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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Onema : la grande misère de la politique de l’eau française
par Marc Laimé, 16 mai 2014

A l’occasion d’une question posée récemment par un parlementaire à la ministre de l’Ecologie, on aura pu mesurer, et l’omerta persistante sur un scandale majeur de la politique de l’eau en France, scandale dénoncé avec force par la Cour des comptes en février 2013, scandale totalement étouffé depuis lors par le lobby de l’eau, et l’absolue inanité de la parole politique sur un sujet d’importance capitale, ce qui fait frémir quand on sait comment le lobby de l’eau a fait obstacle en 2013 à toute hypothèse de réforme d’une politique publique majeure, politique en totale perdition, comme l’ont établi d’innombrables études et rapports.

La séquence pourrait sembler anecdotique. Elle est cruellement révélatrice. Le 30 avril 2014, au Palais du Luxembourg, M. Gérard César, sénateur (UMP) de la Gironde, pose une question orale à la ministre de l’Ecologie, Mme Ségolène Royal, qui a pris ses fonctions moins d’un mois plus tôt.

Dans un hémicycle désert, en l’absence de la ministre, le député interroge longuement M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les « dérives de gestion de l’Onema », en donnant lecture d’un pan des conclusions, accablantes, du rapport de la Cour des comptes, rendu public le 12 février 2013.

A la question du sénateur César, parfaitement étayée, la réponse de M. Cuvillier, indiquant qu’il transmet à l’honorable sénateur la réponse de Mme Royal, nous transporte sur des rives jusqu’alors inconnues.

Qualifiant l’Onema « d’OGema », M. Cuvillier, qui ne connaît absolument rien au dossier, nous délivre un invraisemblable tissu de contre vérités, dont on comprend parfaitement les mobiles qui ont conduit d’obscurs, et moins obscurs, responsables et conseillers à en attribuer la paternité à Mme Royal, mais dont on s’étonne que cette dernière ait pu se résoudre à en assumer la responsabilité, alors qu’elle n’est évidemment pour rien dans la gestion calamiteuse de ce dossier par tout un appareil d’Etat, tétanisé depuis l’été 2012 par la révélation d’un scandale sans précédent.

En résumé, tout irait désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes, et les « dérives » identifiées par la Cour des comptes auraient été corrigées (genre en trois semaines grâce à la dynamique nouvelle patronne), ce qui va permettre à l’Onema de devenir bientôt la poutre maîtresse de la future Agence française pour la biodiversité, dont la création, imprudemment promise par François Hollande en septembre 2012, tourne au cauchemar absolu puisque chacun sait ce qui se dissimule derrière la ténébreuse affaire de l’Onema, et qu’il serait dès lors particulièrement imprudent de laisser les mêmes déployer leurs incomparables talents dans une autre cour de récréation.

Pour en terminer avec l’échange sidérant entre notre sénateur de la Gironde et M. Cuvillier, on découvre en fait à la fin de la séquence que M. César ne s’est, astucieusement, emparé de la bombe de l’Onema que pour voler au secours de l’un de ses collègues élus, à Libourne, élu qui n’en finit plus d’avoir des ennuis, au motif qu’il ne sait plus comment se débrouiller d’un baston furieux entre des membres de la FNSEA, qui entendent continuer à curer des fossés « au nom du principe de précaution », et le Préfet, épaulé par la SEPANSO, une association de défense de l’environnement, qui n’entendent pas laisser la FNSEA s’ébrouer à son aise, ce qui place les agents des circonscriptions territoriales de l’Onema dans une situation dangereuse, comme ailleurs, puisque la FNSEA a déclaré ouverte la chasse aux dits agents…

Sur le fond, l’évolution du dossier de l’Onema laisse pour le moins dubitatif.

Un « plan d’action » supposé répondre aux observations de la Cour des comptes a été validé par son CA dès le 28 mars 2013, avant l’adoption d’un « Contrat d’objectifs » du même tonneau.

Et depuis « business as usual ».

Sauf que le Conseil d’administration de l’Onema n’a toujours pas de président en mai 2014. La tutelle exercée jusqu’à l’automne 2012 par l’ex-Directrice de l’eau, qui y avait perdu son poste, limogée par Delphine Batho, avant que d’être recasée au Conservatoire du Littoral, esprit de corps oblige, n’est donc pas assurée par Laurent Roy.

Une présidence « intérimaire » a été dévolue aux deux Vice-présidents, Messieurs Marcovitch et Lécussan, ceux-là mêmes, en place depuis le début, qui avaient assuré à Delphine Batho que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, refrain qu’ils reprendront dans leur réponse à la Cour des comptes, avant que celle-ci ne remette les pendules à l’heure le 12 février 2013.

Par ailleurs, et en dépit d’une lourde mise en cause à plusieurs niveaux, seule une tête a roulé dans la sciure, comme si tout provenait du seul Patrick Lavarde, qui remâche son dépit en se préoccupant... de l’avenir des espèces menacées !. Mais aucune remise en cause du fonctionnement général, pourtant calamiteux.

