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WATER#gate dans le Marais Poitevin
19 mars 2022
par
- eauxglacees.comL’information a fait l’effet d’une bombe. Du matériel de surveillance, dont une caméra et un relais radio de facture militaire, ont été découverts jeudi 17 mars 2022 à proximité immédiate du domicile de Christian Le Guet, père de Julien Le Guet, porte-parole et figure de proue du collectif « Bassines, non merci », mobilisé depuis des années contre l’inflation de méga-bassines destinées à l’irrigation dans les Deux-Sèvres et le Marais Poitevin.
Or des réunions du collectif se tiennent régulièrement à ce domicile, situé au lieu-dit Sevreau à Niort. Selon la presse régionale, c’est une connaissance qui a remarqué la présence d’une caméra devant la maison de Christian Le Guet et qui a attiré l’attention de ce dernier.
Une caméra, enfoncée dans le sol, est en effet implantée de l’autre côté de la route qui mène de Niort à Magné, protégée par une résille de camouflage, à l’angle d’un mur de clôture. La caméra est dirigée vers le portail d’entrée de la maison de Christian Le Guet.
© (Photo NR)
Un peu plus loin, dans un fossé qui longe le mur à l’extérieur, a été découvert du matériel de surveillance, dissimulé dans un sac poubelle et recouvert lui aussi par un filet de camouflage : deux boîtes en forme de mallettes en plastique noir, des batteries, et ce qui ressemble à un récepteur radio.
© (Photo NR)
Selon Ouest France, la caméra, sortant à peine du sol, est recouverte de ronces et d’herbe, reliée à un routeur Pepwave et à deux mallettes renfermant des batteries lithium de haute technologie étiquetées Accuwatt, dissimulées dans un fossé, sous une bâche et un filet de camouflage.
Accuwatt est reconnue dans l’étude et la conception de batteries communicantes (tous réseaux RS 485, LoRa, SigFox, 4G, 5G, Iridium) toutes technologies avec une compétence particulière pour les batteries lithium militarisées à destination des forces de police, gendarmerie et tous groupes opérationnels.
Il s’agit d’un fournisseur historique des ministères de l’Intérieur, de la Défense, de l’OTAN ainsi que des plus grands donneurs d’ordres civils de l’industrie française.
Filons la métaphore cinématographique. Ce dévoilement rappelle irrésistiblement la séquence d’ouverture d’Ennemi d’Etat, le grand thriller paranoïaque de Tony Scott avec Will Smith et Gene Hackmann (1999), (qualifié de film culte par Edward Snowden himself !), où des tueurs dévoyés de la NSA sont photographiés à leur insu par l’appareil à déclenchement automatique d’un naturaliste amateur, au moment où ils assassinent un politicien récalcitrant au bord d’un fleuve...
Julien Le Guet et son père Christian pointent aujourd’hui "des méthodes de barbouzes choquantes".
D’après Ouest France, "après avoir hésité à rapporter le matériel à la préfecture, le duo a finalement décidé d’aller installer le dispositif au bord de la Sèvre sur le canal TV Loutre…"
L’idée, ici, c’est qu’un matériel si performant va être pain béni pour les naturalistes !
Voir l’ITW video de Julien et de son père, filmée par le Courrier de l’Ouest :
(Nous suggérons à nos amis de BNM d’organiser un CAMERATHON à l’occasion du Printemps maraîchin, lors duquel le matos sera transformé en NFT, ce qui permettra de financer la résistance en bitcoins :-)
https://leclaireur.fnac.com/article/33350-la-folie-des-nft-expliquee-en-6-questions/
Interrogé par la presse sur les éventuelles suites judiciaires que comptait donner le collectif après cette découverte, et sur la légalité d’une telle surveillance, Julien Le Guet a indiqué vendredi 18 mars que " la question allait être mise à l’étude ".
