Acculé par le bras de fer que lui impose le FNSEA le gouvernement ne recule devant aucune argutie juridique pour conforter les tenants d’une agriculture productiviste gaspilleuse d’eau…
Comme il l’a déjà maintes fois formulé, l’exécutif souhaite simplifier les procédures permettant la construction de retenues d’eau. Objectif, permettre le stockage de l’or bleu, en prévision des périodes de sécheresse, et ainsi garantir les récoltes pour les exploitants. Ces projets sont loin de faire l’unanimité, leurs détracteurs dénonçant un « accaparement » de l’eau par les gros producteurs, au profit de l’agro-indutrie.
« Ce dont nous parlons, c’est de faire du stockage d’eau », a souligné Agnès Pannier-Runacher, au micro de Public Sénat, ce lundi, réfutant le terme de « bassines ».
Le gouvernement compte, dans sa nouvelle loi agricole, « faciliter » l’installation de réserves d’eau pour l’agriculture, a indiqué la ministre déléguée à l’Agriculture et à la Souveraineté alimentaire, Agnès Pannier-Runacher, ce lundi.
« Nous allons faciliter (..) les procédures pour faire des ouvrages de stockage d’eau » en les « simplifiant », a assuré la ministre au micro de Public Sénat, au Salon de l’agriculture, sur fond de colère des agriculteurs qui perdure depuis plus d’un mois.
« Ce dont nous parlons, c’est de faire du stockage d’eau », a-t-elle fait valoir, réfutant le terme de « bassines ».
Présomption d’intérêt public majeur
Comment l’exécutif compte-t-il s’y prendre afin de simplifier les procédures ? Le chef de l’Etat a avancé une piste. Samedi dernier, lors d’une visite houleuse pour l’ouverture du Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron s’était engagé à « reconnaître notre agriculture et notre alimentation comme un intérêt général majeur de la nation française », ce qui pourrait, a priori, faciliter de els projets.
« Sur le plan juridique, ça positionne l’agriculture en équilibre avec l’environnement », a réagi le patron du premier syndicat agricole (FNSEA), Arnaud Rousseau, invité sur le plateau du Grand Jury RTL, Le Figaro, M6, dimanche.
La mesure doit encore être explicitée mais elle ressemble toutefois déjà à la présomption d’intérêt public majeur. Ce principe datant du décret n°2023-1366 du 28 décembre 2023 permet de valider des projets d’éoliennes ou de centrales solaires même lorsque leur construction risque de mettre en danger des espèces ou des habitats protégés.
Arbitrer « entre le droit de l’environnement et l’agriculture »
Interrogé dimanche sur la priorité qui pourrait ainsi être donnée à la construction de ces fameuses retenues d’eau lorsque des associations écologistes s’y opposent au nom de la défense de l’environnement, « tout ne va pas être permis, ce n’est pas le cas », a répondu Arnaud Rousseau.
« Mais ça pourra permettre, en fonction de la reconnaissance du caractère d’intérêt général, de dire qu’à un moment il faudra qu’on arbitre entre le droit de l’environnement et l’agriculture reconnue d’intérêt général majeur », a-t-il souligné.
« L’idée de laisser cette décision au juge nous paraît de nature à donner une direction », a salué Arnaud Rousseau.
« L’idée c’est d’équilibrer pour faire en sorte qu’on ne continue pas à dire qu’on va protéger l’environnement chez nous, ce qui a du sens (...) mais si tout vient d’ailleurs, et le carbone, et les mesures qui ne respectent pas nos standards et nos qualités, je ne suis pas sûr qu’on ait beaucoup avancé », a-t-il poursuivi.
Fin janvier, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, avait déjà affiché sa volonté d’accélérer la construction de réserves d’eau en présentant un fonds de 20 millions d’euros destiné à améliorer le stockage et l’efficacité de l’irrigation.
