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Service unifié de l’assainissement : pourquoi le projet d’André Flajolet doit être combattu
9 mars 2010
par
- eauxglacees.comEaux glacées prend fermement position, et combat le projet de M. André Flajolet, député (UMP) du Pas-de-Calais, ancien rapporteur de la LEMA à l’Assemblée nationale, et actuel président du Comité national de l’eau, qui souhaite faire adopter, par voie d’amendement au projet de loi « Grenelle 2 » en mai prochain, le principe de la création d’un « service unifié de l’assainissement. » A bien y réfléchir, l’idée d’un service unifié de l’assainissement, collectif et non collectif, peut se défendre dans des circonstances précises, sur des territoires limités. En revanche le projet de M. Flajolet est inacceptable quand il promeut la généralisation de la réhabilitation sous maîtrise d’œuvre publique. Et donc l’affermage à terme d’un marché de 20 milliards d’euros aux appétits de Veolia, Suez et Saur. Explications.
La réhabilitation sous maîtrise d’œuvre publique (MOP) doit demeurer une démarche exceptionnelle. Pour l’instant, la réhabilitation sous MOP c’est du volontariat. Demain elle pourra être imposée, sans limites. Cela donnerait aux élus les moyens d’agir, mais d’un autre côté cela ouvre la porte à des abus. Il manque donc des garde-fous. Dans le cas d’un SPANC, d’un syndicat ou d’une intercommunalité, ce qui est le plus fréquent, cela déresponsabilise le maire. C’est en effet le président du SPANC qui va décider des réhabilitations, et le maire ne va pas se priver de dire qu’il n’y peut rien. Il faudrait au moins sa signature pour chaque réhabilitation.
Cela coûterait au final plus cher à l’usager. Aujourd’hui une réhabilitation sous MOP coûte environ 20% plus cher en investissement et en fonctionnement que la même réhabilitation et que les opérations d’entretien effectuées sous maîtrise d’œuvre privées.
Il est clair que l’objectif de Veolia, Suez et Saur c’est de vendre du service aux collectivités ou aux particuliers, sous prétexte de vérification de la qualité de fonctionnement des installations d’ANC, surtout à l’heure où le modèle économique historique du service de l’eau s’effondre littéralement sous l’effet de la diminution des volumes consommés et donc facturés…
Sur une commune qui n’est pas dotée d’assainissement collectif, mais uniquement en ANC, on aura deux prix de l’eau : celui du logement doté d’un équipement réhabilité, et celui qui ne le sera pas, avec une servitude publique ou non. Avant d’acheter un logement, il faudra bien se renseigner !
C’est un nid à contentieux et cela déresponsabiliserait complètement les particuliers. De plus la création d’une servitude en domaine privé entraînerait immédiatement une moins value des parcelles, soit une source d’ennuis à l’infini au vu de la surface occupée par l’ANC.
Le projet d’André Flajolet ouvre un boulevard aux Trois Sœurs, car jusqu’à présent les SPANC étaient essentiellement des régies avec prestations. Le recours à l’affermage reste encore exceptionnel, sous forme d’avenant à un plus gros contrat d’eau potable ou d’assainissement collectif préexistant.
Aujourd’hui ce type d’avenant pose problème sous l’angle juridique : en effet ce marché de contrôle aménagé par voie d’avenant est un marché captif, sans véritable prestation intellectuelle et nécessitant peu de moyens, le tout avec une absence totale de risques d’exploitation. Ce type de DSP « étendue » pourrait donc valablement être déférée devant un Tribunal administratif.
On comprend donc bien la manœuvre : ce ne serait plus le cas demain avec l’entretien et la réhabilitation, que les petites collectivités en régie ne pourront plus gérer seules…
Et c’est un piège « à effet cliquet » car peu de particuliers peuvent payer 80% du prix d’un ANC sans subventions. Ce qui veut dire qu’on va demander bien moins (30 % ? ) et lisser le reste sur le prix de l’eau. Une fois dans le système, même si le fermier change, on ne peut plus en sortir car il faut bien continuer à rembourser les travaux, et donc lisser le coût sur le prix de l’eau…
Avec le projet Flajolet, le SPANC devient juge et partie, avec les risques de dérives inévitables : il fait le diagnostic, impose les travaux, les réalise, fait l’entretien, contrôle ce qu’il fait, et le particulier paye le tout sans sourciller. Terrifiant.
Au final, si l’idée d’un « service unifié de l’assainissement » peut à la rigueur être envisageable en milieu péri-urbain, doté d’un service d’assainissement collectif performant, là ou l’ANC reste marginal et ne concerne que quelques particuliers, la généralisation du principe en milieu rural aurait des effets catastrophiques.
De plus les enjeux de pollution et de salubrité ne le nécessitent pas. Sauf cas localisés, l’ANC n’est pas un problème environnemental. Sinon pourquoi l’amendement fixant une fréquence maximale de contrôle tous les 10 ans au lieu de 8 a-t-il été adopté ?
Accessoirement, si la collectivité opte pour un contrôle tous les 10 ans, Veolia vendra des contrats d’entretien des micro-step et filtres compacts directement aux particuliers, et sera tranquille pour 10 ans, sans que personne ne l’empêche d’assainir en rond, pour son plus grand profit.
Adresse aux élus : ce n’est pas parce que le dossier de l’ANC a été géré de manière calamiteuse depuis le début, qu’à la faveur d’un amendement de circonstance, la seule issue soit aujourd’hui d’offrir un marché de 20 milliards d’euros à Veolia, Suez et Saur…
Jamais sans doute pareil aveuglement n’aura prévalu. L’ANC ce sont 5 millions et demi de foyers, électeurs potentiels. De l’art de se tirer une balle dans le pied !
Lire aussi :
Assainissement non collectif (80) : la révolution du service unifié de l’assainissement
Les eaux glacées du calcul égoïste, 17 février 2010
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