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Pourquoi trouve-t-on des métabolites de pesticides dans l’eau potable ?
12 décembre 2021
par
- eauxglacees.comLe ministère de la Santé a récemment illustré le coupable laxisme de l’état, en réponse à la question d’une parlementaire qui l’interrogeait sur la
qualité de l’eau et la responsabilité des collectivités territoriales gestionnaires. Réduire la quantité de pesticides mis en vente ? Vous n’y pensez pas ! On va juste essayer de planquer la poussière sous le tapis...-La question écrite n° 24468 de Mme Florence Blatrix Contat (Ain - SER), publiée dans le JO Sénat du 23/09/2021 - page 5404 :
« Mme Florence Blatrix Contat appelle l’attention de M. le Premier ministre sur la difficulté pour les collectivités territoriales gestionnaires de la distribution d’eau d’assurer la conformité aux normes des agences régionales de santé (ARS).
L’eau est en effet l’objet de nombreux services (prélèvement, surveillance et traitements pour la rendre potable, distribution proprement dite…) qui relèvent pour une bonne part des collectivités territoriales.
Depuis la fin de l’année 2020, si les contrôles effectués par les ARS révèlent la présence au-delà de la limite réglementaire d’acide sulfonique du métolachlore (ESA métolachlore), l’eau peut alors être évaluée comme non conforme.
Dans le département de l’Ain comme ailleurs, les collectivités territoriales sont aujourd’hui particulièrement inquiètes de la présence de ce métabolite de l’herbicide S-métolachlore dans notre environnement et de ses conséquences dans le traitement de l’eau.
Les contrôles d’ores et déjà effectués mettent en évidence des dépassements réguliers des normes fixées.
Sans présenter pour l’heure de risque pour les consommateurs et leur santé, ces dépassements obligent néanmoins les collectivités territoriales à mettre en place rapidement un dispositif de traitement.
La limite de trois ans pour la mise aux normes apparaît de ce point de vue trop restrictive et peu réaliste quant à leur capacité d’investissement.
Au-delà du cas particulier du département de l’Ain, elle souhaite que le Gouvernement précise les dispositions qu’il entend prendre pour clarifier les responsabilités des différents acteurs et apporter son concours aux collectivités territoriales soucieuses de distribuer à ses usagers et concitoyens une eau parfaitement saine et de qualité. »
-La réponse du Ministère des solidarités et de la santé
publiée dans le JO Sénat du 02/12/2021 - page 6659 :« Dans le cadre du contrôle sanitaire de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) mis en œuvre par les agences régionales de santé (ARS), en application des réglementations européenne et nationale, les pesticides et leurs métabolites doivent être recherchés à la ressource et au point de mise en distribution.
Compte tenu du nombre élevé de molécules étant ou ayant été autorisées et utilisées ainsi que du nombre de résidus, il est nécessaire de cibler les recherches en fonction de la probabilité de les retrouver dans les eaux.
Cet exercice se fait au niveau local pour tenir compte du contexte et les listes des paramètres recherchés dans le cadre du contrôle sanitaire ont fortement évolué au 1er trimestre 2021 (mise à disposition d’une méthodologie de sélection fin 2020, renouvellement des marchés publics des laboratoires agréés pour réaliser ces prélèvements et ces analyses début 2021).
La conformité de l’eau distribuée est de la responsabilité des collectivités territoriales, comme prévu par l’article L.1321-1 du code de la santé publique. Ainsi, toute personne qui offre au public de l’eau en vue de l’alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, y compris la glace alimentaire, est tenu de s’assurer que cette eau est propre à la consommation.
Pour les métabolites de pesticides pertinents dans les EDCH tels que l’ESA-métolachlore, les règles de gestion en cas de non-conformité n’ont pas évolué dernièrement.
Les taux mesurés d’ESA-métolachlore étant supérieurs à la limite réglementaire mais demeurant cependant très inférieurs à la valeur sanitaire pouvant engendrer un risque sanitaire pour le consommateur, la consommation de l’eau n’entraîne, sur la base des critères toxicologiques retenus et en l’état actuel des connaissances, aucun effet néfaste pour la santé humaine.
L’eau non conforme sur le plan réglementaire peut donc être distribuée aux consommateurs dans un cadre dérogatoire et une période limitée (6 ans maximum) définis par arrêté préfectoral sous réserve du respect de cette valeur sanitaire individuelle et de la mise en œuvre d’actions préventives et/ou curatives (reconquête de la qualité de l’eau de la ressource, mise en place de traitements, interconnexion, etc.) permettant de revenir à une eau conforme.
La situation mise en évidence par les collectivités territoriales de l’Ain est le reflet d’une situation généralisée au niveau national notamment vis-à-vis des métabolites du S-métolachlore.
C’est pourquoi, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été mandatée pour un réexamen des autorisations de mise sur le marché des produits contenant du S-métolachlore.
Cette agence dispose des leviers juridiques pour modifier ou retirer ces autorisations lorsque l’utilisation des produits compromet les objectifs de la directive 2000/60 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.
De manière plus générale, la présence de pesticides et de métabolites de pesticides dans les EDCH impose une approche plus large et transversale afin de reconquérir la qualité de l’eau vis-à-vis des pesticides et de leurs métabolites. Aussi, les ministères chargés de la santé, de l’environnement et de l’agriculture travaillent d’ores et déjà conjointement à un plan d’actions.
Il a notamment été demandé à l’Anses de renforcer le rôle de la phytopharmacovigilance dans le suivi des impacts des produits phytopharmaceutiques sur les milieux, compte tenu de la possibilité que d’autres situations similaires soient rencontrées à l’avenir.
La filière des producteurs et des distributeurs d’eau est aussi mobilisée pour travailler sur les traitements ou les interconnexions pour améliorer, quand c’est possible, la qualité de l’eau distribuée.
Les producteurs de pesticides ont également été mobilisés pour fournir certaines données nécessaires à l’évaluation des risques.
Enfin, les ministères chargés de la santé, de l’environnement et de l’agriculture déploient et renforcent les outils disponibles pour reconquérir la qualité de l’eau et prévenir sa dégradation par les pesticides et leurs métabolites, dont les actions du plan Ecophyto 2+ et le Plan stratégique national (PSN), afin d’accélérer les bonnes pratiques agricoles et la transition agro-écologique. »
Lire aussi :
À Saint-Mayeux, petite commune sise au nord de la Bretagne, l’eau distribuée au robinet contient plus de pesticides que ne l’autorise la loi. L’alerte a été donnée à la fin du mois de septembre, après plus de trente jours de dépassement des seuils. Le coupable : une substance appelée « ESA-métolachlore », omniprésente dans les cours d’eau bretons. C’est un métabolite du « S-métolachlore », un herbicide fréquemment utilisé pour le désherbage du maïs. Mais qu’est-ce qu’un métabolite ?
– Enquête sur le fiasco du plan anti-pesticides
France Inter, 10 décembre 2021.
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