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Gestion du SEDIF : le nouvel audit de Que Choisir
27 août 2008
par
- eauxglacees.comLe plus important syndicat des eaux français, qui produit et distribue de l’eau à plus de 4 millions de Franciliens, est entré dans une nouvelle zone de turbulences depuis que l’association de défense des consommateurs Que-Choisir a adressé le 2 juin 2008 aux 144 maires et délégués concernés de la banlieue parisienne une nouvelle analyse très critique des bénéfices colossaux que réalise Veolia, titulaire du contrat depuis 1923. Cette analyse n’avait dans un premier temps pas été rendue publique par l’association de défense des consommateurs, qui a engagé un dialogue avec plusieurs collectivités françaises, suite à ses enquètes retentissantes de 2006 et 2007 sur le prix de l’eau en France. Certains éléments de cet audit ont été rendus publics par le Canard Enchaîné le 18 juin 2008. La Coordination Eau Ile-de-France a pour sa part établi une synthèse de ce rapport que nous publions ci-après.
L’étude, qui a été adressée par courrier aux 144 maires et délégués du Sedif le 2 juin 2008 comprend 5 parties jointes à la lettre d’envoi :
– Le prix de l’eau.
– Les coûts du régisseur.
– Le renouvellement du contrat.
– Mutualisation de la production d’eau en Ile-de-France.
– Annexes :
– comptes analytiques du Sedif remis à Que Choisir ;
– feuille de référence des coûts d’entretien du réseau (étude ministérielle) ;
– note du Crédit agricole sur Veolia et le contrat du Sedif ;
– étude d’octobre 2007 de Que Choisir : Profits de l’eau, 2ème vague, conférence de presse du 29 octobre 2007.
Le courier d’envoi rappelle que le syndicat, et les collectivités qui le constituent, devraient statuer sur le future mode de gestion du Sedif en octobre 2008.
La dépense annuelle totale des usagers domestiques d’Ile-de-France, estimée d’après les états financiers remis par le Sedif à Que-Choisir en février 2008 est estimée pour l’eau et l’assainissement à plus de 300 millions d’euros pour le seul Sedif, soit 400 euros par ménage pour l’eau et l’assainissement, soit 190 euros/an par ménage pour le seul poste eau potable.
Que Choisir estime que « le budget engagé par le contrat de Veolia peut être au minimum diminué de 30%, soit une économie annuelle de 90 millions d’euros. D’un point de vue normatif, cette réduction peut aller jusqu’à 50% »
Que Choisir plaide par ailleurs pour une mutualisation de la production d’eau en Ile-de-France, en engageant notamment le Sedif et la ville de Paris à adapter les capacités de production à la baisse des consummations, qui se poursuit de manière accélérée depuis quinze ans.
Partie 1 : « Le renouvellement du contrat et l’organisation de la production d’eau »
Le prix de l’eau. Les coûts du régisseur :
Le contrat engage la quasi totalité des dépenses d’exploitation, soit 249 millions d’euros (60% du service), auxquels s’ajoutent pour 2006 51 millions d’euros de travaux.
Au total 300 millions d’euros, soit les trois quart des dépenses du Sedif.
L’analyse soutient que 61% du prix facturé n’est pas attribuable au coût estimé du service.
Le Crédit agricole confirme dans une note du 20 mai 2008 la très forte rentabilité du contrat de Véolia, soit un EBITDA* de 33 à 50% du chiffre d’affaires, alors que sur l’ensemble de l’activité de Véolia il était de 13.1% en 2007.
(EBITDA* : le résultat opérationnel courant avant amortissement n’est pas le profit net sur l’activité. L’EBITDA sur l’eau n’est pas disponible.)
Commentaire de Que Choisir : « Il apparaît indéniable que ce contrat du Sedif est une vache à lait pour Veolia ».
(Cette étude ne concerne pas les 100 millions d’euros d’investissements par le biais de marchés publics, certains pourtant très contestables à l’exemple des branchements plomb).
