Le secrétaire de l’Ansatese nous a adressé un commentaire à l’article qu’Eaux glacées a récemment dédié aux indicateurs de performance. Il s’interroge sur les motivations réelles des hauts fonctionnaires et des parlementaires qui ont liquidé des services d’assistance technique départementaux qui donnaient entière satisfaction à tous les acteurs de l’eau. Plusieurs données nouvelles éclairent singulièrement cette décision inepte qui va gravement pénaliser les efforts des collectivités qui doivent, DREU oblige, améliorer leurs performances épuratoires. A l’occasion d’un récent colloque au Sénat plusieurs élus ont dénoncé le fait qu’en cette scandaleuse affaire : « le législateur français a été au-delà des exigences communautaires en matière de concurrence ». Autrement dit, ce que nous avons toujours soutenu, le spectre de la mise en concurrence obligatoire n’a été agité, mensongèrement, que pour ouvrir le champ de l’assistance technique aux opérateurs privés. Un courrier adressé par Veolia en 2005 à la Commission dans le cadre d’une audition ouverte sur les aides publiques d’Etat révèle en outre le lobbying effréné du géant français de l’environnement, qui aura donc été couronné de succès.
Le secrétaire de l’Ansatese nous a fait parvenir la réaction ci-après à notre récent article dédié aux indicateurs de performance :
« Quelle dépense d’énergie et gâchis à venir pour récupérer ces indicateurs, alors que la validation et transmission des indicateurs de l’assainissement auraient pu être confiés par le législateur, dans le cadre d’une mission de service public, aux Satese !
« En effet, nombre de Départements enregistrent déjà (mais il faudra en parler au passé à partir du 1er janvier 2009) pour toutes les stations d’épuration certains indicateurs (notamment ceux liés à la qualité de la dépollution et de la protection de l’environnement), dans leurs bases de données, les valident, voire les calculent en toute impartialité à partir des fiches de liaison avec l’exploitant et des visites de terrain, lorsque la collectivité ou sa société fermière ne les leur fournit pas, ou fournit des chiffres erronés.
« A tel point que les services de la police de l’eau et les Agences de l’Eau utilisent ces données comme référence.
« Par ailleurs les Satese ont l’habitude de se rencontrer régulièrement pour « calibrer » leurs pratiques par le biais des ARSATESE et de l’ANSATESE, et participent aux réflexions sur la question en apportant leur expertise, comme dans le cas récent de la validation de l’auto-surveillance…
« Au lieu d’utiliser les moyens existants, le législateur et les ministères concernés se sont empressés de mettre en concurrence les activités des Satese pour les grandes stations d’épuration, et de créer un service public (SIEG) payant, à la demande, pour les plus petites.
« Pourtant la lourde tâche que constitue le recueil de données, dont l’ONEMA a hérité, aurait pu être allégée par le dispositif « Satese ». Cette solution n’aurait rien coûté à l’Etat et permis de continuer à donner entière satisfaction à de nombreux acteurs.
« Est-ce par méconnaissance ou par obstination idéologique de certains, avec une pointe de lobbying ?
« Est-ce la volonté hégémonique « tout concurrence » de Bruxelles, ou plutôt celle de réduire les compétences des départements ?
« Est-ce, en réalité, le décalage entre les concepts des hauts fonctionnaires qui guident le stylo du législateur et les réalités de terrain ?
« Est-ce encore le refus de reconnaître ses erreurs ou d’envisager d’autres solutions (aides SIEG pour compensations de service public), ou… un peu de tout cela à la fois ?
« Sur ces questions d’indicateurs et notamment ceux de l’assainissement, l’histoire dira si la lisibilité pour le citoyen et la protection de l’environnement en sortiront gagnants, car au final c’est bien de cela dont il s’agit… »
L’aveu du mensonge
Le site internet Localtis, de la Caisse des dépôts et consignations, rendait compte, avec l’AFP, le 15 juillet 2008, d’un colloque qu’avait organisé au Sénat l’AFCCRE le 11 juillet 2008.
