Retour au format normal


Gestion de l’eau (4) : la tentation autarcique

6 mai 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les politiques publiques de l’eau sont en crise. Crise environnementale, crise financière, crise de gouvernance... Insensiblement, un nouveau phénomène monte en puissance depuis quelques années, et contribue lui aussi à bouleverser les « fondamentaux » de la gestion de l’eau. Institutions et collectivités sont encore très loin d’avoir pris la mesure de l’impact à venir de l’individualisation croissante des comportements face à l’eau. D’usagers passifs les individus se réapproprient désormais les enjeux de la gestion de l’eau. Nous y sommes d’ailleurs instamment invités par le flot de messages qu’émettent les acteurs « officiels » promouvant à tour de bras comportement responsable, économies d’eau, gestion « alternative » des eaux pluviales, réhabilitation du patrimoine aquatique... En écho émergent des milliers d’initiatives individuelles ou de micro-initiatives collectives, impossibles à quantifier avec précision. Mais, dès lors que les discours officiels font de plus en plus figure de pure réthorique, apparaît chez celles et ceux qui prennent le message au sérieux la tentation de « l’eau-tarcie ». Un véritable phénomène de société émergent, qui va à son tour, à son corps défendant, faire apparaître plus crûment encore la crise systémique qui affecte la gestion de l’eau.



Sous un angle sociologique, la saga de l’assainissement non collectif que suit assidûment Eaux glacées illustre bien cette nouvelle lame de fond : la réappropriation, contrainte et forcée dans le cas de l’ANC, des enjeux de l’eau par des millions d’usagers. Avec, dans ce cas particulier, plusieurs traits qui nous semblent déjà pouvoir entraîner une possible dérive autarcique. Refus d’une réglementation jugée à la fois confuse, arbitraire et inéquitable. Rejet de contraintes imposées brutalement sans pédagogie ni accompagnement. Cristallisation d’une contestation multiforme qui s’étend avec l’ANC à tout le territoire. Discrédit du politique et des institutions qui reconnaissent s’être fourvoyés et n’avoir pas su concevoir une « philosophie » de l’ANC acceptable par tout un chacun. Du coup le risque est grand de voir prévaloir le « chacun pour soi », la fraude, les jacqueries, les arrangements en tout genre, et globalement une capitulation honteuse et inavouée du politique, incapable de faire appliquer une réglementation, et opaque, et par bien des aspects inepte.

Ces différents traits se retrouvent aujourd’hui infiniment plus présents dans l’esprit des usagers du service public de l’eau que n’en a conscience l’institution. Et bien au-delà de la seule question de l’ANC, d’autres tendances se font jour qui vont à leur tour en rajouter dans la complexité croissante de la gestion de l’eau.

La prochaine fois que vous vous aventurerez dans l’une de ces « jardineries » qui ont éclos en lisière de toutes les agglomérations, interrogez le responsable de rayon sur les ventes d’appareils de récupération d’eau de pluie et autres systèmes de filtration. Peut-être serez vous plus chanceux que nous qui nous sommes vu opposer un refus systématique de « communiquer sur ces chiffres »... C’est dire si la question est sensible, et la guerre commerciale féroce. En fait toute cette quincaillerie s’arrache comme des petits pains, avec force « normes » et « homologations » toutes plus ésotériques les unes que les autres... On ne sait donc pas combien de particuliers s’équipent subrepticement d’appareillages en tout genre, qui auront pour effet de continuer à faire chuter les volumes d’eau facturés par les collectivités en charge du service public de l’eau.

Mais c’est pour la bonne cause ! Voire... Ici affleure la nouvelle idéologie de l’autarcie. L’eau est une ressource précieuse, menacée, les autorités qui sont corsetées par les lobbies nous conduisent à la catastrophe, prenons nos affaires en main ! En un étonnant amalgame on va retrouver toute la généalogie des passions post soixante-huitardes, transmuées, relookées, décroissance oblige, sur fond d’individualisme triomphant.

