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La chasse aux grands cormorans est (r)ouverte

3 novembre 2024

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Un projet d’arrêté fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans va justifier et augmenter considérablement l’abattage du grand cormoran sous la pression des lobbys de la pêche et de la pisciculture, en dépit d’un avis défavorable du CNPN (Conseil national de la protection de la nature).



Destruction jusqu’à 20% des effectifs, partout, jusqu’à fin avril, dans certains cas jusqu’à fin juin, autorisation de destruction de nids et d’oeufs ! Graves perturbations pour l’avifaune aquatique dans son ensemble si cet arrêté est pris !

Ce projet d’arrêté fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 08/11/2024, il est urgent de s’y opposer :

Le lien :

https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arrete-fixant-les-conditions-et-limites-a3088.html?debut_forums=3820#pagination_forums

Le lien pour l’avis du CNPN complet :

https://www.avis-biodiversite.developpement-durable.gouv.fr/08-octobre-2024-avis-cnpn-plenier-a432.html

dont les conclusions :

« - Le projet d’arrêté proposé apporte un certain nombre d’améliorations sémantiques (comme les « quotas » transformés en « plafonds »), et permet de répondre à l’injonction du Conseil d’État, tout en maintenant un cadre assez contraignant aux demandes dérogatoires sur les eaux libres, du moins en apparence.

 Cet arrêté ne traite pas le sujet par la bonne entrée, en faisant porter au Grand cormoran la responsabilité de la régression des espèces de poissons menacés dans les eaux libres.

 Cet arrêté entretien la confusion entre deux sujets : d’une part les piscicultures intensives, où le lien prédateur/poissons de production est assez facilement identifiable, d’autre part les eaux libres et les exploitations plus extensives où le Grand cormoran n’est qu’un maillon d’une chaîne trophique bien plus complexe que ne le laisserait supposer l’application de cet arrêté.

 Cet arrêté demeure très fragile sur l’interprétation que pourront faire les préfets de la notion d’impact « significatif avéré » des Grands cormorans sur les populations de poissons menacés, ainsi que sur la définition de la « proximité » des colonies identifiées comme proches de piscicultures.

 Le seuil de 20% des populations connues n’a pas de justification scientifique robuste et ne suit plus la méthodologie de fixation des quotas départementaux qui prévalait jusqu’en 2021 en fonction de l’évolution des effectifs recensés et qu’avait saluée le CNPN.

 Le projet d’arrêté ne rappelle pas que si les tirs de protection des piscicultures sur des sites particuliers peut être justifié, tous les recensements nationaux de grands cormorans hivernants ont démontré l’inefficacité des tirs en eaux libres pour réguler les effectifs à l’échelle départementale.

 La possibilité d’intervenir sur les colonies de cormorans situées à proximité des piscicultures extensives jusqu’au 30 juin est une porte largement ouverte à de lourdes dégradations pour l’avifaune aquatique dans son ensemble. Plus globalement, ces dispositions applicables en eaux libres sont préjudiciables à la faune sauvage de ces fleuves et rivières.

 La rigueur des recensements des cormorans en dortoir risque d’être fortement dégradée si l’action des associations naturalistes n’est pas confortée, ce qui pourrait conduire à ce que ces recensements ne soient vécus par les acteurs que comme des permis à détruire.

 Par définition, l’arrêté se focalise sur le Grand cormoran, mais du coup fait abstraction des autres facteurs de mortalité que rencontrent les poissons migrateurs menacés : les ruptures écologiques encore présentes sur les cours d’eau (des obstacles qui altèrent la fonctionnalité des écosystèmes aquatiques), l’impact catastrophique du silure sur les poissons migrateurs menacés et l’ensemble des communautés piscicoles, la gestion de la pêche du silure qui en favorise l’expansion et renforce son impact négatif, les pratiques autorisées de pêche de l’Anguille qui contribuent à son déclin massif, la diversité écologique amoindrie des cours d’eau, etc.

Le CNPN donne un avis défavorable (21 votants) au projet d’arrêté fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction de perturbations intentionnelles peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans (Phalacrocorax carbo sinensis). »

Marc Laimé - eauxglacees.com