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Est Ensemble (19) : le discours rêvé de Citizen Kern
2 novembre 2010
par
- eauxglacees.comMardi 9 novembre 2010 à 18h00, les 91 conseillers communautaires de la Communauté d’agglomération Est Ensemble, au nord-est de la Seine Saint-Denis, sont convoqués à Romainville pour un premier conseil communautaire, qui examinera, avant le vote décisif prévu le 23 novembre prochain, les différentes options envisageables en matière de gestion de l’eau à l’avenir. Une question décisive pour les 400 000 séquano-dyonisiens concernés, tant l’affaire d’Est Ensemble symbolise les enjeux de l’époque. La liberté ou la servitude ? L’espoir ou le renoncement ? M. Bertrand Kern, socialiste, maire de Pantin et président de la communauté d’agglomération Est Ensemble, tient entre ses mains un peu de l’avenir de la gauche, en Seine-Saint-Denis, et au delà. Aussi lui offrons nous ce discours rêvé, quoiqu’il en fasse…
« I have a dream. » J’ai fait un rêve. J’ai rêvé que Bertrand Kern avait choisi la liberté. Près de 50 ans après Kravchenko, il ne s’agit plus de rompre avec le cauchemar sanglant de la Kolyma. Non, mais d’en finir avec près d’un siècle de servitude. De rompre avec Frikolia, et ce faisant de réenchanter un peu le monde. D’en finir avec ce maléfice qui voit la gauche renoncer à se porter à la hauteur des rêves d’émancipation qui ont fait vivre nos parents. Pourquoi celles et ceux qui incarnent la gauche aujourd’hui peinent-ils tant à se porter à la hauteur de cette espérance ? Y renoncer définitivement signerait votre perte. Il est encore temps. Courage M. Kern. Nous vous offrons ci-après le discours que vos concitoyens attendent de vous. Il vous revient de vous porter à la hauteur de leurs attentes.
Le discours imaginaire de M. Bertrand Kern
« Mes chèr(e)s collègues,
Nous sommes réunis ici ce soir pour décider de l’avenir de la gestion de l’eau dans notre communauté d’agglomération. Depuis plusieurs mois, nous affrontons toutes et tous une affaire qui engage, au-delà du présent, l’avenir de nos enfants.
La question de l’eau, désormais, signe notre vision du monde, définit nos valeurs.
J’ai beaucoup réfléchi, beaucoup consulté.
S’il faut choisir de Jean Jaurès ou de Guy Mollet, je choisis Jaurès, vous l’aurez deviné.
Jaurès, qui dans l’Humanité, six mois durant, en 1910 déjà, s’était engagé de toutes ses forces en faveur de la gestion publique de l’eau à Paris.
Souvenons-nous de Jaurès.
Dans l’affaire qui nous préoccupe aujourd’hui, de nombreux éléments militent en faveur d’une non adhésion au SEDIF, et nombre d’entre eux ont été évoqués ou développés devant cette assemblée, mais aussi dans la presse qui s’en est fait l’écho.
Deux éléments juridiques majeurs doivent retenir notre attention : d’une part la non résolution par le SEDIF de la question de la légalité de la perception de fonds publics à laquelle il se livre, en laissant son régisseur non titré “percevoir pour son compte”, ce qui constitue une gestion de fait dont je rappellerai le caractère pénal ; d’autre part le caractère parfaitement licite de la mise en place pour une période transitoire d’un an d’une convention d’achat d’eau après du SEDIF trouvant son origine dans le nouveau contrat, et non pas dans la reconduite de la précédente convention.
Sur le premier point la situation est extrêmement claire. Comme l’a souligné le rapport juridique du cabinet Sartorio en page 16, les fonds perçus par le régisseur (que l’on se place sous l’empire du présent contrat ou du futur contrat d’ailleurs), auprès des usagers, sont des fonds publics.
Or, la loi fixe depuis 1962 (plus précisément dans l’article 12 du décret du 29 décembre 1962), un principe d’indisponibilité présumée des compétences recouvrement/paiement dont sont investies les autorités publiques.