« Groupons nous, et demain, les toilettes sèches, seront le genre humain ! »

L’angoisse millénariste

Ce véritable « raptus » autarcique se produit sur fond d’une sourde angoisse millénariste, attisée par les scénarios qui nous prédisent avec de plus en plus d’acuité depuis plusieurs années d’effroyables catastrophes qui découleront inévitablement de notre incapacité à remettre en cause les modèles de croissance qui attisent le changement climatique.

Entendons nous bien, nul « Allégrisme » dans notre propos. L’impact à venir du changement climatique sera à l’évidence considérable et on ne peut qu’éprouver un pessimisme croissant en constatant le déni que continuent à lui opposer les chantres de la croissance à tout crin.

Reste que c’est bien cette obscure angoisse qui attise irrésistiblement la tentation autarcique.

Emmanuel Lézy, Maître de conférence en Géographie à l’Université de Paris X Nanterre et membre du Laboratoire GECKO (Laboratoire de Géographie Comparée des Nords et des Suds), en offre ainsi une frappante illustration dans l’article, publié le mercredi 7 mai 2008, aussi étayé qu’implacable, dans lequel il prédit qu’une montée des eaux de 70 mètres à la surface du globe à l’horizon des prochaines décennies va nous conduire vers un changement de civilisation qui revêt tous les atours de l’apocalypse.

« En Indonésie, en Birmanie, en Louisiane, au Yucatan, la terre cède ponctuellement mais brutalement du terrain face aux eaux de la mer ou du ciel. La forme du monde est en train de changer. Mais est-ce seulement sa forme ? Tout ce que l’on sait, c’est que le tracé des littoraux, donc la physionomie des continents aura fortement changée dans quelques décennies. Quelle ampleur peut-on envisager pour ce changement, pour un horizon qui nous intéresse (2100) qui nous inquiète (2030) ou qui nous terrorise (2012) ? Quelle ampleur maximale peut-on redouter et à quel rythme l’eau est elle censée monter ?

(...)

« Les géographes ne sont sans doute pas les seuls à entrevoir l’ampleur de la vague économique, politique, militaire et écologique qui nous menace ou plutôt qui a déjà commencer à précipiter des pans entiers du monde dans leur fin. Mais ils ne peuvent manquer de constater que la seule consigne utile à transmettre à l’humanité, face au raz de marée, est là : reculez ! Abandonnez les zones exposées, fussent-elles riches, tournez vous vers vos intérieurs, vos ressources locales, personnelles. L’ère des circulations gratuites est sans doute bientôt révolue. Reculez vers ceux qui occupent aujourd’hui les positions que vous devrez tenir demain. Comment survit-on à la pauvreté, à l’envahissement de son pays ? Comment se chauffe-t-on sans électricité, comment trouve-t-on de l’eau, que peut-on cultiver ici, de quels animaux puis-je me nourrir ? Non pas parce que cela va arriver, mais parce que cela peut arriver et que les plus urbanisés et tertiarisés d’entre nous serons les plus exposés à la vague. »

Autarcie et marché

On aperçoit donc bien ici l’enchaînement des causalités qui conduit l’auteur à nous engager à faire d’ores et déjà sécession.

Pour revenir à nos moutons, et à la gestion de l’eau, il est éminemment probable que nous n’allons pas nous faire beaucoup de nouveaux amis... car de surcroît, nos amis de l’eau-tarcie sont des fana-mili, imperméables à tout message émanant de la face obscure de la force, abominablement stipendiée par Veolia-Suez, Sarkozy, Monsanto, l’AGCS, l’Opus Dei et tutti-frutti.

Autant dire que j’ai à peu près autant de chance d’être audible que Monsanto par un faucheur volontaire ☺

Néanmoins, oyez, oyez, camarades autarciques quelques embarrassantes considérations.