Pour le statut des personnels, toujours pas de règlement proche pour les contractuels, pas avant 2015 au mieux. Le problème des CDD s’est en partie réglé de lui-même, par le départ des agents concernés.

Pour les suites judiciaires, le jugement de la Cour de discipline budgétaire et financière est évidemment attendu avec impatience par tous les intéressés.

Le parquet de Créteil, saisi d’une plainte pénale déposée à l’initiative de la courageuse section Onema du SNE-FSU, poursuit ses investigations, après en avoir saisi les services de police compétents. Rebondissements prévisibles sous peu.

Pour la question, centrale, des données publiques sur la qualité de l’eau, qui avait suscité une violente polémique, ce qui avait conduit Delphine Batho à s’engager publiquement à ce qu’un audit indépendant soit mis en œuvre, l’affaire a bien évidemment été enterrée dans les meilleurs délais.

L’équipe opérationnelle conduite par Anne Marie Levraut dans le cadre du projet de réforme de la politique de l’eau initié après le CIMAP du 18 décembre 2012 a bien auditionné une quinzaine de représentants de l’Onema.

Dès lors éclairée, l’équipe opérationnelle, à l’insu de son plein gré, a très astucieusement dérivé le tir en suggérant un audit, non du Système d’information sur l’eau (SIE), de l’Onema, mais… des méchants laboratoires privés (Eurofins et Carso) qui trustent, comme nous l’avons très souvent dénoncé par ailleurs, des pans entiers de l’analyse de la qualité des eaux en France, ceci après que des membres éminents de notre lobby de l’eau se soient ingéniés, hélas avec succès, dès le début des années 2000 à liquider les laboratoires publics départementaux que l’Acte IV de la décentralisation et les divers « chocs de simplification » en cours vont finir par achever.

Ledit « audit » des labos privés, qui n’a aucun rapport avec la question de la qualité des données et du rapportage communautaire, a dès lors été confié à deux jeunes recrues du CGEDD n’y connaissant bien évidemment rien, et qui ont fini par rendre un rapport dont, bien évidemment aussi, tout le monde se contrefout.

Résultat, aucune évaluation indépendante du SIE. Les deux « produits phare » sont toujours en aussi piteux état.

Le système d’évaluation de l’état des eaux, (SEEE), est encore annoncé (sur le site, la page intitulée "produit d’évaluation" dont on pourrait attendre qu’elle offre quelque chose, conduit sur une alerte : « page n’existe plus… »).

L’observatoire des services publics de l’eau et de l’assainissement, (SISPEA), est passé de 52 millions de population « couverte » pour l’eau en 2009 à… 31 millions en 2012, ce qui va grandement contribuer à calmer les polémiques récurrentes et gravement imbéciles autour du « prix de l’eau ».

Mais le pire reste à venir : « l’évaluation » va voir le jour ! Sous l’égide d’un groupe mixte « Onema – CNE – Etalab », sous la houlette des insubmersibles… Marcovitch et Lecussan ! Cà promet.

L’enfumage grossier se poursuit donc impunément, comme en atteste le contenu aussi propagandiste que mensonger de la dernière "Lettre d’information du SIE", qui n’a, il est vrai, été conçue qu’à cet effet...

La Lettre du SIE n° 9, avril 2014

Sinon, François Lacroix a quitté Vincennes pour retourner dans le privé en début d’année, ce qui lui évitera de passer son temps à nous balancer des fatwas tous les quatre matins.

Les relations entre le siège et les directions interrégionales sont toujours aussi désastreuses. La négociation pour l’Agence de la biodiversité a été très mauvaise, surtout par rapport à l’Oncfs qui a su se faire entendre de l’Elysée. Pour être précis, c’est le lobby FNC au sein du conseil d’administration de l’ONCFS, comme au sein de l’assemblée nationale qui a su faire entendre des propos corporatistes visant à préserver une "garderie" obsolète aux ordres du monde de la chasse, plutôt que de faire évoluer un établissement public vers des missions de service public autour de la préservation du patrimoine biologique.

Le Conseil scientifique de l’Onema rue dans les brancards, sur l’Agence de la biodiversité et sur le nouveau prélèvement de 210 millions d’euros sur les Agences, répercuté sur l’Office.

En l’état, un an après, le plus grave, au niveau du ministère, demeure l’absence d’enquête administrative.

Juridiquement, la tutelle avait l’obligation d’en diligenter une, procédure judiciaire ou pas d’ailleurs.

La question de l’eau a disparu de l’agenda de la nouvelle ministre après la séance historique du CNE du 18 décembre 2013.

Mais une nouvelle conseillère « Eau », subtilisant l’un des hochets de l’impressionnante Diane, vient de surgir au cabinet.

Va pouvoir s’occuper de la Charente et des cochons de Poitiers, entre deux broncas des directeurs d’Agences.

Jusqu’ici tout va bien.

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