Les premières réactions n’ont pas tardé comme le relatait la quotidien régional "La Nouvelle République" : "Vendredi après-midi, l’Union départementale CGT a dans un communiqué manifesté son soutien à Christian Le Guet. Le syndicat " dénonce et condamne cet espionnage contre des militants, indigne d’un Etat de droit, révélateur de la protection d’intérêts capitalistes et d’une surveillance organisée par l’Etat qui met à mal les libertés et qui témoigne d’un glissement progressif vers un néolibéralisme de plus en plus autoritaire. "
La députée des Deux-Sèvres, Delphine Batho, commente pour sa part : "Aucune entorse à l’Etat de droit ne peut être acceptée. " L’élue rappelle qu’elle a demandé la dissolution de la cellule Demeter, créée par le gouvernement en 2019, pour surveiller les activités d’opposants à certaines pratiques agricoles. Le tribunal administratif de Paris le 1er février 2022 a conclu que le " suivi d’actions de nature idéologique " ne peut relever des missions de la gendarmerie. " Je souhaite que ce jugement soit respecté dans les Deux-Sèvres comme dans toute la France ", ajoute la députée.
Des procédures sont toujours en cours à l’encontre de plusieurs militants pour des actes commis lors de la manifestation du 6 novembre 2021 sur le site de la réserve d’eau de Mauzé-sur-le-Mignon, la toute première à avoir été construite et qui, depuis, a été remplie.
Julien Le Guet lui-même avait été placé en garde à vue le 27 octobre dernier pour des propos tenus lors d’une manifestation le 22 septembre 2021. Il avait été interpellé pour "provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre un délit" avant d’être remis en liberté le même jour.
L’affaire intervient alors que les 25, 26 et 27 mars prochains Bassines, non merci ! organise une nouveau rassemblement contre le projet de stockages d’eau à usage agricole le long du bassin de la Sèvre niortaise. Evénement qui se déroulera à La Rochénard et auquel les opposants au projet aimeraient donner une ampleur nationale.
http://www.eauxglacees.com/Irrigation-pour-un-printemps
L’aveu
Dans un communiqué adressé le lundi soir 21 mars à la rédaction du Courrier de l’Ouest, la préfecture des Deux-Sèvres revient sur le matériel de surveillance découvert près de la maison du père du leader du collectif Bassines, non merci ! (BNM), à Sevreau, entre Niort et Magné.
Elle explique : "A la suite de la découverte de moyens de captation d’images appartenant à la police nationale sur la voie publique à proximité d’un lieu de réunion du collectif BNM, la préfecture a été informée ce jour (Ndlr : lundi 21 mars) qu’il s’agissait d’une installation déployée par les services de la police nationale afin de préparer la sécurisation de la manifestation des 25, 26 et 27 mars prochains."
La préfecture poursuit : "Ce dispositif par ailleurs posé dans le strict respect du cadre légal a été rendu nécessaire par l’implication du collectif BNM dans l’organisation de manifestations ayant entraîné de graves troubles à l’ordre public ces derniers mois dans le département des Deux-Sèvres et dans les départements voisins."
Un lobby tout puissant
Cette déplorable trouvaille - due au flair du chien d’un ami –, survient alors que le gouvernement à récemment réaffirmé - notamment par la voix de Julien Denormandie et à l’issue du « Varenne de l’eau et de l’Agriculture », une scandaleuse opération montée par le lobby agricole productiviste avec l’appui du Minagri - son soutien au modèle agro-industriel d’accaparement de l’eau.
Noter aussi que la toute nouvelle préfète (siloviki bien de chez nous), une proche du ministre de l’intérieur, refuse quant à elle depuis plusieurs jours la visite du Marais poitevin proposée par Bassines Non Merci pour pointer la dégradation des eco-systèmes et cours d’eau. « Elle s’est contentée de rencontrer les représentants des méga-irrigants, souligne le collectif. Il semble bien que le gouvernement ait pris la voie du tout-répressif pour tenter de dompter l’envol national de la contestation anti-bassines.
Il est vrai que le profil de la nouvelle représentante de l’Etat dans le département, ex-directrice adjointe du cabinet de Gérard Darmanin, nommée le 15 février dernier en conseil des Ministres, laisse songeur.
Un autre profil interpelle tout autant, celui d’Audrey Bourolleau, macroniste de la première heure, elle aussi née à Niort ( !)...
