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Assainissement non collectif (34) : polémique sur les micro-stations, l’arrêté de 1996 et le DTU 64.1. L’avis d’un expert.

1er août 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Compte tenu des très nombreuses réactions et incompréhensions des lecteurs de ce blog, suite à la publication d’un billet en forme d’avis mortuaire dédié à l’arrêté et au DTU, nous avons sollicité l’avis d’un ingénieur en assainissement, expert d’une collectivité territoriale, impliqué depuis 1998 dans les réflexions nationales et différents groupes de travail consacrés à l’ANC, pour nous apporter son point de vue sur ce sujet complexe. Il a bien voulu, sous réserve de conserver l’anonymat, après que nous ayons insisté, nous accorder une interview téléphonique pour éclairer le sujet. Ce dont nous le remercions vivement au nom de toutes celles et ceux qui témoignent de leur vif intérêt pour notre saga.



 Eaux Glacées : Pourquoi les micro-stations d’épuration sont-elles considérées comme des pré-traitements ?

 Benoît X. : Il existe effectivement un problème connu de longue date concernant la cohérence entre l’arrêté du 6 mai 1996 qui classe les micro-stations comme des pré-traitements, mais laisse une possibilité de traitement pour les logements non "uni-familiaux", et la normalisation européenne qui les considère comme des traitements à part entière. Tant que les SPANC n’étaient pas effectifs et la normalisation peu avancée, ce problème n’était connu que des spécialistes ou personnes concernées… et des vendeurs de micro-stations.

Ce classement s’explique historiquement pour des raisons de précaution sanitaire, essentiellement des rejets de mauvaise qualité dans les fossés et autres exutoires, suite aux remontées défavorables des DDASS au ministère, qui constataient, sur le terrain, l’absence d’entretien sur de nombreuses micro-stations par les particuliers, et des problèmes de fragilité dans le temps de certains modèles. Depuis les techniques se sont fiabilisées et le marquage CE a apporté des garanties minimales, que certains experts diront minimalistes.

 EG : Si l’arrêté du 6 mai 1996 constitue une entrave à la libre circulation des produits en France et s’il est effectivement une norme contradictoire, que doivent faire les SPANC ?

 Benoît X. : L’arrêté du 6 mai 1996 limite le développement des micro-step mais ne bloque pas leur commercialisation. C’est à l’Etat d’assumer ses responsabilités vis-à-vis de Bruxelles, si c’est effectivement considéré comme une « norme » contradictoire. Je ne suis pas persuadé de ce point. En tout cas, ce n’est pas aux SPANC de résoudre localement cette situation, même si certains vendeurs de micro-step forcent la main des particuliers et des SPANC en mettant en avant ces arguments. Tout en omettant d’autres informations comme les fréquences et le coût des vidanges.

Les SPANC, dans l’attente de l’évolution de la réglementation, doivent appliquer seulement l’arrêté du 6 mai 1996 et vérifier, s’il l’ont prévu dans leur règlement, que le XP DTU 64-1 de mars 2007 est bien respecté. D’ailleurs ce nouveau DTU a considéré volontairement la micro-step comme pré-traitement pour être cohérent avec la réglementation nationale.

 EG : L’arrêté de 1996 n’est donc pas "mort" tant que le nouvel arrêté technique ne le remplace pas ?

 Benoît X. : Exactement.

 EG : Et concernant le DTU ? La nouvelle norme EN-12566-3 doit-elle remplacer le DTU 64-1 au plus tard en juillet 2008 ?

 Benoît X. : Concernant la référence de la micro-step en tant que pré-traitement dans le DTU, il est possible que le DTU soit mis en conformité sur ce point lors d’une prochaine révision, ou un correctif ad hoc. Je ne suis pas un spécialiste de la normalisation, mais en revanche, à mon avis, le DTU continue toujours à faire référence comme règle de l’art pour toutes les autres filières, d’autant qu’il vient a peine d’être révisé en mars 2007. Par ailleurs, j’ai lu dans l’article publié par « L’eau, L’industrie, les nuisances » en mai 2008 que la date d’effet de la norme EN-12566-3, initialement fixée au 1er mai 2007, a été repoussée au 1er juillet 2008, puis à la demande de la France au 1er juillet 2009...

 EG : Pourquoi a-t-elle été repoussée par la France ?

