation ! et quand il est dit sans restriction de la consommation, c’est sans doute une façon de parler pour dire sans obligation de restrictions drastiques pour le futur, car cela va de soi qu’il est toujours stupide de gâcher de l’eau.
Dans le texte, on parle de couts de renouvellement des réseaux "prohibitifs". Ces couts pourront par exemple être étalés puisque la ressource sera moins en danger en cas de fuites. Je vous renvois au dernier article du journal de l’environnement "la gestion patrimoniale des réseaux d’eau..." http://www.journaldelenvironnement.net/fr/index/index.asp
Je constate enfin que ce texte qui pose des questions fondamentales a été publié par le MEEDAT avant le Grenelle de l’environnement et que ces questions explicites auraient donc dû trouver leur débat public au cours du Grenelle...
Enfin, vieux motard que jamais, et merci à vous d’ouvrir ce débat ! On pourrait d’ailleurs mettre en place un forum libre pour faire le travail que le Grenelle n’a pas fait, et y faire participer aussi l’auteur de l’Ifen.
Quelques réponses en vrac à X :
"On s’est effectivement gouré pour le dogme : d’une part les exigences sont assez souples. D’autre part on n’a même pas encore, en 2008, mis en place les mesures de protection de toutes les zones moins polluées qui servent aux prélèvements pour l’eau potable...."
Je suis pas tout à fait d’accord sur la souplesse des exigences en termes de qualité de l’eau potable : sur le plan analytique les concentrations maximum admises correspondent souvent au seuil de détection (sur un plan toxicologique c’est certainement insuffisant du fait de la nocivité des molécules et de leur cocktail, mais on fait ce qu’on peut, voir ici les articles et fils de discussion sur l’IFEN). Une directive européenne est en préparation qui devrait encore durcir les normes. Autre exemple : l’histoire des branchements plomb qu’il faut tous changer, je crois pas savoir que le saturnisme soit une cause majeure de mortalité en France ?
"Les boues des Step sont des microorganismes développés à partir de la matière organique contenue dans les effluents, et ces effluents sont le lisier humain mélangé à tout un tas d’autres apports dont certains contiennent des toxiques (métaux lourds, hydrocarbures, etc.), en particulier pour les réseaux unitaires. Donc ces boues ne sont pas sans danger pour les sols. Ce ne serait pas le cas si on compostait directement les lisiers."
Enfin oui en théorie mais qu’est-ce qui garantit que tel ou tel zozo va pas mélanger son compost avec l’huile de vidange de son quad et y jetter la batterie de son portable ? Je cherche la petite bête pas tant pour sauver le système actuel que pour montrer qu’il n’y a pas de système idéal 0 risque.
"Les hommes ne vont pas changer. La seule différence, c’est que le système actuel a manifestement atteint ses limites sur les plans techniques comme financiers." Oui encore que je suis pas tout à fait convaincu par l’idée de crise financière du système : dans le fil de discussion d’un autre article de M. LAIME, on arrivait à la conclusion qu’avec l’argent du bouclier fiscal de notre cher Nicolas on aurait pu mettre à neuf la totalité du parc de stations d’épuration français. Est-ce qu’il y a réellement un pb financier parce qu’on n’a plus d’argent pour rien (ni l’éducation, ni l’environnement, ni le social, tout ce qui est collectif quoi, voir l’épisode 4) ou est-ce simplement une question de priorité ?
"Il ne s’agit apparemment pas du recyclage pour terrains de golf etc., mais du recyclage, je vais sans doute porter atteinte au dogme sacro-saint, pour la consommation !" OK mais alors ça nécessite quand même un minimum de technique même pour retrouver une qualité d’eau dite hygiénique et d’ailleurs quel serait l’écart réel de qualité entre une eau dite potable et une eau hygiènique (et évidemment sa traduction en terme de technique et de coût ?) Côté dogme il y a des réalisations 0 rejet (donc circuit d’eau fermé) notamment au Japon et il me semble avoir entendu parler de double-réseaux en Australie. Quant aux bornes collectives pour l’eau potable je crois savoir que c’est un système souvent retenu dans les projets de développement en humanitaire.
Il me reste encore une question : en gros ce qu’on propose là c’est ,disons, pas un retour en arrière parce que même si les principes sont anciens la technologie et surtout la compréhension des phénomènes sont plus récents, mais un recyclage de ces concepts : les toilettes sèches, la récupération de l’eau de pluie (ça m’évoque mes lectures enfantines de Pagnol dans son mas de Provence...)
Ma question c’est pourquoi à un moment donné on a abandonné ces principes pour poser des tuyaux si cette dernière idée semble aujourd’hui si débile ? Ma réponse : pour des question de santé publique dans les grandes agglomérations et en ce sens le concept a quand même pas si mal fonctionné que ça, non ? Date de la dernière épidémie de choléra à Paris ? Le pb vient sans doute que le but de ce système était bien la protection de la santé et non pas de l’environnement (dissociation qui nous semble aujourd’hui absurde ?)
