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Eaux glacées dans le collimateur du Siaap
16 mars 2018
par
- eauxglacees.comDe l’aveu même des grands opérateurs de l’eau et de politiques impliqués dans sa gestion, la séquence qui vient de voir Cash investigation et Le Monde, relayés par de nombreux medias (pas tous…) révéler des pratiques susceptibles d’être condamnées par la justice, qui diligente déjà plusieurs enquêtes, est un cataclysme. En termes d’image, de réputation du secteur, des conséquences à venir aux plans judiciaire et politique. Eaux glacées en a pris toute la mesure hier, au lendemain du tsunami, à la faveur d’une séquence qui s’inscrivait parfaitement dans la suite du polar narré par Cash investigation…
"Ce qui est terrible dans ce monde là, c’est que tout le monde a ses raisons." - La Règle du jeu - Jean Renoir -.
Nous avons reçu en effet hier peu avant midi un appel téléphonique intrigant. Notre interlocuteur, nous disant travailler pour une officine réalisant des recherches sur l’activité des acteurs économiques nous dit être mandaté par un client qui souhaite donc obtenir des précisions sur notre activité. Après quelques échanges, il apparait que notre interlocuteur souhaite surtout savoir si nous exercons des activités pour le compte “d’acteurs étatiques”…
Intéressant
Comme il semble assez peu probable,que cette prise de contact soit le prélude à un coup de téléphone de certain avocat et ancien ministre récemment cité dans les affaires qui nous préoccupent, et dont l’intervention nous rendrait subito presto millionnaire, il appert que nous devrions donc nous préparer à recevoir une assignation, surtout après que nous ayons pu vérifier que l’officine qui nous a contacté a son siège… à Décines, près de Lyon, mais est enregistrée (RCS), à Bobigny !
Bon, notre offre de preuves est déjà prête, et d’autres témoignages affluent. Wait and see.
Bon, nous ne sommes pas à Mokba en 1937, sinon c’était les corbeaux noirs de la Tchéka, direct à la Loubianka...
Top chrono !
A peine quelques heures avant la diffusion de l’enquête de Cash investigation, la Chambre administrative d’Appel rendait son jugement sur le recours qu’avait déposé le 30 novembre dernier le Préfet de la région Ile-de-France contre l’attribution par le Siaap à Veolia d’un marché lui confiant pour 12 ans la gestion de l’usine d’épuration de Valenton, dans le Val-de-Marne, la seconde plus grande unité de traitement du syndicat dans la région parisienne, après l’usine historique d’Achères, implantée dans les Yvelines.
Le préfet de la région d’Ile-de-France avait en effet déposé une requête le 30 novembre dernier afin de demander à la justice de suspendre la décision
d’attribution du marché."Le marché de Valenton (...) est suspendu par la cour d’appel
administrative de Paris, ce jour, au seul motif de l’existence d’une
prétendue « clause Molière »", réagissait Veolia auprès de l’AFP.Plusieurs articles du cahier des charges, dont un qui a été considéré comme
"clause Molière", disposition controversée exigeant que les ouvriers
parlent français sur les chantiers publics, auraient pu conduire à
l’exclusion de la participation à l’appel d’offres de candidats étrangers."Comme le tribunal administratif de Paris en novembre dernier, nous pensons qu’il n’en est rien et que cette consultation était largement ouverte à tout opérateur véritablement intéressé. C’est ce que nous ferons juger par
le conseil d’État dans les prochains mois", affirmait le groupe.L’ordonnance de la CAA ne relevait en effet que le moyen tiré de la "langue" :
"Considérant que le moyen tiré de la contrariété des dispositions de l’article 8.5 du règlement de la consultation, intitulé : « Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations », selon lesquelles : « La langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement », avec les libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la validité du contrat "
La Cour, dans sa grande sagesse (ou pusillanimité), s’est bornée à un unique moyen, ce qui est assez habituel dans une ordonnance de référé, car les juges travaillent… à l’économie de moyens.
Peut-être aussi certains des autres moyens évoqués par le Préfet (autrement sévères), recoupent-ils les investigations conduites par le Parquet national financier, ce qui éclaire aussi cette parcimonie, que d’autres observateurs qualifient de décision « toute politique »…
Veolia tire à boulets rouges sur Cash, France 2… et Suez
Is fecit cui prodest ?
C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier les réactions de l’une des parties au dossier.
Car, comme l’ont relayé de nombreux medias, Veolia a vivement réagi aux accusations de France 2 dans son émission Cash Investigation.
L’entreprise a ainsi commenté en direct l’émission sur Twitter et mis en doute l’impartialité de Cash Investigation sur ce sujet. “Dans l’émission du 13 mars 2018, Veolia est citée 24 fois, la SAUR 67 fois. Suez est cité 4 fois”, pouvait-on lire sur son compte.
Plus tard Veolia précisera même qu’à période équivalente le chiffre d’affaires de Veolia au Siaap se chiffrait à 700 millions d’euros, alors que celui de Suez dépassait les 1 milliard 200 millions d’euros... Ce qui éclaire crument les enjeux pour les deux rivaux.
Le groupe aurait trouvé une explication à ce fait : “Madame Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, siège au Conseil d’administration de Suez depuis 2012. Elle est également présidente du Comité d’Ethique et développement durable et membre du comité d’audit et des comptes de Suez”, a ainsi déclaré la multinationale française, estimant que l’émission, “étonnement”, ne s’était “pas attardée” sur son concurrent direct et numéro deux mondial de l’eau. En d’autres termes, Veolia sous-entend un conflit d’intérêts.
