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Responsabilité environnementale : des avancées décisives

18 juillet 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale qui vient d’être adopté par le Sénat, consacre la possibilité, pour les collectivités territoriales, de se constituer partie civile dès lors qu’elles sont, directement ou non, victimes d’un dommage environnemental. Ceci, même en l’absence d’une action publique déclenchée au préalable par le Parquet. Si les députés adoptent à leur tour ce projet de loi avant la fin du mois de juillet 2008, l’avancée en matière de possibilités de recours pour les victimes d’un dommage environnemental serait réelle. Surtout que l’évaluation des dommages environnementaux progresse parallèlement, comme en témoigne une expérience novatrice, discrètement conduite en Alsace.



La Commission européenne venait, il est vrai, d’engager une nouvelle procédure contre la France pour non-respect du délais de transposition de la directive communautaire relative à la responsabilité environnementale, qui expirait le 30 avril 2007, ce qui explique
que ce projet de loi soit enfin débattu au Parlement...

Jusqu’ici réservée aux associations agréées et collectivités, soit propriétaires d’un bien affecté, soit exerçant sur celui–ci une compétence particulière relative à la protection de l’environnement, la constitution de partie civile ouvre désormais un champ plus large à toutes les collectivités victimes de près ou de loin de pollutions diverses, selon le principe consacré du "pollueur-payeur". 


Le texte consacre par ailleurs l’action en réparation des collectivités pour un dommage aux biens inappropriables (eaux, sols, espèces naturelles, etc.), indépendamment de toute atteinte aux biens ou personnes. 


On comprend dès lors pourquoi la France, par ailleurs, fait flèche de tout bois pour enterrer une « Directive sols », qui ouvrait d’intéressantes perspectives à cet égard...

Quoiqu’il en soit ces nouvelles dispositions pourraient représenter une avancée décisive, quant la définition même de l’évaluation de dommages environnementaux progresse conjointement.

Le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale adopté le 22 juillet 2008

Une expérience d’évaluation des biens et dommages environnementaux en Alsace

Mme Fabienne Keller, sénateur (UMP) du Bas-Rhin, par le biais d’une question écrite adressée à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie, et publiée dans le Journal officiel du Sénat du 2 aout 2007, attirait ainsi son attention sur l’expérimentation conduite par la DIREN Alsace, à travers l’exemple du Rhin, en vue de définir une méthode de travail pour l’évaluation des biens et dommages environnementaux dans la conduite des projets de développement.

L’intégration de l’environnement dans les choix économiques est en effet un principe clairement défini depuis le conseil européen de Göteborg, et plus particulièrement avec la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement introduite dans notre droit interne par l’ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004, ratifiée par la loi du 9 décembre 2004.

Le cadre juridique ainsi posé ne définit pas pour autant les outils méthodologiques permettant d’attribuer une valeur monétaire à des biens publics environnementaux. L’expérimentation alsacienne permettra peut-être de définir ces outils, poursuivait Mme Keller.

Consciente du grand intérêt de cette démarche, elle demandait donc à la secrétaire d’Etat de bien vouloir la tenir informée des résultats de cette expérimentation, et de la réflexion qu’elle entend mener à l’appui de ces travaux.

La réponse du secrétariat d’Etat chargé de l’Ecologie, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 29 novembre 2007, confirmait tout l’intérêt de cette expérimentation :

« Elle vise à mettre en oeuvre, notamment en termes d’analyse économique, les obligations découlant de la directive-cadre sur l’eau 2000/60/CE, de la directive « Plans et programmes » 2001/42/CE et de la directive « Projets » 2004/101/CE.

À travers l’exemple du Rhin et de la bande rhénane, il s’agit de s’interroger sur les conditions permettant une intégration optimale de l’environnement dans les projets, partant du principe que la question de l’équilibre durable de ce territoire invite à traiter de la valorisation des biens environnementaux afin de comparer ceux-ci aux avantages tirés des projets de développement économique.

L’objectif du comité de pilotage est de capitaliser un certain nombre de produits en vue de vulgariser l’utilisation de l’évaluation des biens environnementaux dans l’instruction et la prise de décisions relatives aux plans, programmes et projets.

En pratique, les produits visés sont des méthodes de valorisation environnementale et des références de monétarisation et d’utilisation de l’analyse coûts-avantages.

Afin de tester des solutions opérationnelles, les projets relatifs au développement durable de la vallée du Rhin font l’objet d’études spécifiques. Celles-ci sont soumises à l’analyse du comité de pilotage susvisé. Les sujets de réflexion qui ont été abordés et qui font l’objet d’un suivi et d’une évaluation par le comité de pilotage sont les suivants :

 premièrement, valeur économique de la restauration de l’île de Rhinau : l’agence de l’Eau Rhin-Meuse a réalisé en 2006 une étude visant à exprimer en euros l’intérêt, en termes de patrimoine écologique, de la restauration de l’île de Rhinau. Le but était de comparer les résultats au coût des travaux à mettre en oeuvre. Cette étude était fondée sur des enquêtes auprès de la population. Le comité de pilotage a analysé la méthode employée. Cela lui a permis d’identifier de bonnes pratiques à mobiliser pour la réalisation d’études d’évaluation économique similaires.

 deuxièmement, valorisation des biens environnementaux sur le Rhin et la bande rhénane et développement de plates-formes portuaires (projet de recherche de Voies navigables de France sur le développement d’un outil d’analyse coûts-avantages) : le comité de pilotage a instauré un procédé d’échanges itératifs entre les développements de la recherche et les attentes opérationnelles. Ce rôle d’interface assure une plus grande efficacité de l’utilisation des travaux de recherche pour la prise de décision.

 troisièmement, continuité écologique du Rhin : le comité de pilotage a procédé au recensement des informations de nature économique disponibles sur cette problématique environnementale. Il a notamment recensé les barrages dont les aménagements seraient les moins coûteux et les plus pertinents pour restaurer la migration des saumons (analyse coût-efficacité) et a dressé une première liste des études estimant la valeur que la population attribue à cette espèce, afin de comparer cet intérêt pour l’environnement aux coûts des aménagements (préparation de l’analyse coûts-avantages).

Cette démarche s’inscrit dans la durée et a vocation, chemin faisant, à associer d’autres services qui en exprimeraient l’intérêt.

L’ensemble des productions du comité de pilotage sera disponible sur un portail Internet tout début 2008. Par les liens qu’il créera, il associera tant les administrations et organismes de niveau national que les services et établissements concernés de la région Alsace. Il est destiné d’abord à un public d’élus et d’ingénieurs. Il aura aussi vocation à s’ouvrir au grand public. »

La valorisation des biens environnementaux sur le Rhin et la bande rhénane
Portail Evaluation économique des biens environnementaux

Marc Laimé - eauxglacees.com