C’est une menace jusqu’ici passée inapercue, dévoilée à la faveur d’une l’enquête publique conduite en catimini en plein été. C’est en effet le 7 aout prochain que sera clôturée ladite enquête publique, qui vise à autoriser l’enfouissement de 30% supplémentaires de déchets du BTP dans les nappes pluviales ou alluviales des la Basse Ariège pour combler les trous où sont prélevés les granulats de cette nappe. Or l’eau que consomment les populations de Toulouse et de sa Métropole provient des eaux de surface prélevées à la confluence de l’Ariège et de la Garonne. Un exemple achevé de l’incohérence des politiques de l’eau et de celles de l’aménagement du territoire. Qui suscite un rejet unanime de l’ensemble des collectivités locales consultées dans le cadre de l’enquête publique…
Cette pratique d’enfouissement n’est pas remise en cause, bien au contraire, et continuera de polluer durablement la nappe pluviale et alluviale. Pollution qui impacte directement la qualité de l’eau prélevée.
Cette consultation a donc lieu en pleine période estivale sur une durée très courte au regard de l’importance du sujet traité et du besoin d’appropriation des enjeux par les populations concernées.
Or l’état de la gestion des carrières d’Ariège est un sujet particulièrement préoccupant dans la mesure où les usagers de l’eau de Toulouse et Toulouse Métropole sont directement concernés tant s’agissant dans les temps à venir de l’accès à une quantité d’eau vitale nécessaire que de la qualité de cette eau.
En effet le volume d’eau que consomment les populations de Toulouse et de la Métropole provient pour 80% du total (chiffres cités dans le cadre du SAGE) des eaux de surfaces prélevées dans l’Ariège.
Le schéma directeur des carrières prévoit que le département de l’Ariège verra sa production de graviers alluvionnaires, concentrée sur le secteur de la Basse Ariège, augmenter considérablement, de près de 30 %. Or lorsque le gravier a été extrait sur des hauteurs/profondeurs de l’ordre de 16 à 20 mètre et que la nappe est atteinte, l’apparition de véritables lacs donne lieu à un très puissante évaporation.
Un rapport du BRGM datant de 2014 dans une période où l’urgence climatique n’était pas avérée soulignant que l’évaporation des nappes des gravières correspond à une moyenne de 150 litres /an et /habitant soit la consommation annuelle d’eau potable de tous les habitants de l’Ariège…
Parallèlement l’enfouissement des déchets du BTP dans les nappes pluviales ou alluviales de la Basse Ariège pour combler (partiellement) les trous où sont prélevés les granulats de la nappe, pratiqué depuis plusieurs années, n’est pas remis en cause dans le cadre du nouveau Schéma directeur.
Or d’une part les déchets du bâtiment (notamment goudron, caoutchouc etc.. ) ne sont pas inertes, la qualité de l’eau qui en résulte et que boivent et boiront les habitants de la métropole en est affectée, de même le niveau de pollution des cultures maraîchères arrosées avec ces eaux polluées et donc des aliments consommés, ce qui est problématique du point de vue de la santé publique.
De plus cette pratique d’enfouissement continuera de polluer durablement la nappe pluviale et alluviale.
L’enfouissement des déchets du BTP réduit également le bon écoulement des eaux de la nappe. Il pourrait en résulter à terme une réduction du volume d’eau de l’Ariège pouvant être prélevé pour l’approvisionnement de la métropole notamment .
Il faut citer encore ce même rapport de 2014. Il précise aussi, sans prendre en compte les changements climatiques, que le débit de la nappe phréatique vers la rivière Ariège qui alimente en eau potable la Métropole toulousaine est très important en période d’étiage l’été et que ce débit va aller en se réduisant de 50% !
L’un des problèmes qui en résulte également est celui du coût de la dépollution. Ce coût est augmenté du fait de la baisse des débits mais aussi de l’importance des substances polluantes. Or le principe du pollueur payeur ne s’applique pas, qu’il s’agisse des agriculteurs utilisant intensivement les pesticides qui rejoignent la nappe, ou des carriers qui contribuent aux pollutions dues à la décomposition des déchets du BTP (dit déchets inertes). Ces coûts sont externalisés et supportés par les consommateurs via la facture de l’eau potable.
Enfin on notera qu’actuellement l’Hers ne coule plus et que l’eau du lac de Montbel sert d’étiage pour l’Ariège. Ill est donc extrêmement dangereux de définir un nouveau Schéma directeur des carrières sans tenir compte de la situation climatique et sans analyse préalable de l’impact des décisions qui seront prises. Or il ne ressort pas que ces impacts aient été analysés et que le schéma qui en résulte en tienne compte
Pour l’association Eau secours 31, mobilisée contre ce projet, « le bilan (de l’exploitation actuelle) fait apparaître des données incomplètes et ou imprécises selon les départements aboutissant à une approche globale inexacte.
(…) les données des opérations dans le BTP s’arrêtent à l’année 2016, notamment sur la connaissance selon les départements du nombre de constructions d’appartements engagée. Les données postérieures à 2016 méritaient d’être identifiées pour justifier des volumes de constructions et des besoins en matériaux de construction .
(…) l’état des lieux (ne présente) aucun suivi du remblayage des excavations par des déchets dits inertes ; pour ceux ci aucun élément n’est apporté quant aux conséquences sur la qualité de l’eau de leur dégradation dans l’eau (pas d’analyses sur la présence de métaux lourds par exemple)
(…) les enjeux environnementaux de niveau 1 ne sont ni identifiés ni évalués.
(…) sur le fond il est incompréhensible que l’Ariège soit maintenue comme plus fort exportateur de granulats alluvionnaires de la région sans explications ni justifications. Pour mémoire, l’apport du fleuve Ariège constitue 80% de l’eau prélevée pour la population de la métropole toulousaine. La poursuite de l’exploitation très forte des carrières aggravera la situation actuelle concernant le volume d’eau et la qualité de l’eau servant pour les besoins domestiques, ou pour l’arrosage des produits maraîchers.
(…) le schéma soumis à consultation décline des intentions généreuses mais ne prévoit pas d’éléments chiffrés sur le mesures de prévention liées à l’exploitation des carrières.
Le projet de "réduction progressive " des impacts négatifs de cette exploitation n’est pas à la hauteur des enjeux actuels, et notamment de l’impact du réchauffement climatique.
Aucune analyse du projet de SRC n’ a été faite sur la compatibilité avec les règles des SAGE, quoique les rapports des SAGE aient bien précisé les nombreux aspects manquants.
Aucune prise en compte de l’augmentation des volumes d’eau souterraine du fait de l’exploitation profonde.
Aucune prise en compte de l’impact des carrières alluvionnaires sur les zones humides et entraînant leur destruction temporaire à définitive.
A noter que ce document ne contient pas l’information sur le fait que toutes les collectivités du département d’Ariège ont émis un avis défavorable au SCR… »
– Le lien pour déposer des observations jusqu’au 7 aout 2023 :
https://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=article&id_article=26460