Ce n’est pas pour vos beaux yeux que les parlementaires de l’actuelle majorité, "actionnés" par les Trois Sœurs, comme ne le dirait pas ici le sénateur Legrand, puisqu’il co-préside le Cercle Français de l’eau, multiplient à l’envi les crédits d’impôts destinés à vous précipiter dans les jardineries précitées tous les week-end !

Que nenni, comme l’exprimait sans ambages la tête pensante de Veolia dans l’un des épisodes précédents de notre feuilleton, le service de l’eau ne peut plus supporter aujourd’hui le poids du fardeau dont on l’a frappé, et il est donc tout-à-fait urgent d’imaginer de nouveaux modes de financement qui, surprise, coïncident précisément avec toutes les « aspirations individuelles » qui pourront de ce fait être monétisées, hors paiement de la facture d’eau. Enfin plus exactement, en plus du paiement de la facture d’eau. Facture d’eau dont le montant va s’accroître inexorablement puisque, d’une part, la pollution de la ressource va continuer à s’accroître, et que d’autre part le montant des volumes facturés va lui continuer à décroître...

Donc nouvelle martingale, donc monétisation de tout ce qui ne l’était pas jusqu’ici, donc encouragement surtout à l’individualisation des comportements face à la question de l’eau.

Et c’est ici que la mâchoire d’airain du Kapital se referme impitoyablement sur nos amis des toilettes sèches, de la redynamisation, des toitures végétalisées, des barriques pour l’eau de pluie au fond du jardin et de toutes ces sortes de choses.

D’ailleurs, sur ce point, nous pensons que notre jeune consoeur Hélène Constanty fait fausse route, en narrant dans Backchich le 15 mai 2008,
« comment le lobby de l’eau fait flic-flac dans les couloirs du ministère de la Santé pour éviter que les particuliers installent des récupérateurs d’eau de pluie. »

Comme c’est Veolia qui rédige quasiment tout seul le décret sur la taxe "pluvial" instauré par la LEMA au terme du bagarre épique, tu parles qu’ils vont faire longtemps obstacle à la récupération d’eau de pluie ! La seule question, pour eux, c’est de savoir comment rentabiliser au mieux la dérive autarcique. On a vu que notre ami Antoine Frérot y pense tous les matins en se rasant...

Bon, prenons la question à l’envers. Demain vous gagnez, vous êtes des millions, on compte bien aujourd’hui 60 millions de téléphones portables en France, même en temps de crise l’hystérie collective résiste à tous les aléas, bon demain vous avez gagné. Des quantités colossales de volumes d’eau ne sont plus facturés : le montant de la facture va être multiplié par 2, 3, 5...

Délire ? Les documents diffusés par la Commission nationale de débat particulier, qui a organisé en 2007 une concertation sur les projets de refonte de la station d’épuration d’Achères en banlieue parisienne prévoient qu’avant 2016 le montant de la redevance d’assainissement acquittée par 8 millions de Franciliens va être multipliée par deux...

Et ce n’est pas tout, eau de pluie : taxe, toilettes sèches : taxe, osmoseur : taxe ! Vous n’imaginez tout de même pas qu’on va vous laisser gentiment faire sécession et cesser d’alimenter la pompe à phynances !

En fait le processus est déjà en route, depuis l’adoption de la LEMA du 30 décembre 2006. Puits dans le jardin : redevance, eaux pluviales : taxe, toilettes sèches : taxe.

Ah, les eaux pluviales !
Qui rédige la proposition de décret sur la taxe "pluvial" créée par la LEMA au sein du très discret groupe de travail mis en place par "Mes dates !" ? Veolia... Qui s’ingénie depuis l’été 2007 à en étendre à l’infini, et le taux et l’assiette ? Veolia. Déjà en l’état c’est faramineux, et comme NKM
a suscité un véritable tollé le 21 janvier dernier en déclarant à une rencontre organisée par le SIAAP que cette fameuse taxe devrait être obligatoire, et non facultative, comme le prévoit la LEMA, et qu’il conviendrait de surcroît d’en augmenter le plafond, l’affaire n’a pas fini de nous (pré) occuper, nous y reviendrons.

