“Aujourd’hui, en écho au terrible tremblement de terre survenu en février en Turquie et en Syrie, nous revenons sur la notion de risques naturels et la façon de s’y adapter. Avec Magali Reghezza-Zitt Géographe, spécialiste des risques naturels, de la vulnérabilité urbaine et des stratégies de gestion. »
« Rousseau dans sa « lettre à Voltaire sur la Providence » lui avait manifesté son désaccord avec son poème sur le tremblement de terre de Lisbonne en 1755. A ses yeux, l’origine du mal n’était pas à rechercher dans la nature mais dans l’humain : " vous auriez voulu que le tremblement de terre se fut fait au fond d’un désert plutôt qu’à Lisbonne. Peut-on douter qu’il ne s’en forme aussi dans les déserts, mais nous n’en parlons point, parce qu’ils ne font aucun mal aux messieurs des villes, les seuls hommes dont nous tenions compte."
Quelles conclusions peut-on en tirer du point de vue de la géographie ? Qu’un séisme sur une ville bien préparée n’est pas un danger, n’est plus un risque ?
Qu’est-ce que la vulnérabilité d’une ville ou d’un territoire, peut-on la mesurer objectivement ? Est-ce l’état de préparation et d’organisation qui préexiste à la catastrophe ? Quelle doit être la place de la technologie dans cette adaptation et comment porter ces stratégies politiquement ?
Il y a longtemps que la Turquie fait face à des catastrophes sismiques, mais celles-ci peuvent-elles être qualifiées de naturelles, lorsque d’autres pays, comme le Japon, subissent également de nombreux séismes et s’en sortent en général sans aucun mort ? Ce n’est donc pas la nature mais bien la préparation des villes à ces catastrophes qu’il faut regarder de près… Si, depuis 1994 et la conférence de Yokohama, la réduction de la vulnérabilité urbaine a été érigée en objectif prioritaire, on ne constate pas de grands résultats pour l’instant.
Nous parlerons aussi ce soir d’un autre type de catastrophe dite naturelle, c’est-à-dire des inondations, car notre invitée, la géographe Magali Reghezza-Zitt, membre du Centre de formation sur l’environnement et la société de l’ENS, autrice de Des hommes et des risques : menaces locales, menaces globales paru à La Documentation française en 2016 et qui a co-dirigé l’ouvrage collectif Résiliences. Sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes (Iste Editions), a également consacré un livre à la crue de 1910 sous le titre Paris coule-t-il ?, aux éditions Fayard en 2012.
"Cette carte illustre tout le paradoxe d’un risque, ou plutôt d’un aléa, c’est-à-dire un phénomène physique qui est connu et qui en soi, n’est ni bon ni mauvais, mais qui va se transformer en menace si des hommes, des bâtiments, des écosystèmes, des infrastructures, des activités, sont exposés, et si ils y sont vulnérables, c’est-à-dire si ils vont être sensibles à cette menace.
Sur cette carte on voit, comme dans beaucoup de cas aujourd’hui, que non seulement les séismes sont documentés historiquement (on dispose d’archives, d’un travail de reconstitution très précis des séismes historiques qui permettent de connaître la sismicité d’une région), mais qu’on est capable de cartographier les failles sismiques.
Et malgré cela et les progrès considérables réalisés en matière de technologies d’observation, de mesure de veille, d’établissement de probabilités qui nous permettent de disposer d’alertes précoces, autrement dit malgré la connaissance du risque, des catastrophes se produisent, comme le séisme le mois dernier en Turquie et en Syrie suite auquel on dénombre aujourd’hui 50 000 morts."
Géographie à la carte, France culture, 9 juillet 2023 (première dffusion le jeudi 2 mars 2023)
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