L’ancienne conseillère agricole du président de la République depuis 2017 a quitté l’Elysée pour fonder en décembre 2019, aux côtés de Xavier Niel, président du groupe de télécommunications Iliad, le campus agricole Hectar. Implanté dans les Yvelines. Un centre de formation qui prétend marier sur un même site agriculture, tech et formation à la reprise d’entreprise…
Or Mme Bourolleau vient de reprendre du service à En Marche et coordonne l’action du « pôle » agriculture du parti d’Emmanuel Macron dans l’actuelle non-campagne présidentielle…
"Au sein de l’équipe de campagne du candidat Macron, celle que La Revue du vin de France rêvait en « ministre » ou « secrétaire d’Etat » en 2017 est aujourd’hui accompagnée par une autre ex-lobbyiste : l’ancienne directrice générale de l’Association nationale des industries alimentaires, Catherine Chapalain. Deux mastodontes de l’économie française dont les intérêts dépassent ensemble les 220 milliards d’euros."
Quand on découvre qu’en 2022 le "vote agricole" pourrait être décisif, tout cela commence à faire sens :
https://www.telos-eu.com/fr/et-si-en-2022-le-vote-agricole-etait-decisif.html
Un contexte délétère
Plus largement l’affaire intervient dans un contexte... délétère.
Depuis plusieurs mois un grand nombre d’organisations dénoncent les menées de la cellule « Demeter », un partenariat noué entre la Gendarmerie nationale et la FNSEA, avec la bénédiction du gouvernement, dont les actions relèvent d’une stratégie de « contre insurrection », qu’on croirait issue en droite ligne des théories du colonel Trinquier élaborées durant la guerre d’Algérie, ou de l’école des Amériques de sinistre mémoire, au plus fort de la sale guerre yankee des années 70 contre les révolutionnaires guévaristes en Amérique Latine.
L’actuel secrétaire général de la Confédération paysanne, syndicat très engagé contre les mega-Bassines, a été agressé physiquement au récent Salon de l’Agriculture.
Il y a moins de quinze jours un mystérieux groupuscule anonyme revendiquait, tout aussi anonymement, le sabotage de deux bassines. Un parfum d’affaire de Tarnac...
Dans la foulée, la Coordination rurale, syndicat agricole « à la droite de la droite » invitait le 15 mars dernier ses adhérents et les maires des communes concernées à créer peu ou prou des milices de protection des bassines…
A ce stade, à l’instar de son collègue Darmanin, parachuté en Corse, avec "l’autonomie" en bandoulière, après la première séquence de Sébastien Lecornu en Guadeloupe, nanti des mêmes zakouskis, l’improbable arrivée sur les lieux (du crime) de Denormandie (aka "je me mouille quand il pleut"), un épi de maïs à la main, chuchotant "le protocole, le protocole", aux côtés de la préfète et du GIGN, franchement ça va pas le faire...
Dans un registre plus romanesque, il faut noter que Mathias Enard, prix Goncourt culte 2015 pour « Boussole » (Actes Sud), né à Niort, mettait en scène dans son dernier roman, « Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs » (Actes sud), David Mazon, un anti-héros apprenti ethnologue, thésard en cavale dans le Marais Poitevin, et y tombant amoureux de Lucille, une jeune maraîchère, mystérieuse activiste... engagée dans la lutte anti-bassines !
En l’état de quoi rendre chèvres les scénaristes des neo-polars ruraux qui réalisent des audiences-choc sur France Télévisions.
Bientôt un « Meurtres à Niort » en « prime-time » ?
Ca tombe bien, alors Conseil général, le département a réhabilité dans le courant des années 2000 une immense friche militaire en plein Niort, et y a aménagé dans un coquet pavillon une résidence d’hôtes, que nous avons partagée il y a une dizaine années, à l’occasion d’un colloque, avec le fondateur charismatique de « Terre de liens »…
La stratégie de la tension
Bon, çà ne s’arrange pas, on se croirait à Bologne dans les "années de plomb"...
On apprenait en effet le 22 mars (tout un symbole !), que la Préfecture des Deux-Sèvres interdit de manifester sur le territoire de plusieurs communes le week-end prochain, excipant d’une "radicalisation" du mouvement, et usant de qualificatifs ineptes, en criminalisant un mouvement qui se caractérise depuis l’origine par son caractère pacifiste...
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