L’article, titré « Les services publics s’invitent dans la présidence française » relatait largement les inquiétudes d’élus en butte à la libéralisation forcenée qui constitue la seule boussole du gouvernement, et leurs interrogations sur la pérennité des services publics français.
Et surgissait l’aveu, et du mensonge, et de la manipulation, qui ont présidé à la liquidation des Satese :
« (...) Et de citer deux exemples : l’assainissement et la formation, où en ouvrant les Satese (services d’assistance technique et d’étude aux stations d’épuration) et l’Afpa (Association nationale pour la formation des adultes) à la concurrence, "le législateur français est allé plus loin que ce qu’exigeait le droit européen".
Services publics et droit communautaire
Dans une note rédigée en 2005, titrée « Les Services publics français et le projet de constitution européenne », Carine Weber analysait les enjeux du projet de Constitution, au regard des services publics français :
« On entend très souvent dire que le projet de Traité Constitutionnel Européen (TCE) reconnaît enfin nos services publics. Cependant, un examen beaucoup plus précis est nécessaire car il est mensonger que de faire un tel raccourci. La première raison est que le TCE ne parle pas de “ Services Publics” mais de “SIEG” (Services d’Intérêt Economique Général).
« Aucune définition de l’expression “SIEG” ne figure dans le TCE, bien que son interprétation soit de la plus haute importance. Il convient donc d’en chercher une explication dans des documents officiels. Peut-on y trouver quelque différence avec nos services publics ? »
Le lobbying de Veolia
La lecture d’une note datée du 4 octobre 2005, adressée par le bureau de Bruxelles de Veolia Environnement à la Commission, titrée « Commentaires de Veolia Environnement sur la consultation de la Commission en forme de plan d’action dans le domaine des aides d’Etat », éclaire rétrospectivement les fondements du processus qui a conduit un quarteron de hauts-fonctionnaires du ministère de l’Ecologie et du ministère des Finances, ensuite relayés par le rapporteur de la loi sur l’eau à l’Assemblée, à liquider les Satese.
On y lit en effet, en page 4 de ce document, reproduit ci-après :
(...) « D’une façon générale, VE souhaiterait que la Commission soit attentive à ce que le développement, encore trop timide, de l’ouverture à la concurrence de ce secteur de la gestion de SIEG ne soit pas perturbé par un effet d’éviction au détriment des entreprises ayant un CA supérieur au seuil, et inversement un effet d’aubaine au profit des entités publiques ad hoc ou des petites entreprises. Le développement de la concurrence sur le marché de la gestion des SIEG passe en effet par la multiplication des concurrents de taille significative, capables de développer des moyens mutualisés et de présenter des offres compétitives. »
C’est cette logique prédatrice qui continue à être au fondement de la RGPP, qui va voir des pans entiers de l’ingénierie publique affermée aux appétits des opérateurs privés.
On attend toujours les protestations de la gauche, et notamment du PS...
L’affaire des Satese
Pour en savoir plus sur les Satese :
Fiche Métier « Ingénieur ou technicien Satese »
Lire aussi :
La loi sur l’eau privatise les services publics (1)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 9 octobre 2007.
La loi sur l’eau privatise les services publics (2) : Menaces sur la police de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 octobre 2007.
La loi sur l’eau privatise les services publics (3) : Les Satese soumis à la concurrence
Les eaux glacées du calcul égoïste, 13 octobre 2007.
La loi sur l’eau privatise les services publics (4) : Plaidoyer pour les Satese
Les eaux glacées du calcul égoïste, 17 octobre 2007.
L’intérêt général n’est pas soluble dans la concurrence
Carnets d’eau, Le Monde Diplomatique, 17 octobre 2007.
La loi sur l’eau privatise les services publics (6) : L’exécution des Satese
Les eaux glacées du calcul égoïste, 30 décembre 2007.
Indicateurs de performance, liquidation des Satese et lobbying de Veolia...
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 juillet 2008.
Rien d’autre que le début de la fin des départements et de leurs présences territoriales...