Bon, déjà, en passant, comme nous y invite l’ami Gérard Borvon, l’eau de pluie, çà va coûter combien à Landerneau ?

Autre facteur de renchérissement du prix de l’eau dans les années à venir, la « gestion patrimoniale des réseaux d’eau » a été abordée dans le cadre de la journée de l’Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement (Astee), le 8 avril 2008 à Paris. Diagnostic sans appel. Les collectivités ont la responsabilité de gérer le vieillissement des réseaux d’alimentation en eau potable (AEP) et d’assainissement. Mais l’absence de politique nationale ou territoriale de gestion patrimoniale des réseaux d’eau, et le manque de financements dédiés au renouvellement de réseaux, notamment de la part de l’Etat, laissent à leur tour augurer de très fortes contraintes financières nouvelles dans les années à venir...

Donc, amis de "l’eautarcie", nonobstant vos louables efforts, le cours des choses (entendre impéritie-gabegie-profits-entropie croissante), pourrait bien vous réserver, nolens volens, de douloureuses surprises. Même si, je vous l’accorde, en l’état c’est tentant. Bien sur pour l’heure, comme le phénomène touche essentiellement l’espace rural et péri-urbain, les observatoires des agglomérations boboïsées n’ont pas encore pris la mesure du phénomène. Pour combien de temps ?

Il est tout de même excessivement peu probable que les kilotonnes de pavillons qui enlaidissent nos riantes campagnes cèdent demain la place à des communes autogérées se nourrissant de chardons équitables et récupérant massivement l’eau du ciel pour la cérémonie du thé à l’abricot.

Donc, l’affaire nous semble mal engagée. Non pas que les principes théoriques de l’affaire soient à balancer sur le coin compost sans autre forme de procès.

Nan, l’ennui c’est qu’en l’état la « débrouille individuelle » annihile toute perspective collective. Et c’est bien là que le bât blesse. Convaincu, comme vous, que le mouvement va s’étendre, ses répercussions m’apparaissent critiques. Pire, plus la « débrouille individuelle » sera plébiscitée, plus les pratiques qui portent aujourd’hui atteinte à une gestion soutenable de la ressource y trouveront un encouragement. L’eau est de plus en plus polluée ? Pas grave, puisque individuellement je peux la préserver... Erreur et contre-vérité manifeste. L’eau ne se gère pas tout seul dans son coin, mais collectivement. Certes différemment qu’aujourd’hui, et c’est là tout l’enjeu d’un nouveau paradigme, qui ne pourra résulter que d’une mobilisation collective.

Ici, considérer de même que la croissance rapide des « résidences sécurisées » sur les côtes méditerranéennes, investies par des particuliers disposant de très confortables revenus, dessine de manière caricaturale l’autre extrémité du spectre autarcique. Si l’hypothèse de la balkanisation et de l’entropie l’emportait sur l’indispensable remise à plat des politiques publiques de l’eau et de l’assainissement, on verrait inévitablement fleurir des « principautés » de ce type, gérant « leur » eau en toute autonomie, et au prix fort, comme c’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui dans plusieurs de ces enclaves de luxe.

Le débat sur l’individualisation des factures d’eau

Depuis plusieurs années un véritable serpent de mer resurgit régulièrement dès qu’il est question de l’individualisation croissante des comportements vis-à-vis de la gestion de l’eau, sous l’angle de l’individualisation des factures, des compteurs, et in fine des contrats d’eau. Notre ami Bernard Barraqué, déjà présent dans le troisième épisode de notre feuilleton, vient tout juste, coïncidence, d’y apporter une contribution majeure.

