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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Délégations de service public : des centaines de contrats remis en cause avant terme ?
par Marc Laimé, 10 avril 2009

Plusieurs milliers de contrats de délégation de service public dans le domaine de l’eau et de l’assainissement arrivent à expiration dans les toutes prochaines années en France. Au total plus de 9000 contrats de DSP y sont détenus par Veolia, Suez et Saur. Dans les mois précédant l’adoption de loi Sapin, à la fin de l’année 1992, des centaines d’entre eux avaient été « prolongés » par voie d’avenant, parfois pour des durées excédant très largement la durée maximale de 20 ans que fixa ensuite la loi Sapin. On compte donc encore aujourd’hui de très nombreux contrats dont l’échéance, grâce à ce subterfuge, a été repoussée jusqu’en 2020, 2030…, alors qu’ils auront donc perduré pendant 30 ou 40 ans. A l’heure où les mobilisations en faveur d’un retour en gestion publique se développent partout en France, un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 8 avril 2009 risque de modifier très sensiblement la donne. Il stipule en effet que tous les contrats de DSP conclus avant la loi Sapin (1993), ne produiraient plus d’effets, après 20 ans d’exécution, à dater de l’adoption de la Loi Barnier (1995). Ce qui pourrait conduire de nombreuses collectivités à reconsidérer l’hypothèse d’un retour en gestion publique avant l’expiration des contrats de DSP qui les lient pour l’heure à Veolia, Suez et Saur pour de très longues années encore. A condition, bien sur, que la volonté politique soit au rendez-vous, ce qui est une toute autre histoire…

On recensait, en 2004, 29 100 services, dont 12 400 d’eau potable.

En 2006, 4 814 services étaient, pour la seule eau potable, gérés en DSP, dont une écrasante majorité de collectivités de plus de 30 000 habitants, désormais essentiellement regroupées sous l’égide d’intercommunalités.

En 2007, 883 appels d’offres loi Sapin ont été lancés à l’expiration d’un contrat de DSP, pour 621 en 2006 et 573 en 2005.

Entre 1998 et 2004, les mises en concurrence consécutives à un appel d’offres se sont respectivement conclues par 96 % de reconduction d’une DSP, 1 % de passages en régie, et 3 % de passages d’une régie en DSP…

Noter que dans plus de 90% des cas de reconduction de DSP (soit 96% des mises en concurrence "Loi Sapin"), c’est le délégataire déjà en place qui resigne un contrat !

On mesure donc à quel point le monopole écrasant du Cartel que constituent Veolia, Suez et Saur interdit toute concurrence réelle entre les différents modes de gestion envisageables.

Mais les choses pourraient donc désormais changer très rapidement.

En effet, selon un arrêt du Conseil d’Etat rendu le 8 avril 2009, l’article 40 de la loi de 1993 (dite « loi Sapin »), complété en 1995 (Loi « Barnier »), s’applique aux contrats de délégations de service public (DSP) conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de ce dispositif. En clair aux contrats de DSP conclus pour des durées de 25, 30 ou 40 ans, avant la promulgation de la loi Sapin.

Celle-ci a imposé une remise en concurrence périodique des délégations de service public.

En outre, depuis 1995, un contrat passé dans le domaine de l’eau potable, de l’assainissement, des ordures ménagères et autres déchets ne peut porter sur une période supérieure à vingt ans (sauf exception qui nécessite l’avis du trésorier payeur général).

Selon l’arrêt du 8 avril 2009, les contrats conclus avant 1995 ne pourront plus être exécutés régulièrement « au-delà de la date à laquelle cette durée maximale est atteinte » à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 2 février 1995.



Cette décision permet donc d’appliquer les impératifs de transparence et de lutte contre la corruption, objectifs que visaient les lois « Sapin » et « Barnier ».

Le Conseil d’Etat a certes pris soin de préciser « qu’un tel motif d’intérêt général ne saurait, pas plus que la nécessité d’assurer l’égalité de tous les opérateurs économiques délégataires de service public au regard des exigences de la loi, entraîner la nullité des contrats de délégation de service public conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi pour des durées incompatibles avec les dispositions de son article 40, ni contraindre les parties à de tels contrats à modifier leur durée ».



Il n’empêche qu’il semble donc bien que toutes les collectivités dont les contrats conclus avant même 1993, les engagaient pour plus de 20 années de DSP, calculées à partir de 1995, pourraient désormais ne pas attendre le terme du contrat en cours, passé 20 années d’exécution, pour reconsidérer leur choix de gestion.

Nous reviendrons sur ces subtilités procédurales, à priori absconces, qui n’en dissimulent pas moins une véritable bombe à retardement.

Les tenants de la "concurrence libre et non faussée", nos amis du Cartel, se retrouvent bel et bien pris au piège de leur marotte, et voient le Conseil d’Etat, sous forme de rappel à la loi, ériger la concurrence au rang de quasi-règle de droit, qui fait voler en éclats l’ingenierie contractuelle qui a fait leur fortune...

Savoureux.

Veolia, Suez et Saur ne vont évidemment pas demeurer inertes face à cette ébouriffante virevolte jurisprudentielle.

Les très nombreuses collectivités qui souhaitent reconsidérer leur mode de gestion ont donc désormais tout intérêt à examiner de très près comment exciper de l’arrêt du Conseil d’Etat pour engager le processus pouvant conduire à adopter un nouveau mode de gestion.