Cette marge peut s’expliquer par une rémunération trop forte du délégataire et des entreprises titulaires de marchés publics, ou par l’inefficacité économique du service, ou par non respect de la règle de l’équilibre financier au détriment du consommateur. Que Choisir rappelle les écarts de marge inexplicables qu’elle a établi dans ses enquêtes précédentes :
– Sedif : 61%
– Annecy : 0,1%
– Lyon : 56% (qui a obtenu une réduction de 17% du prix de l’eau en 2007).
Sur l’ensemble des villes étudiées, les marges s’établissent de 20 à 35%.
Que Choisir attribue un franc satisfecit pour les marges inférieures à 20%. Puis indique que le Sedif présente une structure de coût radicalement différente, que le rapport analyse de manière précise et détaillée, tout en soulignant son désaccord quand certaines lignes ne sont pas claires.L’étude prend en compte les postes :
– Production
– Stockage-reprise
– Distribution
– Gestion des abonnés
– Administration
– Fonctions diverses
Production : D’après le Sedif, elle occupe 200 personnes, alors que Que Choisir estime que 90 suffisent en se basant sur les effectifs de l’usine d’Anet-sur-Marne, elle aussi gérée par Veolia en region parisienne.
– économie possible de 5 millions d’euros.
Stockage-reprise : Ce sont les étapes intermédiaires entre la production et la distribution locale. D’après le Sedif, ce poste engage 14,4 millions d’euros de dépenses d’exploitation pour Veolia et 800 000 euros pour la structure interne du Syndicat, plus 37,7 millions d’euros d’amortissement. Le gros des dépenses d’exploitation concerne l’entretien, pour un montant de 10,5 millions d’euros.
Que Choisir demande des compléments d’information, car l’évaluation de ce poste est trop aléatoire et impossible à analyser précisément à partir des éléments fournis par le syndicat.
Distribution : Pour les postes détection et réparation de fuites, les comptes du Sedif font apparaître :
– des dépenses de personnel pour 36,1 millions d’euros ;
– des dépenses d’entretien pour 39,4 millions d’euros ;
Soit un total de 75,5 millions d’euros.
D’après les références du Ministère de l’écologie, pour l’entretien du réseau (détection et réparation de fuites), Que Choisir aboutit à une estimation de 11,9 millions d’euros, mais tient compte de l’environnement complexe du territoire du Sedif qui renchérit les coûts d’intervention, et des volumes consommés donnés par le syndicat, qui sont plus élevés que ceux retenus dans sa propre étude d’octobre 2007, et réévalue donc son estimation de ce poste à 22 millions d’euros. D’autre part, il subsisterait des interrogations sur l’entretien des compteurs.
Par conséquent l’économie demandée sur ce poste est de 40 millions d’euros.
Quant au poste “dépenses de personnel”, chiffré à 36,1 millions d’euros pour la partie “distribution”, il est injustifié pour Que Choisir.
Gestion des abonnés : Chiffres convergents du Sedif et de Que Choisir, qui se positionne ici prudemment :
Soit 25,1millions d’euros, dont 11,6 millions d’euros de frais de personnel.
Administration : Pour le Sedif, 25,4 millions d’euros, dont 3,1 millions d’euros pour sa structure interne : DRH, comptabilité-finances et services généraux.
Pour Que Choisir la masse salariale est démesurée et l’économie à réaliser sur ce poste est chiffrée à 5 millions d’euros.
Fonctions transverses : 6,5 millions d’euros pour le Sedif + 55,1 millions d’euros pour Veolia, dont 38,5 millions d’euros de rémuneration, soit son bénéfice officiel sur le contrat +16,6 millions d’euros “d’activités transverses.”
Incompréhension massive de Que Choisir sur ces 16,6 millions d’euros, dont :
– 4,6 millions d’euros de coût salarial (50 à 75 personnes), déjà comptés par ailleurs et inexplicables, puisque le Sedif assure déjà ces activités.
– 1,9 million d’euros de communication, alors que le Sedif fait apparaître ce poste pour 2,9 millions d’euros, et que c’est bien à lui d’assumer cette tâche.
– 6,3 millions d’euros de “frais de structure”, illustration caricaturale de l’opacité d’un contrat de délégation.
