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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Gemapi et pluvial : évaluez vous-dis-je !
par Marc Laimé, 10 novembre 2019

Le gouvernement est contraint depuis 2008 de présenter au parlement, dans les six mois suivant l’adoption d’une loi, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de ladite loi (1). Cette nouvelle pratique démocratique entre difficilement dans les mœurs, comme en témoignent la publication - avec un retard certain pour le second d’entre eux - , de deux rapports, de qualité inégale, successivement dédiés à la mise en œuvre de dispositions législatives et réglementaires affectant la gestion des eaux pluviales urbaines, puis la Gemapi.

Le premier des deux rapports, intitulé « Rapport du Gouvernement au Parlement sur la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement
aux fins de prévention des inondations » a donc été établi « en application de l’article 7 de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations ».

Daté d’avril 2018 il valide sans autre commentaire le « cavalier » porté par la majorité qui a conféré valeur législative (quoique ?), à l’entourloupe ourdie depuis des années par la DGCL et la DEB qui a consisté, en travestissant des arrêts de la CAA de Marseille puis du Conseil d’Etat, a affirmer que la GEPU était désormais partie intégrante de la compétence assainissement des métropoles, CU et CA, à l’exception des CC.

Tour de passe-passe qui a pour unique objectif de ne pas ouvrir la boite de Pandore du financement du pluvial et du ruissellement, en pérennisant par ce biais l’édifice abracadabrandesque qui repose sur la fameuse Instruction ministérielle de 1978… Coup de force dont nous avons déjà à maintes reprises dénoncé l’aberration qu’il perpétue.

Rapport du Gouvernement au Parlement, avril 2018 -.

S’agissant de la Gemapi, on se souvient que la loi dite Fesneau-Ferrand de décembre 2017 avait avait, notamment, modifié, en les pérennisant, le rôle des régions et départements.

La remise du rapport du gouvernement au Parlement aurait donc du intervenir à l’été 2018.

Las, c’est avec plus d’un an de retard qu’il a été rendu public, le 21 octobre 2019, lors même qu’il est daté en couverture de novembre 2018…,

Témoignage de la complexité de la mise en œuvre de la Gemapi, le gouvernement a en effet choisi d’en confier la réalisation à l’inspection générale de l’administration (IGA) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

Tonalité : après avoir « suscité des malentendus qui ne sont pas tous dissipés, la compétence se structure désormais dans un climat de plus en plus apaisé ».

Gros de 120 pages ledit rapport d’évaluation mentionne une liste impressionnante de 400 acteurs rencontrés au niveau national - administrations centrales, associations d’élus, établissements publics, experts…, et de visites dans les six bassins métropolitains…

Et un message « quasi unanime » - à l’exception de la position de l’Association des maires de France (AMF) : « Ne touchons plus le fragile édifice (législatif, ndlr) construit et passons à la mise en œuvre de la compétence Gemapi. »

Nonobstant, et premier bémol, cette mise en œuvre resterait « très largement subie ».

Constatant la grande hétérogénéité connue dans l’état d’avancement des territoires, les inspecteurs généraux soulignent que ce clivage est marqué « selon la taille des intercommunalités entre les EPCI de petite taille à dominante rurale, ceux de taille moyenne qui distinguent souvent la Gema (transférée) et le PI (conservée en régie directe) et les métropoles à dominante urbaine qui privilégient la gestion directe ».

Quant aux services de l’État, leur positionnement serait « très variable selon les territoires et les choix opérés par les acteurs du bassin ou des sous-bassins, du statut de spectateur à celui d’acteur volontaire, voire de prescripteur avec tous les stades intermédiaires ».

Entre la distance prise - au fur et à mesure que le dispositif s’est assoupli - par ses opérateurs pour « laisser toute sa place à la libre administration des collectivités », l’intervention des départements rendue possible (dans la PI) mais qui semble peu pérenne, les régions en quête de positionnement et les associations syndicales autorisées qui peinent à devenir des acteurs à part entière, chacun au final cherche encore sa place...

A la recherche d’une doctrine partagée

Le dialogue entre l’État et les collectivités est donc amené à évoluer, notamment avec celles qui ont choisi de gérer la compétence en régie. La gouvernance apparaît encore fragile, et la mission recommande d’aider à structurer cette nouvelle compétence, non pas là où les élus des collectivités en charge de la compétence parviennent à la faire vivre dans ses deux composantes - Gema et PI – mais là où sont rencontrées des situations à problèmes et où nulle « solution consensuelle et adaptée aux enjeux n’a pu être trouvée ».

C’est notamment l’Assemblée des communautés de France (ADCF) qui a exprimé cette attente d’une médiation « plus affirmée de l’État pour traiter des situations locales préjudiciables à la bonne gestion de la politique de l’eau, tout particulièrement en matière de prévention des inondations ».

