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SEDIF : retour sur le camouflet infligé à M. André Santini par la Commission consultative des services publics locaux (CCSPL)

8 décembre 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le 1er décembre dernier la CCSPL du SEDIF infligeait un camouflet cinglant à l’irascible président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France, le mettant en minorité sur sa proposition de reconduire la gestion privée du plus important syndicat des eaux français et européen, affermé depuis 85 ans à Veolia. A quelques jours du vote décisif, le jeudi 11 décembre, l’un des membres de cette commission, qui doit obligatoirement être consultée sur le choix du futur mode de gestion privilégié par le Bureau du Syndicat, expose les arguments qu’il a défendus devant la CCSPL. L’affaire a fait grand bruit, puisque M. Santini, perdant toute mesure, a adressé un courrier à en tête du SEDIF à un conseiller municipal socialiste d’Issy-les-Moulineaux. Lui reprochant d’avoir reproduit sur son blog le billet que nous avons consacré à ce camouflet, il n’hésite plus désormais à assimiler ses opposants à une mouvance « d’ultragauche », ce qui dans le contexte ambiant revient à les traiter de terroristes ! A l’heure où plus de 700 élus d’Ile-de-France s’engagent en faveur d’une gestion publique du SEDIF, ce dérapage en dit long sur le peu de cas que fait M. Santini de l’engagement de milliers de citoyens et d’élus en faveur de la gestion publique d’un service public primordial...



« Voici l’intervention que j’ai faite à la Commission consultative du service public de l’eau du SEDIF lundi dernier 1er décembre pour explication de vote des délégués de gauche opposés au choix proposé du mode de gestion en DSP plutôt qu’en régie directe.

La mobilisation des élus de gauche au cours de cette commission, avec l’appui de certaines associations et l’abstention de certains membres nous a permis de mettre en minorité le président Santini et son scénario de mode de gestion proposé : 6 voix défavorables au scénario DSP proposé contre 5 voix favorables (et 2 abstentions).

L’avis de la CCSPL est donc bien défavorable au mode de gestion proposé.

Cela constitue bien sûr un point d’appui pour notre vote de jeudi. »

Samuel BESNARD

Maire-adjoint au Développement durable de Cachan

Commission consultative du service public local de l’eau potable du Syndicat des eaux d’Ile de France Lundi 1er décembre 2008

Avis de la commission sur le futur mode de gestion du service de l’eau

Explication de vote de Samuel BESNARD, délégué de Cachan/communauté d’agglomération du Val de Bièvre

« L’eau est un bien précieux. L’enjeu de l’alimentation en eau potable de l’ensemble de la population est donc un défi majeur pour notre siècle. Il importe pour l’avenir qu’elle soit un bien public accessible pour tous de manière partagée.

Nous sommes en région Ile de France dans un contexte particulier. Notre pays et notre région ne souffrent pas jusqu’à présent de pénurie même si des restrictions, comme il peut en exister dans certaines communes de la région parisienne, viennent rappeler certaines années que l’eau reste une ressource rare.

En se regroupant depuis 85 ans au sein du Syndicat des eaux d’Ile de France (SEDIF), 144 communes de la région parisienne ont fait le choix de la solidarité intercommunale pour produire et distribuer l’eau potable à la population de leurs communes au même prix et cela quelle que soit la commune à laquelle ils appartiennent.

Nous sommes amenés à nous prononcer, par l’avis que nous avons à rendre, sur une étape décisive pour la gestion quotidienne de cette eau commune.

Au-delà des sommes considérables en jeu, ce qui importe ce sont les impératifs de maîtrise et de performance de la production et de la distribution de l’eau, en l’occurrence : la qualité de l’eau, la continuité du service rendu, la sécurité permanente de l’approvisionnement et enfin la maîtrise des coûts et des tarifs pratiqués.

L’objectif du choix de la modalité de gestion future est bien d’avoir le meilleur service pour l’usager avec le mode de gestion le mieux adapté pour les années à venir.

Rappelons que les études menées par le groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage et son rapport final ne préconisent ni ne privilégient un mode de gestion plus particulièrement qu’un autre. Suite à ces études, les élus de gauche sortent renforcés dans leurs convictions, exprimées en Comité dès le 15 mai dernier, sur la nécessité de la mise en place d’une gestion publique en régie directe de l’eau pour le SEDIF au 1er janvier 2011.