Le souvenir de Sainte-Soline
Pour rappel, la construction de réserves d’eau supplémentaires pour faire face au dérèglement climatique faisait partie des revendications soulevées lors des manifestations des agriculteurs en ce début d’année. Certains exploitants réclament la construction de réservoirs, qualifiés de « réserves de substitution » par leurs promoteurs et de « méga-bassines » par leurs détracteurs, remplis par pompage dans les nappes phréatiques.
Les opposants aux retenues d’eau, eux, dénoncent un « accaparement » de l’eau par les gros producteurs, au profit de l’agro-industrie et pour l’exportation, qui perpétue un modèle remis en cause par le réchauffement climatique. A titre indicatif, l’agriculture en France est à l’origine de 58% de la consommation nationale d’eau pour irriguer les cultures ou abreuver les bêtes, peut-on lire sur le site du ministère de la Transition écologique.
Ce conflit de l’eau avait été illustré par les violences de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres. Après de premiers épisodes en octobre 2022, la manifestation de mars 2023 avait dégénéré en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants avaient passé plusieurs semaines dans le coma. Si la Ligue des Droits de l’Homme a dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l’ordre, une commission d’enquête parlementaire a en revanche conclu mi-novembre à la « responsabilité écrasante » des trois mouvements qui avaient appelé à manifester, en dépit d’interdictions préfectorales.
Trois militants anti-bassines ont d’ailleurs été condamnés en ce début d’année à des peines comprises entre 6 et 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour l’organisation de manifestations interdites. Les opposants semblent toutefois encore bien déterminés à poursuivre leur combat. Une prochaine mobilisation contre les « bassines » est d’ores et déjà programmée en juillet prochain dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris.
Nouvelle réunion à Bercy en vue de résoudre la crise agricole
Les propos de la ministre interviennent alors qu’Emmanuel Macron a demandé lundi à plusieurs ministres réunis pour le suivi de la crise agricole une « mobilisation totale » pour « renforcer » le secteur sans relâcher les « efforts environnementaux ». « Ne cédons pas aux démagogies du moment. Il faut faire simple et fort tout en étant responsables pour les Français », a-t-il ajouté.
L’Elysée a annoncé la tenue mardi à Bercy autour des ministres de l’Economie et de l’Agriculture, Bruno Le Maire et Marc Fesneau, d’une nouvelle réunion « sur les plans de trésorerie des agriculteurs et la manière de les aider », avec le fisc, les banques, les assureurs et la mutualité sociale agricole.
Le chef de l’Etat « a demandé un recensement départemental » de « toutes les exploitations en difficulté » nécessitant un accompagnement « en matière de trésorerie », a expliqué son entourage. Et il a décidé la mise en place, pendant les deux prochains mois, d’une permanence dans chaque sous-préfecture pour « résoudre les situations individuelles en lien avec les différents services de l’État et les opérateurs ».
Enfin, « il a demandé à Bercy de lancer un chantier sur les prix plancher avec l’ensemble des organisations professionnelles agricoles ». Selon ses services, Emmanuel Macron a demandé samedi aux syndicats agricoles « d’aboutir à quatre ou cinq revendications assez fortes pour structurer les échanges ». Il espère leur retour « dans les dix jours » afin de « travailler sur ces revendications » en vue du nouveau rendez-vous qu’il leur a donné dans trois semaines à l’Elysée.
Derrière cette demande, il y a « la volonté de poser un cadre de référence commun », « d’avoir quelques mesures identifiées par l’ensemble des acteurs », a expliqué un conseiller. « Il faut maintenant clore la crise et se mettre d’accord sur les quelques mesures fondamentales pour faire la différence pour les agriculteurs et permettre aux agriculteurs de rentrer chez eux tranquillement et d’avoir été entendus », a ajouté une autre conseillère.
Lire aussi :
Pour plus de 1000 scientifiques les propositions de l’exécutif sur l’agriculture sont une régression pour l’environnement et la santé :
VOIR :
Megabassines, histoire secrète d’un mensonge d’état