« Nous savions déjà que dans certains pays, des citoyens étaient tentés par « l’aventure individuelle », consistant à se déconnecter partiellement des services publics. Mais, même si c’est pour contribuer à un développement plus durable qu’ils faisaient le choix d’une citerne ou d’un puits privé, voire d’un technique ‘Ecosan’ pour traiter leurs eaux usées sur place, un rapprochement pouvait être fait avec les grandes villes du Tiers Monde où c’est la mauvaise qualité du service public (notamment la discontinuité du service) qui poussait les habitants à adopter des solutions compensatoires, qui à leur tour tendaient à aggraver la crise des services publics, et à les maintenir dans un état où les habitants n’avaient pas confiance en eux... Or, c’est dans ces situations que, par absence de solidarité, les plus démunis finissent par payer l’eau le plus cher (...). »

Cet extrait de la synthèse de l’étude qu’il vient de rendre publique, réalisée pour le compte de la Mairie de Paris et de l’Agence de l’eau Seine-Normandie, apporte à l’évidence de l’eau à notre moulin, raison pour laquelle nous y faisons très malignement référence ☺

En effet, cette étude souligne que la pose de compteurs d’eau individuels dans les immeubles collectifs est une solution onéreuse qui n’entraîne pas de diminution des consommations, contrairement à ce qu’un discours convenu, et pas totalement désintéressé, laisse entendre depuis plusieurs années.

Et affirme qu’on ne peut, à la fois, poursuivre un objectif d’équité consumériste et un objectif de justice sociale à travers la même formule tarifaire concernant l’eau. Bernard Barraqué incite donc la mairie de Paris, qui voulait évaluer la possibilité d’une individualisation des factures d’eau et de la mise en place d’une tarification par blocs croissants, à conserver des compteurs en pied d’immeuble.
 (La tarification « par blocs croissants signifie que les premiers mètres cubes d’eau consommés peuvent être fournis gratuitement aux personnes à faible revenu.)


Aujourd’hui les gérants d’immeubles répartissent les charges d’eau en se basant sur les mesures du compteur général, et des compteurs divisionnaires le cas échéant. Mais l’article 93 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000 a introduit la possibilité d’individualiser les factures d’eau. Le groupe Veolia a ainsi évalué, soulignait le Journal de l’environnement, à 50 euros l’abonnement annuel à payer, et Bernard Barraqué estime donc qu’une personne âgée vivant seule dans un immeuble et consommant 40 mètres cubes d’eau par an doit consommer 15 mètres cubes de moins – ce qui n’est pas rien - pour espérer payer moins cher qu’avant la pose d’un compteur individuel.



Une précédente étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), datant de 2005 évoquait déjà les obstacles à la généralisation de ce mode de tarification, par exemple la modification de la « répartition des responsabilités dans le recouvrement des factures d’eau, entre gestionnaires de l’habitat, syndicats des eaux et distributeurs d’eau ».

Mais pour Bernard Barraqué, les bailleurs sociaux étaient séduits par ce système, pensant que les impayés seraient désormais gérés par les compagnies d’eau. Il a donc mené des comparaisons avant/après la pose de compteurs individuels chez des personnes vivant en immeuble.



A Paris, la consommation de trois immeubles étudiés n’a pas diminué. A Toulon, les consommations d’un HLM de 51 logements n’ont pas baissé significativement. Le montant des factures a progressé de 30% avant et après la pose de compteurs individuels et le pourcentage d’impayés s’est avéré très élevé, les abonnements étant considérés comme trop chers par certains abonnés.
Bien que les contextes soient chaque fois différents, l’étude souligne qu’à l’étranger, des changements tarifaires se sont souvent soldés par des échecs.

Selon Bernard Barraqué, en Flandres belges, une tarification par blocs croissants (volume initial gratuit de 15 m3/personne/an) a eu des « effets nettement régressifs » car les ménages les plus riches sont dans cette zone géographique ceux qui ont le plus d’enfants. Ils sont donc avantagés par rapport aux catégories sociales fragiles.

Finalement, le chercheur estime que l’aide sociale liée aux services d’eau, qui ne peut être introduite dans le cas d’un comptage collectif, doit être apportée en France dans le cadre d’une aide générale non spécifique à l’eau (diminution de loyer, augmentation des aides au logement…).