Ces lignes de “fonctions transverses”, qui n’ont aucune justification en terme
d’exploitation du service, représentent pour Que Choisir une sorte de “marge
arrière” pour Veolia.Seule ligne « admissible » : 3,7 millions d’euros de Recherche Développement, mais sans tenir compte de la vitrine commerciale et technologique que constitue le Sedif, dont se sert Veolia, notamment à l’étranger, sans rémunération en retour pour le syndicat.
Par ailleurs, la Chambre Régionale des Comptes d’ile-de-France a évalué que les produits financiers sur la trésorerie des comptes d’exploitation et réserves d’exploitation s’élevaient en 2000 à 2,74 millions d’euros.
En conséquence, sur la totalité des “fonctions transverses” Que Choisir demande une baisse de 12,9 millions d’euros.
Rémunération du régisseur : Si l’on ajoute ces 12,9 millions d’euros aux 38,5 millions d’euros qui apparaissent dans les “fonctions transverses”, la rémunération de Veolia atteint 51 millions d’euros, soit 15% du chiffre d’affaires.
De plus, dans son contrat le régisseur intervient sur certains travaux, principalement les canalisations et les branchements, pour 51 millions d’euros en 2006.
Sur une enveloppe financière globale de 301 millions d’euros, la rémunération de Veolia s’élève donc à 12,7%.
Si ce taux est considéré comme normal dans d’autres secteurs, Que Choisir l’estime exorbitant pour celui de l’eau, dans ce type de contrat sans risque pour le régisseur, s’appliquant sur une longue durée, et sans concurrence.
Que Choisir propose de fixer entre 5 à 7% de taux le profit acceptable, et chiffre donc l’économie sur ce poste “remuneration du délégataire” à 18,5 millions d’euros.
Travaux de Veolia sur le réseau (investissements) :
Que Choisir considère anormal qu’ils ressortissent d’un contrat de delegation, et demande qu’ils fassent l’objet de marchés publics.
Ces travaux portent en 2006 sur un montant de 49,4 millions d’euros pour le réseau, et de 2,2 millions d’euros sur la production et le stockage.
Ces 51 millions d’euros représentent le tiers des dépenses d’investissements du Sedif.
– Renouvellement des branchements :
Ce poste serait surévalué de 38 à 55%, estimation basée sur une comparaison des prix unitaires suivants :
– Sedif : 2776 euros
– Prix plafond de l’Agence Seine-Normandie : 1740
– SEP Gennevilliers : 1400
– Paris : 1200
– Branchements neufs chiffrés par Veolia à 3360 euros.
A l’instar de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui estime que les travaux de création ne coûtent pas plus chers que leur renouvellement, ce qui est aussi le cas de Veolia pour les canalisations, Que Choisir demande une baisse de 50%, soit 5 millions d’euros.
– Renouvellement de canalisations : manque de données, mais Que Choisir estime possible une économie de 2 millions d’euros.
Pour ce poste travaux, Que Choisir demande donc, au grand minimum, une réduction de 10 millions d’euros.
Au total l’organisation de consommateurs demande donc que près de 90 millions d’euros de “surprofits”, à ses yeux illégitimes, soient restitués, par le biais d’une baisse équivalente du prix de l’eau, à 4 millions de Franciliens.
NOTE : la diffusion par courrier le 2 juin 2008 aux 144 maires et délégués du Sedif de cette nouvelle analyse de Que-Choisir, que l’organisation de consommateurs a établi sur la base des données comptables que lui avait remis le syndicat en février 2008, lors d’une rencontre suscitée par M. André Santini, qui rompait brutalement avec l’ostracisme dont il accablait l’UFC depuis 2006, a évidemment suscité une réponse de Veolia et du Sedif.
Cinq pages recto-verso, titrées “Dossier Que-Choisir” juin 2008 : éléments de réponse”, qui commence très fort : “Ce document (…) ne peut être assimilé à un audit professionnel… Il relève plutôt d’un point de vue.
Et tout va bien sûr pour le mieux dans le monde merveilleux du Sedif et de Veolia, puisque tout est “conforme aux standards”.
Gageons donc que nous entendrons à nouveau sous peu parler de la lutte engagée par des élus et des usagers, mobilisés pour que le plus puissant syndicat des eaux français et européen retrouve à partir du 1er janvier 2011 une gestion 100% publique…
Lire aussi :
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