Après les nitrates et les pesticides dans l’eau, ce sont des traces inquiétantes de dioxine, supérieures à la norme autorisée, qui ont été retrouvées dans la production de plusieurs exploitations laitières de Loire-Atlantique et d’Ille-et-Vilaine, dans le courant du mois de juin 2007, entraînant l’arrêt de commercialisation des lots de lait affectés. Aucun incinérateur ne semblant pouvoir être incriminé, les recherches s’orientent vers les compléments alimentaires ingérés par les vaches et les épandages sur patûres des boues résiduelles après le traitement de l’eau. L’incident rappelle que la qualité de l’eau et des productions alimentaires en Bretagne, comme ailleurs en France, doit aussi s’apprécier au regard des pollutions qui ne trouvent pas directement leur source dans l’agriculture, mais aussi dans des activités annexes, ici peut-être le traitement de l’eau, ou les activités industrielles, comme le soulignait une étude de la Direction régionale de l’industrie et de la recherche de la Bretagne, en mai 2006.
Les services vétérinaires de trois départements de l’Ouest de la France travaillent depuis la fin du mois de juillet 2007 à élucider l’origine de la contamination qui a affecté notamment quatre exploitations d’Ille-et-Vilaine, dont les analyses de la production laitière ont révélé la présence d’un taux de dioxine supérieur aux normes, comme l’indiquait à Ouest-France le 11 aout 2007 M. Didier Vaucel, directeur-adjoint de la Direction des services vétérinaires d’Ille-et-Vilaine.
Si le fonctionnaire tenait sous silence le nom de la laiterie affectée comme les volumes de lait concernés, il confirmait que « le lait a été écarté du circuit de commercialisation et les animaux placés sous séquestre. »
Ce sont au total six tournées, représentant 68 exploitations, dont les deux tiers en Loire-Atlantique, les autres en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan, qui font l’objet d’investigations.
« Les premiers résultats anormaux sont apparus début juin, lors des autocontrôles effectués par l’entreprise, poursuivait M. Didier Vaucel. Des échantillons présentaient des traces de dioxine supérieures à la norme autorisée de 3 picogrammes par gramme de matière grasse. »
Les résultats arrivent au compte-gouttes de deux laboratoires. Les quatre exploitations présentent des concentrations de dioxine entre 4,6 et 15,9 picogrammes par gramme.
Aucun incinérateur n’étant en service dans le secteur, deux sources possibles de contamination sont donc recherchées.
Les compléments alimentaires ingérés par les vaches.
Et les épandages sur pâtures des boues résiduelles après le traitement de l’eau.
Les Directions des services vétérinaires de l’Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de la Loire-Atlantique doivent poursuivre leurs recherches deux à quatre semaines durant, puisque des collectes effectuées dans le Morbihan et la Loire-Atlantique présentent également des traces de dioxine.
« Nous enquêtons sur l’alimentation des animaux, notamment les compléments minéraux, ainsi que sur des carrières en activité situées dans la zone », indiquait au Journal de l’environnement le 17 août 2007 M. Hervé Knockaert, directeur de la Direction départementale des services vétérinaires (DDSV) de Loire-Atlantique.
Aucune piste n’est donc encore privilégiée. Le lait incriminé a été retiré de la chaîne de production, et celui qui est mis sur le marché ne présente, selon un communiqué de la DDSV de Loire-Atlantique et de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, aucun risque pour le consommateur.
« Les analyses montrent que le produit final est conforme aux normes. Quand le lait provenant d’une exploitation ne l’est pas, il n’est pas orienté vers la consommation humaine », précise M. Hervé Knockaert.
La DDSV de Loire-Atlantique poursuivait au mois d’août le recensement des exploitations produisant un lait non conforme. « On n’aura jamais un taux zéro de dioxines dans le lait. Le bruit de fond baisse, mais il peut rester des sources de contamination secondaires », précisait par ailleurs M. Knockaert.