Sur ce point particulier on voit donc sans conteste que « l’individualisation » n’apporte aucune réponse pertinente, tant en matière de tarification sociale que de gestion optimale de la ressource.

Un constat qui nous semble mériter d’être médité, dans le contexte plus général de l’individualisation croissante des comportements vis-à-vis de la gestion des ressources en eau, dont vous aurez déjà compris que nous l’observons d’un œil critique, sous l’angle d’une « tentation autarcique » grosse de périls.

L’étude de Bernard Barraqué

Une lame de fond ?

En attendant, et en illustration de ce qui précède, exploration sommaire de la galaxie autarcique. Où l’on va voir que ça bouillonne, phosphore, invente, vitupère à qui mieux-mieux, pour la bonne cause certes, mais au risque nous semble-t-il de voir se mettre en place le scénario évoqué ci-dessus.

Bouygues, Merlin et Nexity ne sont certes pas encore menacés, loin s’en faut, de voir les dividendes servis à leurs actionnaires chuter à la vitesse des « subprimes », et des constellations de yourtes gagner les « territoires libérés » que rêve de présider la télé-évangéliste illuminée accro au chabichou. N’empêche que, « revisitant » les grands classiques ardéchois des seventies, de sympathiques tribus de néo-néos, enfin genre les enfants des néos, explorent assidûment les sentiers de l’Eco-habitat qui nous offrent désormais sur la Toile mille et un kits de survie en zone bientôt libérée des contingences des panzerdivisions du BTP.

Ainsi du portail sidérant sis en plein cœur de la Bretagne, mitonné par nos amis d’Approche écohabitat

Ca vaut le détour pour qui ne rechigne pas à l’aventure. Et une fois embarqué vous voguerez de découverte en découverte. Avec par exemple « Notre maison ossature en bois dans le Périgord pourpre »

Réminiscences d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, j’ai l’impression de revivre la lecture fiévreuse des trois volumes d’anthologie du Catalogue des Ressources, pieusement conservés après les avoir acquis de haute lutte dans la mémorable, et bien nommée, librairie « Alternatives » de la grande époque... Avec un étrange effet de télé-réalité puisque nous voilà invités à suivre "online" les aventures mémorables des néos-néos à la recherche du top du top de la pompe à chaleur. Et, enfer et damnation, on peut y passer des heures, comme par exemple chez Carine, Sylvain, et leur maison bioclimatique nantaise.

Tout comme chez Jojo et sa maison en bois à Portsall

Quoi de plus sympathique m’objecterez-vous que de voir ainsi foisonner mille et une Association de bienfaiteurs ?

Certes, certes, je dois être à force immunisé contre le virus qui me ferait passer des nuits entières à m’extasier sur le terrific (entendre remarquable) dossier que consacre Ecologie appliquée à la récupération de l’eau de pluie. Récupération qui nous inspire moult questionnements et que nous ne plébiscitons pas outrageusement, à l’instar de la redoutable camarilla d’aficionados qui suit.

Les fanas-milis

Vavavoom, en matière d’eau de pluie, Pierre « l’écoleau » est déjà un vieux de la vieille, qui nous invite à découvrir l’eau dans tous ses états. Convaincu que l’avenir lui tend les bras, il vient tout juste de créer l’association qui portera le message que l’eau de pluie est l’avenir du genre humain...

Avec Ecoblog sans censure « l’écoblog d’informations non officielles sur l’état des cours d’eau », on voit poindre l’idée qu’on nous raconte largement des histoires. Pas faux et bien vu. Où l’on voit bien accessoirement que le déluge d’infos « officielles » ne fait plus recette.

Mais vous n’avez encore rien vu ! Avec Effervesciences on monte d’un cran, car ici c’est toute une vision du monde qui se fait jour. Tremblez infâmes matérialistes à l’esprit étroit !