Quelques éléments de réponse à Stormovik :
La souplesse eau potable concerne bien sur les mesures insuffisantes, mais aussi les tolérances vis à vis des pollutions saisonnières, en particulier pour les pesticides. Sans compter la contamination microbiologique dans la tuyauterie, et la dangerosité des chloramines résultant du traitement pas le chlore.
Il me semble que la récupération automatique, à l’intérieur des toilettes sèches, des lisiers dans des bidons étanches que l’on se contente de déposer pour le ramassage sur les trottoirs (comme cela a été testé dans une ville du Nord de l’Europe, je ne sais plus où) ne donne pas du tout au "zozo producteur" accès à son lisier avant le système de traitement (compostage ou autre). Le risque zéro n’existe pas, bien entendu, mais à la recherche de mettre au point un système pertinent.
Dans la crise financière, je pensais surtout à l’investissement considérable qu’il faudra bien faire un jour pour l’entretien des réseaux, à l’augmentation du cout des traitements pour éliminer les micropolluants, et pour moins polluer en période d’étiage, etc.
Bien sur qu’il faut traiter les eaux grises, mais cela couterait beaucoup moins cher, puisqu’une eau "hygiénique" peut contenir des nitrates et des micropolluants non pathogènes comme les pesticides et autres. Et comme il n’y aura plus de rejets de pathogènes, cela en fera d’autant moins à traiter. Restera à régler aussi le problèmes des élevages intensifs. Si bien que les traitements complémentaires couteux (fuite en avant technologique)seront moins lourds et pourront être délocalisés et limités aux établissements industriels ou collectivités particulières (santé, etc.) qui auraient besoin de gros débits d’eau potable.
Les doubles réseaux ne peuvent pas fonctionner, pas assez de débit si on ne fait circuler que de l’eau destinée à la consommation alimentaire. Cela a déjà été testé, en Allemagne je crois, et abandonné. Pour l’eau potable, cela ressemble dans l’idée au principe des bornes collectives, les "bornes fontaines" dans les pays pauvres arides. Sauf que ce serait des centres d’embouteillages... Une occasion de plus de réunir des êtres humains.
Pourquoi parlez-vous de récupération de l’eau de pluie, je ne vois pas qu’il en est question dans ce modèle ? Je ne vois pas le mal à recycler, avec l’apport des technologies modernes, le principe des toilettes sèches ? On fait pareil avec les biocarburants, appelant biocarburants "de second niveau" les premiers biocarburants mis au point à l’époque de la première crise pétrolière ! Ce n’est pas un retour en arrière, mais le recyclage de principes qui étaient bon et qui ont été abandonnés faute de technologie avancée.
Alors on en vient évidemment à l’argument traditionnel qui nous fait suivre au lieu d’innover (cf. citation par Marc Laimé de Aimé Césaire) : grâce aux égouts, on a assainit les villes, alors pas touche, ce serait cracher dans la soupe ! Oui, mais on aurait pu les assainir grâce à n’importe quel autre système d’épuration ! Les égouts, c’est mieux que rien. Mais n’importe quoi aurait été mieux que rien. Je suis bien d’accord avec vous, en évacuant la merde loin des villes, on a pas pensé à l’environnement dont la science n’existait même pas sauf chez de rares précurseurs...
Des grands bidonvilles, j’avais vu une expérience au Brésil en particulier, ont été assainis non pas avec des égouts, mais avec des toilettes sèches. Par ailleurs, les rejets de nos Step contribuent pas mal à la contamination en pathogènes (coliformes et streptocoques fécaux) en aval, et dans les pays pauvres, c’est un gros problème.
Je vous remercie pour cette argumentation sur un sujet aussi tabou que la remise en question des systèmes d’eau potable et d’assainissement. Ce n’est pas défendre ce modèle en particulier qui me semble important, on trouvera sans doute encore plus pertinent, mais le fait de concevoir qu’on puisse réfléchir à une solution, pour peu qu’on ne s’autocensure pas soi-même.
Bonjour ,
Stormovik a écrit :
en gros ce qu’on propose là c’est ,disons, pas un retour en arrière parce que même si les principes sont anciens la technologie et surtout la compréhension des phénomènes sont plus récents, mais un recyclage de ces concepts : les toilettes sèches, la récupération de l’eau de pluie
yessss ....
je dirais simplement : "réadaptation" ..
Stormovik a écrit :
Ma question c’est pourquoi à un moment donné on a abandonné ces principes pour poser des tuyaux si cette dernière idée semble aujourd’hui si débile ? Ma réponse : pour des question de santé publique dans les grandes agglomérations et en ce sens le concept a quand même pas si mal fonctionné que ça, non ? Date de la dernière épidémie de choléra à Paris ? Le pb vient sans doute que le but de ce système était bien la protection de la santé et non pas de l’environnement (dissociation qui nous semble aujourd’hui absurde ?)
je partage .....
