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De la « kârcherisation » du droit de l’environnement
25 janvier 2011
par
- eauxglacees.comComme il appert trop souvent que nos coups d’épée dans l’eau filent comme sable entre nos doigts, rappel courroucé de ce que l’actuel gouvernement, dans l’indifférence générale, passé les faux-semblants du « Grenelle de l’environnement », n’a cessé de dynamiter un droit de l’environnement construit depuis des décennies, avec comme conséquence que ces mesures qui se succèdent à jet continu s’avèrent d’ores et déjà catastrophiques pour l’avenir de l’environnement en France.
Esquisse de bilan 2007-2009 : pour les infractions à la police de l’eau, plus de saisine de la justice : on va transiger et payer des amendes forfaitaires. Les Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) : on « simplifie » le régime, et passez muscade, des milliers de sites industriels dangereux et polluants vont disparaître du radar. Avec 5 « Plans de prévention des risques industriels et technologiques » (PPRT) en voie d’adoption en mai 2009, pour 423 qui devaient être publiés avant le mois de juillet 2008, les industriels peuvent tranquillement dormir sur leurs deux oreilles jusqu’en 2040. Les enquêtes publiques ? Au rencard ! La relance, la relance, vous-dis-je ! Ah, oui, les pesticides… Et bien il est urgent d’évaluer comment on va « faire en sorte » d’en diminuer l’usage de 50%, un jour, dans longtemps, sans fâcher personne. Mais nous avons adopté une loi « révolutionnaire » sur la responsabilité environnementale, faut pas exagérer tout de même ! Oui, bon, mais ça n’était pas encore tout à fait cela. Pour conclure en apothéose, nos amis du ministère de l’Ecologie ont eu l’idée géniale de créer un nouveau « machin » qui va évaluer l’impact des grands projets d’infrastructure. L’opération ne vise en fait qu’à légitimer l’existence même de l’hyper-ministère de Jean-Louis Borloo, dont le gigantisme pouvait mettre la France en difficulté vis-à-vis d’une Directive européenne… Point d’orgue, le 28 mai 2009 le Conseil de l’Union européenne enjoignait les états-membres de limiter la création de nouvelles mesures réglementaires afin de protéger l’industrie dans le contexte actuel de récession…
(1) Les transactions et amendes forfaitaires en matière de police de l’eau
La Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, réputée permettre à la France de mettre en œuvre les obligations découlant de la transcription de la Directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, réserve quelques étonnantes surprises quand on s’interroge par exemple sur les nouvelles modalités d’exercice de la « police de l’eau » qu’elle aurait logiquement du promouvoir, puisque la rigueur la plus grande s’imposerait désormais afin de permettre l’atteinte de ces fameux objectifs. On commence à comprendre pourquoi « l’objectif 2015 », dont on nous rebat les oreilles depuis des années, est désormais tout-à-fait officiellement reporté à 2021, 2027 (et plus si affinités), quand l’on découvre par exemple qu’en matière de police de l’eau, les contraventions autrefois passibles d’un renvoi en correctionnelle peuvent désormais faire l’objet d’une « transaction », qui suspend toute saisine du Parquet, et d’une « amende forfaitaire » imposée aux contrevenants. Premier exemple d’une interminable litanie de renoncements qui signent l’impressionnant retour en arrière fomenté par le gouvernement de M. François Fillon, dont l’actuelle réforme des ICPE, comme l’annonce d’une quasi-disparition des enquêtes publiques, présentée il y a deux semaines comme une benoîte évidence par M. Patrick Devedjian, sont les inquiétants emblèmes.
Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009
(2) La réforme du régime des « Installations classées pour le droit de l’environnement » (ICPE)
Véritable serpent de mer que les lobbies représentant les intérêts de grands groupes industriels et des bureaux d’étude ont tenté de promouvoir depuis plusieurs années, la réforme dite du « 3ème régime ICPE » illustre jusqu’à la caricature les faux-semblants du « développement durable », portés à incandescence depuis la palinodie du « Grenelle ». La France compte 54 000 installations classées soumises à une « procédure d’autorisation », et 450 000 installations soumises à une simple « déclaration », sans compter des milliers de sites pollués, environ 300 000 selon les chiffres du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Aujourd’hui, la plupart des installations classées n’est contrôlée en moyenne que tous les 10 ans. Les promoteurs de la « réforme » soutiennent que cette moyenne pourrait tomber à 7 ans, puisque les personnels des DRIRE qui en ont la charge pourront se concentrer sur les établissements les plus dangereux... Un argumentaire spécieux qui ne résiste pas à l’analyse, puisque cette « réforme », au terme d’un impressionnant caroussel législatif, signe l’une des plus graves régressions du droit de l’environnement qu’ait connu la France depuis des décennies.
Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009
(3) La loi sur les risques industriels en carafe
L’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001 suscita l’adoption de la loi « Bachelot » sur les risques industriels du 30 juillet 2003. 423 plans de prévention des risques industriels et technologiques (PPRT) sur les sites à risques majeurs devaient être adoptés avant le mois de juillet 2008, pour un coût estimé à 3 milliards d’euros. Mais en mai 2009, seuls 5 PPRT étaient en passe d’être publiés…
Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009
(4) Les enquêtes publiques flinguées par le « Plan de relance » ?
A l’occasion d’un « point d’étape » sur la mise en œuvre du « Plan de relance » tenu le 5 mai 2009, M. Patrick Devedjian, ministre éponyme, annonçait avoir soumis à la consultation interministérielle un texte visant à relever le seuil de déclenchement des enquêtes publiques. L’annonce a suscité une furieuse levée de boucliers des associations de défense de l’environnement, qui dénoncent à l’unisson un projet visant à permettre l’autorisation d’un maximum de projets à risques sans concertation et information du public, qu’il s’agisse de riverains, d’associations, voire d’élus… Corrélée à la réforme en cours des ICPE, comme au retard considérable de mise en œuvre des PPRT, l’annonce achève en effet de renvoyer les palinodies du Grenelle au grand cimetière des illusions perdues…
Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009
(5) Chassez le naturel, il revient en pesticides…
L’affaire restera comme l’un des plus tortueux épisodes du détricotage permanent du droit de l’environnement auquel se livrent tous les lobbies attachés à sa perte, de plus en plus ouvertement soutenus par un gouvernement et une majorité acquis à leur cause. Cette fois c’est sous couvert de résolution de la « guerre de l’ortie » que l’un des engagements-phare du « Grenelle », celui de réduire de moitié l’usage des pesticides en dix ans, déjà considérablement restreint par la formulation ubuesque arrachée in extremis par la FNSEA (« si c’est possible »), se retrouve encore un peu plus mis à mal par le biais d’un amendement pernicieux déposé au Sénat lors de l’examen en janvier 2009 du projet de loi « Grenelle 1 ».
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009
(6) Le grand théâtre d’ombres de la « responsabilité environnementale »
Evidemment, pendant qu’on kärcherise, il faut impérativement, du même élan, ripoliner la façade, et multiplier bruyamment les engagements solennels en faveur de l’environnement, pour le plus grand bien des générations futures et des petits nenfants. Dans ce registre le ministère Borloo aura fait très fort, comme en atteste l’époustouflante saga de la loi sur la responsabilité environnementale (LRE), solennellement adoptée le 22 juillet 2008. A y regarder de plus près c’est ici que se dévoilent les fondements du « village Potemkine » du MEEDDAT...
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009
(7) La « conscience verte » du MEEDDAT
Là c’est l’apothéose, ou presque. Dans le registre le pire est évidemment à venir, au vu de ce qui jalonne déjà notre chemin de croix. Mais c’est ici, terme provisoire de notre feuilleton, que nous touchons à l’essence de l’inspiration des grands architectes de l’hyper-ministère. Car à force de transversalité boulimique, à entasser écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire, notre admirable MEEDDAT aurait bien pu finir par considérablement agacer Bruxelles. Du coup nos amis ont eu l’idée géniale de créer un nouveau « machin » qui va évaluer l’impact des grands projets d’infrastructure. Hourrah !
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009
(8) : l’Europe en rajoute !
Notre lamentable feuilleton se bornait au pré carré hexagonal. Nous affirmions que le pire était à venir. Dont acte, le « Conseil Compétitivité », qui rassemble les ministres européens de l’industrie du commerce et de la recherche, a enjoint le 28 mai 2009 l’Union et les Etats membres de limiter la création de nouvelles mesures réglementaires afin de protéger l’industrie dans le contexte actuel de récession…
Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 mai 2009
A suivre, hélas…
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