 Benoît X. : Je n’ai pas creusé ce sujet, ni d’informations particulières. Je pense que c’est en lien avec le futur arrêté technique, ou des actions normatives en cours. Je peux vous donner les noms des experts français de la normalisation pour vous répondre sur ce point.

 EG : A défaut d’infos sur ce point, savez-vous quelle est la volonté du législateur français sur les techniques d’ANC ?

 Benoît X. : Sur l’arrêté technique à venir, qui remplacera celui du 6 mai 1996, le législateur français souhaite s’assurer que les ouvrages d’ANC (ndrl : installations complètes) qui intègrent ou non des produits (ndrl : dispositifs marqués CE comme les micro-stations) répondront bien aux exigences épuratoires minimales qu’il demandera.

Or les références épuratoires de certains produits marqués CE sont incomplètes pour répondre à cette future réglementation nationale, et certains produits ne font pas l’objet de marquage CE. Le législateur souhaite que les fabricants de procédés industrialisés complètent leurs essais en passant un protocole prouvant qu’ils respectent les exigences épuratoires minimales du futur arrêté.

 EG : Justement, quelles sont ces exigences épuratoires minimales ?

 Benoît X. : Je n’ai pas d’informations plus précises. Ce que je sais, c’est que le législateur continuera toujours à privilégier l’infiltration dans le sol, même après épuration, car elle constitue un complément efficace de traitement, peu coûteux.

 EG : Le marquage CE doit-il évoluer ?

 Benoit X. : La majorité des experts français du sujet souhaitent effectivement que la normalisation européenne soit plus exigeante, mais cela n’est pas sûr d’aboutir, et cela prendra du temps.

 EG : Les Spankeurs ont-ils vraiment intérêt à attendre l’évolution des textes français, quand ils sont sous pression des élus et des particuliers, pour apporter des solutions aux cas de réhabilitations ?

 Benoît X. : Oui, ils doivent résister à ces pressions. Je sais que ce n’est pas facile sur le terrain, mais ils ont un rôle de conseil des particuliers. Ils ne doivent pas inciter à une « désobéissance civile », car les essais effectués sur les plateformes du CSTB en partenariat avec Veolia eau sur 2 types de micro-stations ont montré qu’un modèle ne tenait pas la route en conditions « sollicitantes », proches des conditions réelles, malgré le marquage CE ! Cela pourrait se retourner contre eux.

Il serait difficilement compréhensible pour un particulier qu’une micro-station ou autre ouvrage compact soit « autorisé » par un SPANC et pas par un autre, voisin, dans les mêmes conditions. Les technico-commerciaux ne tarderaient pas à s’en servir comme argument de vente et mettraient en porte à faux le SPANC « vertueux ». C’est déjà ce qui se passe sur certains territoires.

 EG : Et pour le cas spécifique des micro-stations ?

 Benoit X... : Le SPANC prendrait un risque en cas de contentieux en « reclassant » en traitement, un dispositif que le législateur a prévu en pré-traitement, car il n’a pas la possibilité réglementaire de déroger à l’arrêté du 6 mai 1996. Ce serait, à mon avis, une forme d’abus d’autorité.

 EG : Alors comment faire pour les cas difficiles ?

 Benoît X. : Pour les réhabilitations où l’on manque de place, là effectivement d’un point de vue réglementaire, seul le lit à massif de zéolite, très coûteux, est autorisé. Compte tenu des différents délais probables pour l’arrêté technique et le protocole d’essai, on ne devrait pas voir sur le terrain, à mon avis, les premières « innovations technologiques agréées » avant un an minimum. Mais comme les particuliers auront dans la plupart des cas un délai de 4 ans pour réhabiliter… Sinon le SPANC pourrait toujours, au cas par cas, donner son aval, si le dossier présenté s’appuie « astucieusement » sur la section 3 (article 13 et 14), de l’arrêté du 6 mai 1996, ou dans le cadre de suivis expérimentaux réels.

 EG : Section 3, c’est-à-dire ?

 Benoît X. : Il s’agit des autres immeubles que les logements "unifamiliaux". Dans ce cas, il est possible de déroger aux règles de l’ANC en recourant à d’autres techniques, si c’est justifié par une étude ad hoc. Le particulier peut donc présenter un dossier disant qu’il fait de la conserverie à domicile, gîte ou chambre d’hôte, immeuble avec élevage familial regroupé avec celui de l’habitat..., Mais il vaut mieux avoir l’accord informel du SPANC au préalable de la présentation du dossier.

 EG : Voilà qui est peu connu, mais qui complique encore notre affaire.