Elise Lucet, en plateau, au terme de l’émission, donnera d’ailleurs lecture d’un très bref extrait du courrier adressé par Laurent Obadia, le responsable de la communication de Veolia, à la chaïne.
Et l’histoire est loin d’être finie, car en l’état nul ne sait ce qui va se passer le 1er avril prochain. Le contrat que détenait Suez pour l’exploitation de l’usine de Valenton s’achève à cette date. Le Siaap a déclaré qu’il saisissait lui aussi le Conseil d’état, comme Veolia, et qu’il allait étudier les suites à donner à la situation concernant la continuité du service public à Valenton à partir du 1er avril.
Suez va s’efforcer de faire passer un avenant au contrat actuel. Dans pareils délais et sous l’égide de la nouvelle directive concession, on peut légitimement augurer de quelques difficultés… Pouvant être source de nouvelles procédures en justice.
Nimes : le grand déni
Sur l’autre front ouvert par le reportage de Cash Investigation, à Nimes, la séquence rebondit avec une contre-attaque à la hache de Saur, qui laisse pantois.
On se souvient en effet de la prestation époustouflante de M. Piednoël, communicant en chef de Saur, littéralement laminé par Elise Lucet, au point de finir par s’enfuir après avoir consulté sa montre en prétextant une réunion…
A sa décharge, il faut savoir qu’il y a encore six mois, M. Piednoêl officiait à la SNCF, avant que de rejoindre le bateau ivre de la Saur, dont le P-DG vient de s’octroyer une augmentation de 30%, tout en annonçant 130 licenciements, prélude à la vente de la Saur en octobre prochain.
Adoncques, notre Monsieur Piednoël, au lendemain de l’ouragan, s’en va raconter dans les colonnes d’Objectif Gard et du Midi Libre que l’entreprise est victime d’un véritable complot, qu’il n’y a jamais eu de fuite, que tous les propos tenus dans l’émission sont d’abominables menteries, etc., etc.
Une hallucinante pièce d’anthologie à savourer comme elle le mérite, tant notre communicant déraille en live :
– « Y a pas de fuite… »
Et pourtant, l’homme avait de la bouteille. Un sous-marin de Suez pour couler la Saur et la racheter moins cher à la sortie ?
http://www.saur.com/wp-content/uploads/2017/05/CP_Nomination_Christophe_Piednoel_mai-2017.pdf
– L’Agglo et la Saur douchés par Cash investigation
http://www.midilibre.fr/2018/03/15/nimes-l-agglo-et-saur-douches-par-cash-investigation,1640618.php
Et ce n’est pas fini, ce matin c’étaient les anciens maires de Nimes qui reprenaient l’antienne dans le Midi Libre, avant que le président Lachaud (avec qui ils sont à couteaux tirés), au retour d’un déplacement dans le Sud est asiatique, ne tienne une conférence de presse cet après-midi…
- Nice Métropole conteste l’enquête de Cash investigation
- La Chambre régionale des comptes réfléchit à lancer une enquête sur la gestion de l’eau et de l’assainissement de l’agglomération nîmoise
Et dès lors, Saur montre les dents, racontant littéralement n’importe quoi, as usual... :
http://www.saur.com/wp-content/uploads/2018/03/CP_Cash_Investigation_Nimes_14032018.pdf
Et ça continue !
Le 07H50 Spécial Cash Investigation : la journaliste de l’émission répond à Nîmes Métropole - Objectif Gard.
Investigation “choc” et dissonance cognitive
Pour le reste nous avons aussi enregistré nombre de réactions qui ne manquent pas d’intérêt.
Un fonctionnaire : « Avec le focus sur Nîmes et le Siaap, on avait deux gros sujets, mais ce ne sont que deux collectivités sur les 30 000 qui exercent ces compétences, même si elles sont en passe d’être divisées par dix au travers de la loi NOTRe. Même si ces sujets sont révélateurs, ça permet mal aux téléspectateurs de fonder un jugement éclairé sur la problématique au niveau national, qui existe pourtant mais pas forcément sous ces formes Pour le reste, on n’avait pas de scoop, puisque tout était sorti avant. »
Un technicien : « Du côté des élus et des services, du moins ceux que je connais, leur premier retour, c’est que si l’angle d’attaque est bon pour faire sortir des scandales, ce n’est pas révélateur des petits et moyens scandales à l’échelle nationale, or, à mon sens, la somme de ces derniers procure davantage de rentabilité aux groupes privés que les grosses affaires qu’évoquait l’émission. »
Un directeur de service : « Ce qui m’embête là c’est d’entendre "Saur et Veolia sont des pourris". Ce n’est pas exhaustif à mon sens et je me demande donc à qui profitera ce reportage dans le privé ! Dommage collatéral peut-être mais qui aurait pu être désamorcé d’emblée par un troisième exemple chez Suez. Là, çà fait causer, et çà discrédite en partie le reportage car aux yeux du grand public çà finira à mon avis en « Tous pourris », Cash compris. »
Une universitaire : « Bien sur on ne peut pas tout traiter en un seul documentaire, j’en suis consciente, mais je suis déçue par l’angle d’attaque.
Rien (très peu) sur la porosité public-privé qui à mon sens est le gros problème. Rien sur comment faire à l’avenir pour assurer un meilleur service ? Rien sur le lobbying du privé pour la création de SEMOP… En d’autres termes, pendant qu’on attire l’attention du grand public, usagers, institutions, élus, associations de consommateurs, etc.) sur deux services sur 30 000 en France, on ne met pas en évidence les manoeuvres actuelles du privé pour préserver sa rente… »- eauxglacees.com