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“Droit à l’eau” : dérobade, hypocrisies… et business
5 décembre 2010
par
- eauxglacees.comDans l’étonnant pas de deux engagé ici même depuis des années avec notre ami Henri Smets autour du “droit à l’eau”, entendre “quasi droit de l’homme” et “pour les pauvres”, le tout dernier episode de ce lamentable feuilleton ne va guère aider à y voir plus clair. Nous soutenons que les projets de loi Cambon (curatif) et Buffet (préventif), qui étaient censés être “fondus”, sur impulsion gouvernementale, sous les auspices du Comité national de l’eau, allaient en finir par l’imposture consistant à faire prendre en charge sur la seule facture des usagers le fameux droit à l’eau, ce qui exempterait Veolia, Suez et Saur de toute contribution. Henri Smets nous contestait cette analyse. Il était prévu que la “fusion” des deux textes soit débattue à l’Assemblée le 1er décembre 2010. Il n’en a rien été. Le projet de loi Cambon, qui avait déjà été adopté en première lecture au Sénat – et dont nous avons déjà longuement dit tout le mal que nous en pensions, rejoints ici par Henri Smets – a bien été validé par l’Assemblée. Mais un amendement gouvernemental a renvoyé, selon l’explication apportée par NKM qui reprend l’affaire à Jouanno qui s’était beaucoup engagée là-dessus, le réglement du volet “préventif” à un cavalier du prochain projet loi de finances (PLF). D’ici là re-concertations, histoire de permettre à Veolia, qui mène l’affaire, d’imaginer une nouvelle embrouille, qui permettra à Veolia-NKM de faire les beaux à quelques mois de Marseille 2012, (toujours sur le dos de l’usager-lambda, là rien ne changera), tant nos amis sont tristement prévisibles…
Il y a quelques semaines, à l’évidence courroucé par notre dernière note en date sur l’affaire, intitulée “Le temps des imposteurs”, Henri Smets nous adressait le texte ci-après, que nous publions fort volontiers, comme nous l’avons toujours fait, et qui, du coup, éclaire singulièrement les palinodies actuelles. Puis nous évoquerons la séance du 1er décembre dernier.
"Le droit à l’eau : le temps des solutions innovantes"
par Henri Smets, président de l’Association pour le développement du droit et
de l’économie de l’environnement (ADEDE) .“En 2000 (Gouvernement Jospin), la France a reconnu dans la loi le “droit à l’électricité pour tous” et a prévu un tarif “social” de l’électricité dans le but d’alléger le prix de l’énergie pour les plus démunis grâce à une aide apportée par les autres usagers et non par l’Etat.
Le décret de 2004 (Gouvernement Raffarin) prévoit que chaque usager paye un supplément sur sa facture pour financer notamment un tarif réduit de l’électricité pour les ménages démunis.
Le même type de dispositif a été proposé en 2008 pour la distribution d’eau par les députés André Flajolet (UMP) et André Chassaigne (PC). Le Comité National de l’Eau a approuvé à l’unanimité cette approche à laquelle la secrétaire d’Etat Chantal Jouanno a apporté tout son soutien.
L’allocation de solidarité pour l’eau en voie de création pourra être financée par les usagers, les collectivités et les entreprises.
”Il serait inexact de prétendre que Veolia, Suez et Saur “seront exemptés de toute contribution à la solidarité envers les plus démunis”. Les distributeurs privés (délégataires) participeront au mécanisme SI les municipalités délégantes le demandent lors de l’appel d’offre et les régies ne seront pas nécessairement exemptées de participer aussi à la solidarité.
La proposition de loi Flajolet actuellement en discussion permet à chaque municipalité de choisir qui financera la solidarité et dans quelle proportion. Pour les unes, il pourra s’agir du budget municipal (c’est déjà le cas à Paris), pour d’autres, il s’agira du délégataire (par exemple, Suez à Libourne) et pour d’autres, les usagers verseront une petite redevance sur l’eau (voir Aix- les-Bains).
En pratique, il faut s’attendre à un financement mixte. La proposition devant l’Assemblée nationale n’a rien d’une “sinistre farce” ni d’une “imposture” car elle préserve la liberté de chacun tout en respectant le principe “L’eau paye l’eau” qui est à la base de l’approche française.
Plus tard viendra l’heure du choix, les municipalités devront choisir à qui elles veulent faire payer une petite redevance de l’ordre de 2 cE par m3. Certaines d’entre elles préféreront que le délégataire s’en charge et d’autres seront en faveur d’une action aux niveau des contribuables locaux. En fin de compte, l’important est que la facture d’eau des plus démunis sera allégée.’