Pour le président de Cilouest, l’instance représentative de l’interprofession laitière, M. Marcel Denieul, « la mécanique de contrôle fonctionne bien. Les mesures de précaution ont été prises et le travail d’enquête sera poursuivi méthodiquement jusqu’à la source de la contamination pour l’éliminer au plus vite. »
S’inquiétant du manque à gagner des agriculteurs, il soulignait, interrogé par Ouest-France le 11 aout 2007 que : « d’autres cas se sont présentés dans le passé. Les éleveurs ont été indemnisés. »
Tandis que les préfectures des trois départements concernées affirmaient que la situation ne présente aucun risque pour les consommateurs, M. Denieul soulignait qu’ « il faut raison garder. On ne voudrait pas que nos concurrents néo-zélandais ou autres martèlent que le lait français est plombé à la dioxine. »
Pour M. Patrick Baron, président de la Confédération paysanne de la Loire-Atlantique, « il faut être très prudent. Tout a bien fonctionné vis-à-vis du consommateur. Notre production laitière pourrait être vite déstabilisée par des informations alarmistes. »
M. Laurent Kerlir enfin, président de la FRSEA, souhaitant pour sa part « accompagner les collègues touchés par ces difficultés. »
Dans son édition du 21 aout 2007, le correspondant rennais du Monde, annonçant que de nouvelles analyses étaient attendues pour le 24 aout, précisait que « L’origine de la dioxine retrouvée dans du lait breton reste mystérieuse. »
« (…) Les bêtes concernées ont été mises sous séquestre. Le lait a été exclu de la chaîne de consommation et n’a, à aucun moment, été transformé en beurre ou autre produit fini. "Il a été détruit ou écrémé (le risque réside dans la crème) et transformé, sous contrôle, en poudre de lait pour l’alimentation animale", affirme Fabien Sudry, secrétaire général de la préfecture de Nantes. Ces traces n’en restent pas moins inquiétantes car on ignore toujours d’où provient la dioxine. L’enquête se poursuit pour mettre fin à la contamination des vaches et trouver l’origine de la pollution.
« On sait désormais que 39 exploitations sur une centaine contrôlées sont concernées : 29 en Loire-Atlantique, 5 en Ille-et-Vilaine et 5 dans le Morbihan. Elles sont réparties sur cinq cantons, le tout formant une bande de campagne de 25 km de long sur 10 de large. L’absence d’incinérateur d’ordures ou de forte concentration industrielle dans les environs élimine cette source de pollution des causes possibles. Mais les limiers des services d’Etat travaillent sur d’autres pistes : l’alimentation animale, la contamination aérienne - par exemple suite à un incendie - ou encore l’épandage de boues résiduelles après traitement de l’eau. Ils analysent la dioxine et comparent également ce qui est commun à toutes les fermes touchées. Il faut trouver ce qu’ont respiré ou, surtout, mangé les bêtes de cette grande région laitière de France. L’Ille-et-Vilaine est le premier département producteur de lait.
(...)
« De nouveaux résultats d’analyse devraient tomber vendredi 24 août. "Il est déjà arrivé que des vaches soient touchées à proximité d’incinérateur. Mais, là, c’est une crise rarissime", conclut Fabien Sudry. »
Pour sa part Denis Delbecq, qui animait jusqu’au printemps dernier la (regrettée) séquence « Terre » de Libération, s’interrogeait le 24 aout 2007, dans un billet posté sur Effets de terre II, « la version indépendante et non affiliée du blog (qu’il) animait sur le site de Libération depuis la fin 2004, sur « Un été riche en dioxines »
Outre l’évocation de plusieurs autres cas recensés dans le monde entier, il y évoquait une autre source possible de contamination par de la dioxine du lait en Bretagne : « A moins que ce soient les écologistes de Robin des bois qui soient sur la bonne piste. Eux s’interrogent sur un incendie qui s’est produit dans une usine de polystyrène en juin 2006 près de Redon, avant la récolte de maïs. Or les soupçons sur la contamination des bovins français portent justement sur les ensilages de maïs utilisés pour leur alimentation. Du maïs de la récolte 2006, justement. »
VIDEO : voir l’enquête diffusée par FR3 Pays-de-Loire le samedi 29 septembre 2007.
Un précédent en Isère en 2005
Des teneurs en dioxine supérieures aux normes ont déjà été mesurées dans des produits alimentaires lors de précédents épisodes de contamination, notamment en juin 2005 en Isère.
Un taux anormal de dioxines dans des œufs avait ainsi été relevé dans la commune de Bourgoin-Jallieu (Isère) lors d’analyses effectuées en juin 2005 à proximité de l’usine d’incinération : 6,27 picogrammes par matière grasse, soit 2 fois la norme européenne.