La régie directe présente plusieurs avantages indéniables à nos yeux :

 une plus grande maîtrise de l’outil de production et de distribution

 une plus grande maîtrise des coûts et du tarif de l’eau

 une réelle prise du syndicat et donc des élus sur la conduite stratégique pour cette ressource en matière de développement durable afin qu’elle soit véritablement axée sur les exigences du bien public

Il apparaît en effet essentiel que ce considérable marché de l’eau s’apprécie, au-delà des purs aspects financiers, dans sa dimension de développement durable qui concilie à la fois :

l’aspect proprement environnemental :

 préserver l’accès de tous sur nos territoires à une ressource rare

 diminuer au maximum les gaspillages

 développer des processus de production encore plus durables et des politiques en cohérence avec nos voisins. En particulier avec la Ville de Paris qui vient d’opter pour la régie publique pour la distribution de son eau qui était confiée au préalable à deux délégataires privés.

l’aspect social :

 assurer la permanence d’une solidarité territoriale entre les communes

 garantir l’accès de tous à l’eau

 ouvrir la possibilité d’une mise en œuvre d’une solidarité concrète par la mise en place d’une tarification sociale

l’aspect économique :

 faire fructifier pour le bénéfice du plus grand nombre comme du service public de l’eau le développement d’un marché captif aux enjeux économiques considérables en évitant que la valeur ajoutée ne se perde dans les méandres d’un prestataire extérieur.

 récupérer le retour sur investissement d’un outil de production en très bon état sur lequel la collectivité a investi depuis des décennies.

 développer les connaissances et les technologies dans ce domaine crucial de l’eau avec la perspective d’en attendre un retour sur investissement direct qui soit partageable avec le plus grand nombre.

La régie publique en gestion directe permettra en effet au syndicat des eaux d’avoir la maîtrise stratégique de l’évolution du système de gestion, d’exploitation, de production dans sa dimension la plus partagée et publique possible.

Un certain nombre d’études ont été menées, sur commande du SEDIF lui-même, sur les différentes évolutions envisageables pour le marché de l’eau en région parisienne. Ces études sont aujourd’hui achevées et rien dans ce qu’elles nous enseignent ne met en cause les avancées espérées que je viens d’exposer. Il apparaît même clairement, au travers de ces études, que la régie directe permettrait de proposer aux usagers un prix du m3 moins élevé qu’aujourd’hui. D’un peu plus de 1,70 € aujourd’hui, nous pourrions passer dès 2011 à environ 1,45 €.

En revanche le mode de gestion aujourd’hui proposé dans le rapport à la commission, à savoir une délégation de service public en régie intéressée, m’amène à un certain nombre de remarques :

Sur la maîtrise du service, il est indéniable qu’elle sera bien moindre en délégation qu’en régie directe.

Sur l’incitation à la performance et à l’innovation, je ne vois pas en quoi elle serait plus forte en délégation. Qu’en sera t il d’ailleurs de la propriété des brevets ?

Sur le transfert partiel des risques, le problème est bien qu’ils seront très partiels. Les risques industriels et commerciaux restent très limités par rapport à un marché captif de 4 millions de consommateurs. Raison pour laquelle le choix d’une régie directe n’engendrerait qu’un risque extrêmement limité. Cela est d’autant plus vrai qu’en cas de "gros pépin" le montage juridique risque de ne pas être assez solide. Surtout en cas de situation trop critique, et donc trop coûteuse pour que le risque soit réellement assuré par le délégataire, ce serait bien au final le SEDIF et la collectivité publique qui en assumerait le coût. L’actualité récente de la crise boursière et des garanties financières portées par la collectivité pour suppléer à la carence du privé à s’assurer lui même est là pour nous le rappeler.

En revanche la masse critique et donc le potentiel permanent de ce marché totalement captif plaident plutôt pour un risque et des coûts de transition faibles en cas de régie publique directe. Alors même que ce marché constitue bien une véritable rente de situation pour un éventuel délégataire privé.

Sur la menace d’une éventuelle privation de l’intéressement qui contraindrait fortement le délégataire, permettez-moi de douter de sa force réelle. Que représentera réellement ce manque à gagner au regard d’un marché captif acquis pour plusieurs années avec la manne que cela représente ? Faut-il rappeler ici les importantes difficultés que peuvent rencontrer d’autres syndicats intercommunaux, et non des moindres, pour faire respecter un certain nombre d’obligations de leurs délégataires malgré les menaces répétées et exécutées de privation d’intéressement ? Les sanctions et pénalités financières au regard de clauses d’objectifs me paraissent bien faibles au regard d’une réelle maîtrise en régie directe.