"X" a écrit :
Pourquoi parlez-vous de récupération de l’eau de pluie, je ne vois pas qu’il en est question dans ce modèle ? Je ne vois pas le mal à recycler, avec l’apport des technologies modernes, le principe des toilettes sèches ?
lorsque l’on parle (de manière incorrecte) de "pénurie" d’eau .. , on parle seulement de pénurie d’eau douce disponible !!! , car il n’y a pas moins d’eau sur terre qu’avant ...
pleuvoir , il continuera de pleuvoir ...
la qualité de l’eau de pluie brute restera encore longtemps plus "stable" que la qualité des eaux brutes terrestres ..
et vu les problèmes de ressources actuels ... pour moi , l’eau de pluie est désormais une "ressource alternative" incontournable !!
(surtout au vu de son potentiel et de sa qualité facilement adaptable à tous types d’usages .. !!!)
heuuuu ... vous entendez quoi par : "recycler le principe des toilettes sèches" .. ??
cordialement
"Pierre L’écoleau"
Je me permets quelques indications par rapport au peu que je sais sur l’eau de pluie :
D’abord elle n’est pas du tout de qualité ni bonne ni stable, sa qualité étant très liée à la qualité de l’air qui circule tout autour de la planète, le lindane qui vient de Chine se retrouve chez nous, etc. Il y a des nitrates, du sel, des hydrocarbures, pas bon du tout.
Ensuite sur le plan quantitatif, toucher à l’eau de pluie, sauf si ce sont des micro-usages ponctuels "autarciques", c’est toucher au cycle de l’eau et cela peut avoir des impacts conséquents. Il faut des champs inondés, il faut des zones humides, il faut des crues, et il faut que l’eau douce arrive dans la mer en quantité suffisante au printemps, etc. C’est trés utile, même si on croit que c’est de l’eau "perdue" que l’on pourrait bien s’approprier.
Exemples : non alimentations des nappes sous les surfaces artificialiseés comme agglomérations, la pluie rejoignant le cours d’eau en aval par court-circuit hydraulique, pollution et réchauffement dans les micro-retenues d’eau que font les agriculteurs ou les particuliers, réduction des débits d’eau en hivers avec des problèmes de transport des sédiments, etc.
En résumé, l’eau de pluie n’est pas une ressource alternative, c’est un élément capital du cycle de l’eau. Et on ne sait pas s’il continuera à pleuvoir comme il faut et quand il faut dans l’avenir.
Il me semble que la récupération à tout va de l’eau de pluie est un exemple parfait du danger de certaines actions écolos individuelles, que les commerçants exploitent en racontant n’importe quoi et qu’il faudrait mieux arrêter. Il faut bien savoir que ce que l’on retient d’un côté ne va pas de l’autre, en nuisant à la biodiversité.
Enfin tout cela est compliqué, je ne suis pas spécialiste mais vous trouverez certainement de bons ouvrages sur ce sujet....
Cordialement
Re bonjour ,
Aïe ...
permettez-moi d’approuver votre propre jugement .. : en effet vous avez l’air de très mal connaitre le sujet de la récupération d’eau de pluie ...
(on ne peut tout savoir, évidemment ..)
concernant sa qualité, je suis maintenant bien placé pour pouvoir en affirmer clairement ses qualités et potentiels, multiples analyses à l’appui ..
Savez-vous par ex. que sur une analyse d’une douzaine de paramètres en physico-chimie et métaux lourds sur mon eau de pluie brute, (dans stockage et sans traitement !) elle s’avère déjà conforme aux normes de potabilité pour ces paramètres recherchés, et même meilleurs que pour mon eau du robinet ...
ben oui ... vous le croyez ou non , ça ne changera rien au fait ..
concernant les "impacts conséquents" sur le cycle de l’eau ... , hé hé ...
savez-vous par ex. que pour ma part, mes installations me permettent de restituer au sous-sol un taux d’infiltration supérieur au taux d’infiltration naturelle .. !!
donc => impact positif sur le cycle .. !!
pour la pollution = impact zéro (ou presque) !!
ben oui ... à nouveau .. vous n’êtes pas obligés de le croire ...
tous ces pseudo arguments non fondés , je commence à les connaitre par coeur .., et ne m’étonnent plus ..
ce qui me gène le plus, c’est de souvent constater le dénigrement habituel répandu par beaucoup de gens connaissant généralement très mal le sujet ...
et de subir les habituelles critiques dénuées de tout fondement et à l’opposé de la réalité du terrain ....
et de lire les habituels amalgames et "omissions" ....
mais bon ... , on s’y habitue ..
mais , ça n’empêche ...
cordialement
"Pierre L’écoleau"
Juste je déterre ce vieux sujet, parce que ça y est on y est presque : systèmes décentralisés et collecte séparative des urines (quasi de la science fiction) : http://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/ville-demain/eau.php
Sans vouloir refaire le débat ci-dessus je trouve quand même significative la coïncidence des difficultés de maintien des systèmes collectifs qu’ils soient sociaux (sécu, retraite) ou techniques (les réseaux) dans nos vieux pays d’Europe de l’Ouest...
Bonjour,
Pourriez-vous préciser les références exactes des études auxquelles vous faîtes référence ?
Patrick JABOT
p.jabot@free.fr