« Nous pensons que ce taux est limité au petit élevage familial dans lequel a été réalisé le prélèvement en cause, puisque les autres prélèvements ont donné des taux conformes à la réglementation », expliquait Mme Agnès Alexandre-Bird, responsable du service santé-environnement de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) d’Isère au Journal de l’environnement le 12 septembre 2005.
Les 14 autres échantillons effectués sur des végétaux, le sol, les sédiments, le lait et les œufs n’avaient en effet rien révélé d’anormal dans l’activité de l’usine d’incinération.
Toutefois, une nouvelle campagne de tests était ordonnée par arrêté préfectoral en augmentant les prélèvements sur les végétaux. Dès lors comment expliquer pareil résultat ?
« Il existe plusieurs causes possibles. Ce résultat localisé peut notamment venir du brûlage de déchets verts ou d’une autre usine située à proximité », poursuivait Mme Agnès Alexandre-Bird. Elle conseillait d’ailleurs aux industriels devant répondre à ce type d’analyses de ne pas hésiter à faire plusieurs prélèvements à différentes distances afin de prendre la mesure de la dégressivité des taux. Il faut également bien isoler les résultats concernant chacun des végétaux, et ne pas faire une moyenne comme l’a fait l’usine d’incinération de Bourgoin-Jallieu. « Il faut être précautionneux sur le plan d’échantillonnage afin d’améliorer les résultats et de ne pas laisser la place au doute », concluait-elle.
Révision à la hausse des normes européennes en 2006
Navrante illustration de la manière dont les normes européennes privilégient trop souvent les intérêts économiques avant de protéger la santé publique, la Commission augmentait en février 2006 les seuils autorisés de dioxine dans l’alimentation, alors que la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne, comme la France étaient confrontés à des cas de contamination par la dioxine.
Les dioxines et les PCB peuvent être à l’origine de cancers, de troubles immunitaires et du système nerveux, de lésions du foie et de cas de stérilité.
Les teneurs maximales en dioxine étaient jusqu’en 2006 de 2 nanogrammes par kilogramme de graisse de poulet, 1 pour la graisse de porc, 3 pour celle de boeuf et 3 également pour celle d’oeuf et de lait.
Elles étaient augmentées de 50%. Désormais, les teneurs maximales pour la présence combinée de dioxines et PCB de type dioxine seront de 4 nanogrammes par kilogramme de graisse de poulet, 1,5 pour la graisse de porc, 4,5 pour celle de boeuf et 6 pour les oeufs et le lait, expliquait à l’AFP le 4 février 2006 le porte-parole du commissaire Kyprianou…
Industrie bretonne et micropolluants dans l’eau
L’incident est révélateur de la situation catastrophique de la qualité de l’environnement en Bretagne et des dérives sans fin du modèle agricole productiviste qu’elle a adopté.
Comment en sortir, à quel prix, et comment retrouver un bon état de l’environnement, dont l’eau, en Bretagne ?
La Drire Bretagne rappelait opportunément l’an dernier que d’autres facteurs que les pratiques culturales devront aussi être pris en compte.
Elle présentait ainsi le 24 mai 2006 un premier bilan de l’action lancée en 2003 sur les rejets industriels de micropolluants dangereux dans l’eau.