Dans le litige à l’origine de la décision du Conseil d’Etat, cela fixe à 2015 au plus tard la date à laquelle l’exécution de la concession passée entre la commune d’Olivet (Loiret) et la Compagnie générale des eaux devra prendre fin. Au lieu de 2032, comme le contrat signé en 1931 le prévoyait.



Références :

Conseil d’Etat, 8 avril 2009. Compagnie générale des eaux et Commune d’Olivet, requêtes n° 271737 et 271782.

Loi n° 93-122 du 12 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « Loi Sapin ».

Loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et aux délégations de service public, dite « Loi Barnier ».

Lire aussi :

Quelle est la durée des contrats conclus avant la loi Sapin ?

Localtis info (CDC), 17 avril 2009

Et l’analyse du Moniteur, datée du 4 mai 2009, qui confirme notre interprétation...

A SONG

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commentaires

1 Délégations de service public : des centaines de contrats remis en cause avant terme ?

Merci pour ces données. Effectivement le nombre de contrat remis en jeu chaque année démontre qu’il y a bien concurrence, au moins entre les 3 acteurs cités. A chaque fois les attributions montrent des négociations serrées et des réductions de prix dont on ne peut que se féliciter.
Il va falloir donc un jour arrêter de systématiquement diaboliser nos 3 champions français sous prétexte que de petits acteurs locaux ne gagnent pas de contrats (ce qui est faux dans le Sud Ouest). Peut être que nous sommes dans une industrie où les économies d’échelle et l’innovation sont un atoût majeure peut être plus difficile à obtenir quand on est plus petit.
Peut être que les petits devraient se fédérer et mettre des centres de gestion partagés pour atteindre le niveau de service des grands ? Bref on est loin d’une industrie monopolistique telle qu’elle est souvent décrite. Merci pour vos efforts pour faire apparaître cette réalité

poste par cyberturtles - 2009-04-12@10:07 - repondre message
2 Délégations de service public : des centaines de contrats remis en cause avant terme ?

Votre raisonnement alambiqué dessert les intérêts que vous défendez. Ces chiffres témoignent en fait, jusqu’à la caricature, de l’existence d’un monopole que le Conseil d’Etat vient de contraindre à passer sous les fourches caudines de la "concurrence"... Une ruse de la raison certes inattendue, mais dont les groupes concernés risquent de mesurer assez vite l’implacable logique.

poste par Marc Laimé - 2009-04-12@11:37 - repondre message
3 Délégations de service public : des centaines de contrats remis en cause avant terme ?

Un "trio-pole" je veux bien mais un monopole c’est un peu fort sur le plan strictement économique. A moins de démontrer qu’il n’y a pas de concurrence réelle entre les 3 acteurs majeurs lors des appels d’offres des contrats.

A Bordeaux on avait une compagnie d’électricité "petit acteur local" et après la tempête de 1999 elle a disparu car incapable de payer les investissements pour remettre son réseau en état. Heureusement qu’un électricien coté en bourse est passé par là...
Il faut être vigilant avec le privé mais sur les gros dossiers d’infrastructure comme les réseaux d’eau et avec l’augmentation des risques (vigipirate, pollutions, tempêtes ...) on ne peut pas vivre sans eux. Ou alors des grosses régies ou des fédérations des régies.

En Sud Ouest le privé a été exemplaire pendant la dernière tempête, et à mobilisé toutes ses ressources mutualisées (groupes électrogènes, centre d’appels, ...) pour que nos communes soient moins touchées.
Cela dit je suis d’accord avec vous vive Sapin pour faire disparaître des situations comme à Paris ou le contrat a été attribué en 1923 sans remise en concurrence depuis.

poste par cyberturtles - 2009-04-12@19:51 - repondre message
4 Délégations de service public : des centaines de contrats remis en cause avant terme ?

Pour commencer cybertortue en economie on ne parle pas de trio-pole, ca n’existe pas. Triopole c’est bon pour les economistes de comptoir. A plus de deux offreurs pour un service/produit (mais quand meme peu nombreux) on parle d’oligopole. A mon avis c’est bel et bien un monopole, au sens strictement economique du terme. Il y a monopole lorsque le consommateur n’a absolument pas le choix de l’offre. A ma connaissance quand on veut de l’eau on n’a pas trente six options. De plus la façon dont les marchés sont traités (voir les gesticulations de M. Santini) on ne peut même pas parler d’oligopole. De maniere globale, un prestataire est choisi pour une zone donnée, et pour 20 ou trente ans, les consommateurs n’ont pas le choix... On peut faire plus monopolistique, mais c’est tres dur...

parenthese : au cas ou vous ne l’auriez pas remarqué, le site est dedié a la gestion de l’eau, pas celle de l’electricité. Donc l’exemple de la gestion du reseau electrique est hors sujet si j’ose dire.

Et pour finir, la prestation des grands n’est pas vraiment si bonne qu’on voudrait le croire : J’ai attendu un mois un devis pour une viabilisation de l’eau... Alors que le prestataire me garantissait 8 jours... le technicien (un type agrée par la regie) m’a oublié deux fois, et je ne parle pas de la façon dont il a metré le raccordement, il n’a pris aucun instrument de mesure... Aujourd’hui j’essaye de le recontacter par le biais du n° de tel 0800 du prestataire, ca fait deux semaine on ne m’a toujours pas rappelé... Ca c’est du serieux...

poste par Fishdrake - 2009-04-14@10:16 - repondre message
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