Sur le bénéfice espéré de l’expertise professionnelle des prestataires, cet argument me semble en contradiction avec l’argument de l’article L 1224-1 du code du travail avancé par ailleurs. Nous avons au contraire tout intérêt à avoir cette expertise en interne et à la mobiliser sur les enjeux stratégiques en matière d’innovations technologiques et de recherche et développement.

Quant aux difficultés que soulèverait l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail en cas de passage en régie directe, il est à mon avis fallacieux. La question sera posée de la même manière dans la DSP lorsqu’il s’agira d’examiner les offres concurrentes du privée. A moins de considérer que la reconduction au même prestataire privé qu’aujourd’hui prime sur les autres considérations.

Quant à l’argument des responsabilités civiles et pénales transférées, il me semble un peu exagéré. J’ai souvenir que la responsabilité pénale reconnue par le juge doit être directement assumée par la ou les personnes responsables et qu’en la matière, elle ne se "délègue" pas…

Qu’est ce donc que ce choix pour un scénario "médian" qui nous est proposé si ce n’est un scénario de repli pour conserver les mêmes avantages qui profitent d’abord au délégataire, aux entreprises ainsi bonifiées plutôt qu’aux usagers. Je le répète, il faut prendre en compte le bénéfice considérable que représente pour un délégataire privé, comme d’ailleurs pour une régie directe, l’assurance de ce marché captif de 144 communes et de 4 millions d’usagers. La proposition d’une durée du marché de 10 à 15 ans, si le scénario de la délégation était retenu, me paraît à ce propos exagéré, une durée de 5 à 8 ans serait plus raisonnable et plus "incitatif" pour un éventuel délégataire. Quant à l’ "usine à gaz pour ne pas dire à eau" d’une filiale du délégataire coûteuse fiscalement, je pense que la encore la régie permettrait de résoudre utilement et simplement le problème…

La meilleure manière d’affirmer le SEDIF comme autorité organisatrice est de lui fournir une réelle capacité d’intervention et de contrôle. Pour moi, suite aux études menées et à l’analyse globale que j’en retire, c’est prioritairement la régie directe qui est en mesure de permettre à notre syndicat d’avoir une réelle capacité d’action sur la conduite des enjeux prioritaires et stratégiques de la gestion de l’eau potable dans un contexte d’évolution très incertain pour cette ressource rare et unique.

Je souhaite donc que la commission consultative des services publics locaux en appelle à la clairvoyance et à l’objectivité de l’ensemble des élus du syndicat des eaux d’Ile de France afin qu’ils refusent la poursuite de la gestion en délégation au privée et qu’ils optent pour un système en régie directe pleinement adapté aux enjeux du temps présent en matière de gouvernance, de transparence et de développement durable.

J’appelle donc les membres de la commission consultative du service public de l’eau à exprimer un avis défavorable sur le mode de gestion proposé en délégation de service public. »

Le dérapage de M. Santini

L’irascible président du SEDIF a manifestement peu goûté que des opposants organisent il y a peu une soirée-débat à Issy-les-Moulineaux, dans un café puisque l’opposition n’a pas accès aux salles municipales...

Du coup quand un élu socialiste, M. Laurent Pieuchot
, Conseiller municipal, chef de file de l’opposition de Gauche et des Verts à Issy-les-Moulineaux, relaie sur son blog le billet que nous avons consacré au camouflet que vient de lui infliger la CCSPL, M. Santini, perdant toute mesure, n’hésite plus à assimiler, dans un courrier à en tête du SEDIF, daté du 4 septembre 2008, ses opposants à « l’ultragauche », ce qui dans le contexte revient peu ou prou à qualifier de terroristes des milliers de citoyens et des centaines d’élus d’Ile-de-France.

On s’inquiéterait à moins de voir la responsabilité d’un service public aussi vital confiée, comme c’est le cas depuis 25 ans, à un homme politique si prompt aux amalgames, non seulement de mauvais goût, mais qui frôlent la calomnie...

Gageons que les délégués et élus concernés auront à cœur de signifier le 11 décembre prochain ce que leur inspirent pareilles pratiques.

Le courrier adressé par M. Santini à M. Pieuchot

SEDIF : le dossier d’Eaux Glacées

Marc Laimé - eauxglacees.com