« Réuni pour la 4ème fois depuis 2003, le comité de pilotage régional a analysé et exploité 96 bilans d’analyses reçus à ce jour (en 2006), soit 85 % des industriels de l’échantillon. »
« Ces analyses portent sur 106 substances, dont certaines n’étaient jusqu’à présent pas systématiquement surveillées dans les rejets industriels, leur présence étant réputée infime ou non suspectée. »
« Parmi les substances nouvellement ciblées, une trentaine n’a jamais été trouvée, mais une trentaine de substances, qualifiées de dangereuses ou de prioritaires, ont été quantifiés dans les rejets bretons, souvent à l’état de trace. »
« Ces substances sont souvent concentrées sur un ou deux émetteurs principaux, ce qui facilitera des actions éventuelles. Aucune substance n’est toutefois représentative de spécificités de la région. »
« Les rejets significatifs identifiés sont principalement des métaux toxiques, dans tous les secteurs d’activités, mais aussi plus spécifiquement des composés organiques halogénés volatils, des phénols, des phtalates, des pesticides. Aucune situation alarmante n’a été constatée ; cependant, quelques émissions dépassent les limites réglementaires. »
« Une fois l’inventaire réalisé, non exhaustif toutefois, il s’agit maintenant de réduire les émissions de micropolluants jugés les plus dangereux. »
« Certains industriels ont d’ores et déjà pris des mesures pour identifier les origines des substances détectées, les réduire, voire les supprimer. L’inspection des installations classées demande systématiquement que l’industriel se positionne sur ces étapes. »
« Cette campagne ponctuelle, lancée par l’Etat en 2003, sur la base du volontariat des industriels, s’est bien déroulée, dans un esprit coopératif. Ses résultats contribueront à la définition des actions menée actuellement dans le cadre de la directive cadre sur l’eau, qui vise à atteindre le bon état écologique des eaux d’ici 2015. »
« Le comité de pilotage régional, sous l’égide de Mme la Préfète de région, rassemble des représentants des collectivités départementales et régionales, des organisations professionnelles, des associations de protection de l’environnement et des services de l’Etat. L’opération est suivie par la DRIRE, service régional de l’Etat des ministères de l’écologie et de l’industrie, ainsi que par les 4 DDSV, chargés également de l’inspection de certaines installations classées. 110 industriels, auxquels s’ajoutent un établissement hospitalier, une université, 2 stations d’épuration, ont accepté de se lancer dans cette démarche. »
« L’objectif est de réduire significativement ou de supprimer totalement les rejets de substances dangereuses d’ici 2020. La Bretagne est l’une des premières régions à avoir achevé cette campagne de recherche. »
Le dossier de l’eau en Bretagne :
Le site de l’association S-Eau-S
Alerte rouge sur le porc en Bretagne
Le principe « pollué-payeur » : une caricature en Loire-Bretagne
La gestion de l’eau à la française ? Un modèle déséquilibré et non durable !
Captages d’eau non-conformes : les mesures décidées par la France
22 mars : Une journée mondiale de l’eau agitée en Bretagne
Retour à la « casse départ » en Bretagne
Lisier en Bretagne : l’overdose !
Le site d’Eau et rivières de Bretagne
Sur le conflit en cours,les communiqués de presse de 2007
Les eaux glacées du calcul égoïste
Nouvelle guerre de l’eau en Bretagne
Guerre de l’eau en Bretagne (3) : les écologistes manifestent le 22 mars, journée mondiale de l’eau
Guerre de l’eau en Bretagne (4) : l’heure de vérité approche
Guerre de l’eau en Bretagne (5) : le lobby agricole déraille
Guerre de l’eau en Bretagne (6) : l’insurrection des consciences
commentaires
L’épandage des boues de stations d’épuration est une pratique courante en agriculture. Seule l’agriculture bio l’interdit ! L’épandage des liziers des élevages de porcs est la première cause des marées vertes qui entrainent l’eutrophisation du milieu marin et la disparition des espèces qui se reproduisent dans les zones reouvertes par ces algues.
Ouaip, ça rappelle un peu l’histoire des poulets à la dioxine belges il y a quelques années : la dioxine provenait des aliments donnés à la volaille.
Le titre du post me semble pour l’instant pour le moins "anticipé" : le lien avec la pollution de l’eau est loin d’être fait.
Je viens de consulter la fiche INERIS pour les dioxines et notamment leur origine :
- principalement les incinérateurs - mais aussi le blanchiment de la pâte à papier (j’ai souvenir que fût un temps les résidus de pâte à papier étaient épandus sur les champs).
Pour la filière "eau" : le traitement des eaux usées est mentionné ainsi que le débordement des égouts sans qu’il soit précisé si le traitement de l’eau "crée" de la dioxine ou la "récolte" et la transfère.
Indirectement la principale source étant des particules "aériennes" il est en effet possible que via le lessivage des particules déposées sur le sol on retrouve de la dioxine dans les boues d’épuration.
Mais je pensais que l’épandage des boues sur prairies était interdit (du moins pas conseillé) niveau hygiène (ténia etc...) ???
Encore plus indirect : la réactivation du charbon actif effectivement utilisé en traitement de l’eau.
Bref si quelqu’un peut m’expliquer comment on retrouve de la dioxine dans l’eau et les boues...
Sur le reste il me semble qu’on va dans le bon sens (convergence de la DCE et de REACH).