Dans un avis du 13 février 2007, le Conseil d’Etat a précisé que : l’utilisation d’une telle compétence à la supposer déléguable est conditionnée par l’existence d’une habilitation législative, autrement dit une loi, et doit s’accompagner d’une mise en concurrence préalable, conformément au dispositif prévu dans le manuel d’application du Code des marchés publics (une telle mission s’analysant comme un mandat).
La première de ces deux conditions n’existant pas, aucune loi ne prévoyant en effet que dans le cadre d’une régie intéressée propre au domaine de l’eau, un régisseur soit légalement titré pour “percevoir pour compte” la part surtaxe d’une facture d’eau, l’adhésion de la CAEE au SEDIF équivaudrait pour cette dernière à méconnaître la loi, mais aussi l’état du droit rappelé par deux jurisprudences récentes (CE, 6 nov. 2009, n° 297877, Sté Prest’action : JurisData n° 2009-013485 et CE, ass, 28 déc. 2009, n° 304802, Cne Béziers : JurisData n° 2009-017292), et pointé du doigt par la doctrine “Maniement de fonds publics, délégataires de services d’eau et gestion de fait”. Entre pratiques publiques et infractions pénales. Etude, Gersende Bousquet et Yann Wels. La Semaine juridique, Administrations et collectivités territoriales. 19 avril 2010, hebdomadaire, N° 16, 2139, Contrats/Marchés public).
Nemo censetur legem ignorare, j’engage les membres de l’assemblée à la plus grande prudence. La gestion de fait n’est pas une petite infraction, mais un délit pénal grave (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende), qui s’articule très souvent avec le détournement de deniers publics (puni de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, deux peines non exclusives l’une de l’autre). A ce titre, et à en croire la presse (Bakchich hebdo n°23, du samedi 8 au vendredi 14 mai 2010), sur cet élément, le cabinet du secrétaire d’état aux collectivités locales Alain Marleix, prend la problématique : « très au sérieux […], nous avons besoin d’un délai pour instruire le dossier ».
J’ajoute qu’une telle recherche en responsabilité d’Est Ensemble, qui déciderait de réadhérer au Sedif, pourrait émaner d’une association d’usagers dont on connaît l’activisme…
Sur le second point, la présentation du rapport du cabinet d’audit, pour critiquable qu’elle puisse être sur plusieurs points, l’exprime en ces termes : la mise en place d’une nouvelle convention de gestion provisoire du service avec le SEDIF (et non pas la prolongation, dont on a bien compris qu’elle est illégale), se heurte au fait que : “Le SEDIF n’a pas intérêt à accepter la conclusion d’une telle convention, son intérêt étant que la CAEE ne soit pas un usager extérieur au périmètre de sa délégation mais qu’elle intègre le SEDIF et, en conséquence, augmente le périmètre de la délégation” (slide 33 du rapport phase 2).
Or l’intérêt de la CAEE ne saurait se confondre avec celui du SEDIF. Il incarne avant tout celui de ses usagers. Dès lors, si le seul argument à l’appui du refus d’une nouvelle convention de gestion provisoire du service est une question d’opportunisme économique, ce n’est pas une limite indépassable ; plus, c’est un argument complémentaire militant pour que la CAEE s’autonomise d’une structure, le SEDIF, qui, de toute évidence, poursuit des intérêts autres que celle de la poursuite de l’intérêt général.
Enfin, et j’en terminerai ainsi, je rappelle que les conventions de vente d’eau et d’achat d’eau qui ne se confondent pas avec une convention de gestion provisoire, sont des conventions de droit privé (CAA Marseille, 9 juillet 2007, n° 04MA02198, Commune d’Alet-les-Bains).
Merci mes chers collègues de m’avoir prêté attention. Je vous demande, vous l’aurez compris, de mettre un terme à une servitude qui na que trop duré, et de vous prononcer massivement en faveur de la gestion publique de l’eau que tous nos concitoyens appellent de leurs vœux. »
Bertrand Kern, pcc Eaux glacées...
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