Le rapport recommande dès lors d’accentuer le rôle dévolu aux missions d’appui technique de bassina, afin de structurer l’émergence d’un lieu d’échanges de bonnes pratiques, piloté par l’État et à même de construire « une doctrine partagée sur la mise en œuvre de la Gemapi ».

Un besoin de doctrine évident en matière d’ouvrages de protection - un domaine dans lequel des ajustements sont intervenus entre-temps par l’intermédiaire de décrets publiés l’été dernier – et plus précisément pour mieux cerner ce qu’est un système d’endiguement, sa gouvernance et traiter des cas de digues ouvrages où le flou règne.

Un suivi lacunaire

Si le débats parlementaires ou politiques ont été nombreux, la production écrite intense, il manque un outil homogène de suivi au niveau national pour « apprécier le rythme et les modalités d’avancement de la prise de compétence par les EPCI ».

Des enquêtes ont été initiées par les associations d’élus, de bonnes pratiques valorisées et les préfets de bassin ont procédé il y a deux ans à une remontée d’informations sur les avancées et difficultés rencontrées (enquête dont la synthèse a été publiée mais pas les conclusions).

Parmi les bases de données nationales, celle du ministère des finances sur la taxe Gemapi a du potentiel mais « ces données ne font pas l’objet d’une exploitation particulière au-delà du recensement des informations ». D’autres ne sont pas accessibles à l’ensemble des acteurs intéressés ou « ne permettent pas d’avoir une vision globale des enjeux ».

La mission déplore donc cette abondance de données, disponibles au niveau territorial, mais non exploitée au niveau national.

Ainsi, la dispersion des outils de suivi - chaque Dreal de bassin a mis le sien en place - « ne favorise ni la rationalisation, ni la cohérence de l’action publique ».

A l’identique pour la mise en œuvre de la taxe Gemapi. Les données consolidées au niveau national ne sont « pas ou peu exploitées par les services déconcentrés de l’État ».

La mission propose dès lors de structurer ce suivi afin de gagner en transparence (identification d’indicateurs, implication des administrations, préfectures et directions régionales des finances publiques). Et suggère que l’ensemble de ces éléments soient débattus annuellement au sein des comités de bassin et « qu’une synthèse nationale en soit examinée au comité national de l’eau ».

Une taxe à la peine

La mission a recensé 439 EPCI-FP (sur 1275) qui ont institué la taxe, pour un montant total de produit attendu de 154 millions d’euros (source DGFIP).

Elle couvre 35% des communes et a soulevé de nombreux débats au sein des EPCI. La création de cette recette fiscale dédiée, facultative, plafonnée (à un équivalent de 40 euros par habitant et par an et répartie entre les assujettis à diverses taxes dont celle sur le foncier bâti et non bâti) et affectée (elle ne peut être utilisée que pour des missions relevant de cette compétence), était destinée à garantir la solvabilité de la Gemapi.

« Elle aurait dû rassurer mais suscite beaucoup d’inquiétudes », souligne le rapport. L’évaluation du coût de la Gemapi restant un exercice complexe, il ressort qu’hormis le cas « de quelques collectivités territoriales qui ont anticipé les besoins et construit une programmation pluriannuelle des financements, la détermination précise des besoins nécessaires à l’exercice de l’ensemble de la compétence n’est que rarement effective ».

Dès lors, « on se trouve dans la situation paradoxale d’une compétence potentiellement solvable mais discutée au regard d’un risque de désajustement entre recettes mobilisables et dépenses effectives, ce qui n’est pas impossible dans certains territoires mais restera, a priori, exceptionnel ».

Certains EPCI ont toutefois fait le choix d’instituer cette taxe. Ils le justifient « par les coûts très élevés causés par la prise de compétence », observe la mission qui cite l’exemple de la communauté d’agglomération Royan Atlantique. Celle-ci a souhaité gérer en direct la prévention des inondations. Elle a justifié la levée de la taxe (7 euros par hab./an) par les travaux nécessaires sur une digue : « La mise en place de la taxe est plus facilement acceptée lorsque des crues récentes sont intervenues. »

Pour conforter le modèle économique, en phase d’émergence, la mission préconise de finaliser l’évaluation des dépenses correspondant à ses différents volets, de fiabiliser l’assiette de la taxe fragilisée par la suppression de la taxe d’habitation, de se pencher sur le problème de la pérennisation de l’intervention des régions et surtout des départements, « aujourd’hui très incertaine », et de continuer à explorer la piste des financements européens, « peu mobilisés » car « le cadre actuel régissant le Feder en métropole rend difficilement éligible ces dépenses ».

Lettre Premier ministre 23-07-19 -.
Eapport IGA-CGEDD, novembre 2018 -.
Rapport article 3, loi 2017-1838 -.

(1) Sur le contrôle de la mise en œuvre de la loi, voir la fiche établie par le Sénat : https://www.senat.fr/role/fiche/app_lois.html

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