Kif-kif avec Hydroland, qui nous accueille même en musique, avant de plonger dans les eaux continentales, souterraines, naturelles, potables, pas d’inquiétude, y en aura pour tout le monde !

Reste qu’une immersion répétée nous conduirait rapidement au vertige. Vite, une pause avec L’eau que nous buvons, qui a le mérite de synthétiser des données de base trop souvent oubliées ou méconnues.

On parlait de théorie ? Attention ici c’est violent. La bible du Doktor Joseph Orszâgh n’est pas à mettre dans toutes les mains. Enfin, les mains éclairées çà ira. Car l’Eautarcie flirte ici avec la religion révélée. A consommer avec modération. Et encore, pas sur du tout que la faculté opine. Loin s’en faut.

Et tiens, puisque l’eau c’est la vie, un petit tour par Akwa dont le site respectable nous en convainc aisément, si besoin était.

Dans un autre registre, Activart nous montre bien lui aussi que l’information institutionnelle a déjà perdu la bataille, car mille et un sites nous convient désormais à « bien gérer l’eau », « notre » eau.

De la théorie à la pratique

Une fois posées les fondations de la maison (de paille, de bois et de briques bien sur !), voyons voir ce que ça donne quand on quitte l’éther de « l’aqua theorica ». Et bien ça marche, çà intéresse, ça discute et ça échafaude, comme le montrent entre autres exemples les forums d’On peut le faire.

Id est, on est bien dans la dialectique du glocal, enfin pas tout-à-fait mode attac, je vous l’accorde.

Avec les forums d’Econologie, si le principe reste identique, on voit déjà poindre la grande foire commerciale en laquelle pourrait hélas muer notre principauté de l’autarcie, et qui est sans doute le plus grand péril qui la menace, tant certaines « niches » semblent irrésistiblement attirer une horde de petits malins se réjouissant de ces bonnes fortunes.

Dérive que ne manquent jamais de pourfendre les bretteurs associés qui concoctent « Des bassines et du zèle » qui s’émeut épisodiquement, entre mille et une autres préoccupations, de la marchandisation rampante de l’eau.

Damned, j’allais oublier le noyau dur de l’Armée de libération de l’Aqua, ici symbolisé par nos amis de Toilettes à compost, qui dressent un impressionnant panorama des toilettes sèches (qui nous l’avons vu sauveront le genre humain). Bon, ça va agacer, mais la dernière fois que j’ai religieusement écouté le prêcheur des toilettes sèches dans ses œuvres, la cérémonie s’est interrompue parcequ’un adorable mouflet de deux ans venait de se faire croquer une phalange par un lapin enragé. Hurlements, main en sang, panique, le tout dans un gentil salon bio dont évidemment tous les participants avaient autre chose à faire que de surveiller les lapins affamés...

Ah, oui, et pour revenir aux choses sérieuses, quoique se faire croquer une phalange par un lapin, à deux ans, à mon avis ça marque, voyons donc voir ce qu’il en est des réflexions stratosphériques de nos amis parlementaires qui nous fomentent des crédits d’impôt comme à Gravelotte. Où l’on devrait commencer à apercevoir qu’il y a décidément quelque chose de faisandé au royaume béni de l’autarcie...

Voir sur le site de nos amis d’Econo-écolo.org l’ITW des trois parlementaires auteurs du « crédit d’impôt »...

Je galège, je galège, sachons raison garder. De courageux pionniers, ici des pionnières, se battent aussi comme des chiens depuis des années pour promouvoir des réponses intelligentes à une gestion depuis longtemps obsolète de l’eau de pluie.