 Benoît X. : J’aimerais aussi que se soit plus simple !

 EG : merci pour ces informations et précisions. »

Interview téléphonique de Benoît X., réalisé par Eaux glacées, le vendredi 1er août 2008.

Le dossier de l’ANC :

Assainissement non collectif (1) : les usagers vont trinquer

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 mai 2007.

Assainissement non collectif (2) : les difficultés commencent

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 juin 2007.

Assainissement non collectif (3) : Point de vue du Syndicat de l’ANC des Vosges

Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 juin 2007.

Assainissement non collectif (4) : le grand bazar

Les eaux glacées du calcul égoïste, 10 juillet 2007.

Assainissement non collectif (5) : les arrêtés d’application de la LEMA

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 septembre 2007.

Assainissement non collectif (6) : les micro-stations d’épuration

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 octobre 2007.

Assainissement non collectif (7) : pourquoi les lits de roseaux plantés sont-ils interdits aux particuliers ?

Les eaux glacées du calcul égoïste, 6 novembre 2007.

Assainissement non collectif (8) : comment réduire la facture ?

Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 novembre 2007.

Assainissement non collectif (9) : recherches tous azimuts

Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 novembre 2007.

Assainissement non collectif (10) : comment financer les SPANC ?

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 novembre 2007.

Assainissement non collectif (11) : l’Agence de l’eau Adour-Garonne crée un observatoire international

Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 décembre 2007.

Assainissement non collectif (12) : les usagers continuent à trinquer…

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 janvier 2008.

Assainissement non collectif (13) : zonage, raccordement et permis de construire…

Les eaux glacées du calcul égoïste, 7 janvier 2008.

Assainissement non collectif (14) : Les toilettes sèches au tribunal !

Les eaux glacées du calcul égoïste, 9 janvier 2008.

Assainissement non collectif (15) : contrôle avant la construction et permis de construire.

Les eaux glacées du calcul égoïste, 19 janvier 2008.

Procès des toilettes sèches à Brest : audience reportée

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 janvier 2008.

Assainissement non collectif (17) : des milliers d’usagers se révoltent et s’organisent dans le Vaucluse

Assainissement non collectif (18) : le sondage !

Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 février 2008.

Assainissement non collectif (19) : les aides promises aux particuliers de plus en plus incertaines…

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 février 2008.

Assainissement non collectif (20) : le projet d’arrêté déclenche un tollé dans les Spanc

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 février 2008.

Assainissement non collectif (21) : polémique sur les micro-stations d’épuration

Les eaux glacées du calcul égoïste, 3 avril 2008.

Assainissement non collectif ( 22 ) : Informations, sites, blogs...

Les eaux glacées du calcul égoïste, 21 avril 2008.

Assainissement non collectif (23) : le blues de l’usager

Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 mai 2008.

Assainissement non collectif (24) : les projets d’arrêtés

Les eaux glacées du calcul égoïste, 18 mai 2008.

Assainissement non collectif (25) : le Finistère adopte une Charte de l’ANC

Les eaux glacées du calcul égoïste, 18 mai 2008.

Assainissement non collectif (26) : les positions de la CLCV et de l’AMF

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2008.

Assainissement non collectif (27) : l’action des usagers

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2008.

Assainissement non collectif (28) : les industriels français estiment que la France sera bientôt « exemplaire en Europe et dans le monde... »

Les eaux glacées du calcul égoïste, 5 juin 2008.

Assainissement non collectif (29) : une enquête nationale avant les prochaines Assises de l’ANC

Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 juin 2008.

L’affaire des toilettes sèches tourne à l’inquiétant polar en Bretagne

Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 juin 2008.

Assainissement non collectif (30) : mon petit SPANC à moi il est génial

Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 juin 2008.

Assainissement non collectif (31) : l’Association des Maires de France interpelle Jean-Louis Borloo

Les eaux glacées du calcul égoïste, 18 juillet 2008.

Assainissement non collectif (32) : quatre textes d’application en attente

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 juillet 2008.

Assainissement non collectif (33) : l’arrêté de 96 et le DTU 64.1 sont morts !

Les eaux glacées du calcul égoïste, 1er août 2008.

Assainissement non collectif (34) : polémique sur les micro-stations, l’arrêté de 1996 et le DTU 64.1. L’avis d’un expert.

Les eaux glacées du calcul égoïste, 1er août 2008.

Marc Laimé - eauxglacees.com