Le point de vue d’Eaux glacées
Henri Smets avait formellement raison en soulignant que le projet de loi laissait à l’appréciation des communes le soin de solliciter le cas échéant les délégataires. Là où nous divergeons c’est que nous soutenons sans doute aucun que même dans ce cas de figure l’entreprise répercutera bien évidemment par une très banale astuce comptable dont elles sont les specialistes incontestées cette charge supposée sur la facture de l’usager, tout en en faisant des tonnes sur le registre “notre engagement solidaire” pour amuser le chaland…
Et en utilisant l’affaire comme argument publicitaire dans l’hypothèse de la signature d’un nouveau contrat. Ainsi, exemple récent, dans un des derniers contrats signés entre Veolia et la commune de Solliès-Toucas dans le Var, un article du cahier des charges précise que : " Dans l’attente de la création d’un compte eau dans le cadre du fonds de solidarité départemental, le fermier dotera le fonds de solidarité communal géré par le CCAS de la collectivité à hauteur de 0,2049€/an/abonné. Cette somme est indexée au 1er janvier par application du coefficient K..." La somme correspondante de 406 € figure bien dans le nouveau compte d’exploitation prévisionnel du cahier des charges…
Façon pour les majors d’anticiper notre nouvelle loi en gestation, et de rajouter en quelque sorte un plus dans la corbeille de la mariée pour décider les maires à re-signer. On voit ici ce que le « droit à l’eau » veut dire pour Veolia…
Henri m’opposera : oui, mais c’est bien la preuve qu’ils vont payer ! Non. Ils vont juste intégrer cette charge apparente dans le mécanisme infernal du coefficient K, qui consiste à imposer à la ville une clause d’indexation annuelle automatique, totalement déconnectée, et des volumes facturés, et des charges réelles de l’entreprise. A l’arrivée, cela ne leur aura rien coûter et pourrait même leur rapporter une marge invisible supplémentaire !
La séance de l’Assemblée nationale du 1er décembre 2010
On apprenait deux jours plus tôt que la proposition Flajolet était reportée à plus tard. Il s’agissait de la fameuse « fusion » entre les projets de loi Cambon et Buffet, qui tient à l’évidence, comme nous le soutenons depuis le début du mariage de la carpe UMP et du lapin PC, ou l’inverse…
Le « transfert de 50 millions d’euros en faveur des pauvres » allait donc attendre qu’une solution technique ou administrative soit trouvée... Mais le gouvernement et le ministère sauront-ils trouver une solution ?
Notre ami Henri Smets ne dissimulait pas sa déception : « En attendant, on fera appel à la générosité des délégataires et des maires, si elle existe. Paris et Libourne restent les seuls à agir en faveur des pauvres. »
Les députés adoptaient donc le 1er décembre en première lecture la “proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l’alimentation en eau et de l’assainissement des particuliers.”
L’UMP et le Nouveau Centre ont voté pour tandis que le PS et le groupe GDR (PCF, PG et Verts) se sont abstenus.
Pour Olivier Dussopt (PS), cette proposition de loi "est inspirée de bons sentiments, mais ne va pas assez loin".
Le texte, déposé par Christian Cambon, sénateur UMP du Val-de-Marne, premier Vice-président du Sedif et grand défenseur de Veolia, avait été adopté en première lecture au Sénat en février dernier.
Il ouvre la faculté "aux opérateurs des services publics de fourniture d’eau potable et d’assainissement" d’abonder le Fonds de solidarité logement (FSL) qui vient en aide aux personnes et familles en difficulté pour leur permettre d’accéder à un logement ou de s’y maintenir.
Il ne s’agit donc bien que d’une “faculté”, et non d’un droit, car un droit ne peut reposer… sur le bon vouloir de Veolia, ou alors nous sommes en république bananière…
Au final, le texte Cambon fait jouer “la solidarité entre usagers.”
Et non la solidarité de Veolia envers les usagers, ce qui tombe sous le sens, mais par les temps qui courent il n’est pas interdit d’enfoncer les portes ouvertes. Déjà, ça réchauffe…
La contribution (optionnelle !) des opérateurs au FSL est plafonnée à 0,5% du total hors taxe des redevances pour fourniture d’eau potable et d’assainissement prélevées sur les factures.
"Sachant que ce montant total est évalué à environ dix milliards d’euros, les contributions volontaires pourraient représenter cinquante millions d’euros, somme qui permettrait de couvrir l’ensemble des besoins", a précisé le rapporteur du texte, Guy Geoffroy (UMP).
Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au Logement, a défendu la proposition de loi qui permet de renforcer le FSL pour toucher une plus large proportion de personnes.
"Actuellement, 60 000 ménages ont bénéficié du FSL au titre du “volet eau” mais le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 526 000", a-t-il souligné.
Où l’on voit bien que la “rustine” Cambon est un leurre.
"Droit à l’eau" et business...
"L’autre intérêt de ce dispositif, a-t-il fait valoir, est qu’il nous fait passer d’un fonctionnement par abandon de créance, très onéreux en coût de gestion, à un fonctionnement en ’fonds réels’, beaucoup plus économique.
Les délégataires indiquent que pour 2,5 millions d’euros d’abandon de créance, les coûts de gestion des services d’eau peuvent atteindre entre cinq et sept millions d’euros."
Ici l’on retrouve cette âpreté au gain qui est le seul veritable facteur “identitaire” de nos amis, et l’on découvre une autre facette de leur soutien tonitruant au “droit à l’eau” !
Selon Guy Geoffroy, le texte "permet d’envisager d’aller plus loin" afin de "passer du volet curatif au volet préventif".
Mais le rapporteur retirait in extremis à la demande du gouvernement son amendement sur une "tarification sociale de l’eau".
"Nous allons travailler sur ce sujet dans les six prochains mois, a précisait la nouvelle ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Une concertation sera lancée et nous proposerons un dispositif à l’automne 2011 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012."
Voir :
Les interventions et les explications de vote
L’intégralité du dossier législatif sur le site de l’Assemblée nationale
L’intégralité du dossier législatif sur le site du Sénat
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