Cordial abrazo à Elise Baujard et Isabelle Hurpy qui viennent tout juste de mettre en ligne Label eau de pluie qu’elles présentent ainsi :

« Vous le savez, l’eau de pluie est une ressource précieuse, et en tant qu’environnementalistes, nous travaillons activement à intégrer son recyclage dans nos projets. Comme les bonnes techniques de ce recyclage sont encore très peu diffusées, que le chemin est toujours parsemé d’embûches, que les réalisations où des usages sont approvisionnés à l’intérieur d’un bâtiment collectif n’aboutissent que très rarement, même lorsque les conditions techniques et économiques s’y prêtent, nous avons créé ce site pour que de plus en plus d’acteurs s’emparent de la version écologique et contemporaine de ces techniques ancestrales, et que les collectivités s’engagent de plus en plus à produire une belle eau de pluie. »

Comme une requête Google sur "Récupération eau de pluie" fournit 104 000 réponses, après on a l’embarras du choix, avec par exemple la rubrique qu’y consacre Ekopedia, le Wikipedia dédié à l’écologie, d’origine canadienne.

Le tout à visiter sans modération.

Sans transition, dirions-nous si nous moumoutions à TF1, voilà qui nous amène tout droit dans les catalogues des lointains descendants des hommes-médecine de l’Ouest qui veulent nous fourguer à prix d’or une quincaillerie que même le catalogue de Manufrance n’aurait pas suffi à accueillir...

Les entreprises

Bon, c’est juste pour la forme, sinon on n’en finirait pas, avec by exemple lebureau d’études Eco Tech, sis à Angers, à qui aucun aspect de la gestion durable de l’eau ne saurait demeurer étranger.

Où nos amis d’Aquadomo, http://www.aquadomo.fr/...

Et encore Pure Pro spécialiste de purification d’eau par osmose inverse, traitement de l’eau, osmoseur, adoucisseur, et plus si affinités, quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limite...

Et si d’aventure, inconscients irresponsables, vous n’étiez pas convaincus, allez donc voir ce que nous baille Info Eau tout sur l’eau... « Actualité : eau du robinet, la pollution est partout ». On vous l’avait bien dit !

A ce stade là vous devez être murs pour Jatech LE spécialiste des traitements magnétiques de l’eau et des carburants pour l’industrie, les collectivités, les professionnels et les particuliers. Vous m’en direz des nouvelles !

Et si échauffés par tout cela vous voulez vous activer un peu, allez donc signer la Pétition en ligne en faveur d’une amélioration de la gestion des eaux pluviales qu’a concocté un autre industrieux chevalier de l’alternatif qui rapporte.

Plus dure sera la chute

Dans ce genre d’exercice le problème c’est la chute. Hosannah Saint-Denis. Ne voilà-t-y-pas que nos amis d’Auvergnenature.com nous entreprennent sur un sujet qui nous laisse coi. Je vous laisse juge de notre sidération quant atterrit moelleusement dans notre boite mail le 28 avril dernier le message ci-après :

« Expertise AFFSET « baignades et piscines » dites atypiques.

« Bonjour,

Dans sa newsletter datée du 24 avril 2008, Céline Chabi de
www.maisonapart.com reproduit un débat :

« Pour ou contre les piscines naturelles ? » entre, d’une part, Philippe Bach, Président de la Fédération
des Professionnels de la Piscine qui est CONTRE et, d’autre part Bernard Depoorter, co-fondateur de BIOTEICH qui est POUR.

Philippe Bach précise, dans son interview : des travaux d’élaboration,
avec l’AFNOR, d’une définition du terme PISCINE ;

Questions :

 En savez-vous plus sur ces travaux et dans la négative quel serait la
personne à contacter à l’AFNOR ?

 Date de publication des conclusions de l’expertise de AFFSET ?

D’avance merci pour votre réponse. »

Ami (e) s d’Eaux glacées, je compte sur vous, là je vois poindre la noyade...

Une citation :

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »

Jean Jaurès.

Gestion de l’eau :

Gestion de l’eau (1) : le réquisitoire de l’IFEN

Gestion de l’eau (2) : la vision de Veolia

Gestion de l’eau (3) : le cri d’alarme de Bernard Barraqué

Gestion de l’eau (4) : la tentation autarcique

Gestion de l’eau (5) : les pauvres et l’eau

Marc Laimé - eauxglacees.com