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Ne plus mourir des métaux lourds, par Denise Schneider (*)
20 novembre 2015
par
- eauxglacees.comDes années 70 à l’aube des années 2000, des intoxications massives au métaux lourds et au plomb, provenant des rejets d’installations industrielles ont tué des centaines de personnes en France. Les tragédies de Bourg Fidèle (Ardennes), de Noyelles Godeault (Pas-de Calais), tuent encore aujourd’hui des enfants gravement intoxiqués par ces rejets qui restent présents dans tous les compartiments de l’environnement. A Villefranche-sur-Saône, à Toulouse, dans le Loiret, à Bruxelles..., les métaux lourds continuent aussi à tuer, dans l’indifférence générale. Présidente de l’association qui obtint la reconnaissance du drame en 2001, quand le Tribunal de Paris sanctionna l’affaire de Bourg Fidèle, Denise Schneider lance un vibrant appel afin que l’on ne meure plus des métaux lourds.
« La majorité des enfants de Bourg Fidèle soumis aux analyses de plombémie sanguine, étaient, en 2002, sans exception, victimes d’intoxication saturnine (Rapport CIREI). Ces enfants n’ont fait l’objet d’aucun suivi sérieux depuis lors…
La situation des générations antérieures et postérieures est identique : mêmes risques pour les enfants exposés. Au final, des centaines de victimes - enfants et adultes - de pathologie saturnine.
De nouvelles valeurs seuils indiquant un risque de contamination par le plomb et les métaux lourds ont été proposées ces dernières années, mais elles ne sont pas encore prises en compte par les ex-DDASS, à présent Agences régionales de santé (ARS).
Ces recommandations s’inscrivent dans un plan de « ré-évaluation » des données pour les valeurs seuils en général : sols, poussières, végétaux, sang, eau… concernant tous les métaux lourds incriminés.
Le risque saturnin si minime soit-il, existe dès que le taux seuil de zéro est dépassé pour les sols en fonction du comportement et de la durée.
L’ARS Champagne Ardennes a publié récemment ses recommandations de prévention sanitaire pour le village sur le site industriel de Bourg Fidèle, contaminé gravement par l’activité de l’établissement Métal Blanc, spécialisé dans le traitement de batteries au plomb et autres composants métalliques.
Mais ces directives sanitaires appelées “recommandations”, telles que spécifiées pour Bourg Fidèle, mais aussi par exemple pour le site du Loiret, à Outarville et Bazoche, ne sont que des rudiments d’assistance, pour les personnes concernées.
Nous souhaitons que soit officialisée la démarche initiée par l’ARS en Rhône-Alpes, qui a abaissé le seuil des plombémies à12 µg/l, car il est toujours aussi difficile d’obtenir ces documents.
Notre association est confrontée à une sorte de rétention, d’autant plus que les mairies ne sont pas formées, il faut se rendre sur place, et pratiquer des photocopies, si toutefois les documents sont disponibles.
Car toutes les régions atteintes sont concernées. Dans certains cas, des modifications d’urbanisme ont été imposées aux collectivités, comme dans le Pas de Calais, sur le site Métaleurop de Noyelles-Godault (45 km² atteints, sur trois communes).
Que faire, comment alerter, comment défendre une population urbaine menacée ? L’heure est venue de lever les derniers tabous.
Mais une nouvelle enquête épidémiologique - au moins pour les enfants -, sera-t-elle prise en compte par l’ARS, si nous divulguons nos récentes découvertes ? L’ARS va-t-elle analyser les poussières du domicile de la personne atteinte ?
Dans ce contexte, après quelques années, les habitants ne bougent pas non plus, par lassitude, et parcequ’ils sont désinformés.
Or la baisse des taux de plomb et autres toxiques dans les sols est impossible. L’ARS soutient que les taux dans les sols sont “stables”. C’est encore impossible, à cause du cumul des métaux toxiques.
La Gendarmerie nationale a trouvé des taux importants de manganèse dans une gouttière d’eaux de pluie, sans compter les rejets aqueux... Davantage encore de manganèse que de nickel ! Or l’ARS et ses responsables du Génie sanitaire n’ont jamais entendu le mot “manganisme”.
Dans les Ardennes, alors que le Génie sanitaire de Rhône-Alpes indique qu’il faut abaisser le seuil des plombémies à 12 µg/l, une étude épidémiologique nous a été refusée, au motif que les plombémies seraient “satisfaisantes”...
Omerta, incompétence et inertie
S’agissant de santé publique et de dégâts environnementaux, les victimes des métaux lourds ne sont pas prises en compte, pour des raisons d’omerta, d’incompétences, d’inertie.
Aujourd’hui, une jeune femme résidant à Toulouse présente des analyses réellement alarmantes, s’agissant des taux de cadmium et de nickel urinaire, à l’état naturel, donc, sans injection de chélateur dans le sang.
Toulouse possède une usine de recyclage de batteries et autres déchets. La ville Rose compte au rang des 5 à 6 sites français concernés.
Tant que les riverains ne lanceront pas l’alerte, Toulouse sera rongée en silence par les mêmes toxiques que ceux qui minent les malades chroniques des sites similaires.
La jeune femme de Toulouse est inapte au travail, et souffre tellement qu’elle envisage le suicide.
D’autres toxiques encore interfèrent dans son cas, comme pour nous à Bourg Fidèle.
Moi aussi, j’ai envisagé le suicide, lors des pics des années 1999-2000.
Il faut retenir que les brins d’ADN sont brisés par le cadmium, et que les métaux toxiques rentrent dans le noyau de la cellule, suite à leur liposolubilité.
Deux très grandes villes ne sont pas encore défendues contre les méfaits d’usines obsolètes comme celle de Métal Blanc à Bourg Fidèle dans les Ardennes : Toulouse (usine STCM) et Bruxelles (usine FMM).
Nous savons déjà que Bruxelles est gravement touchée, constats d’huissier et analyses de sols à l’appui.
Combien de temps encore, pour aborder les fléaux des métaux lourds et des métaux toxiques ?
Pour reconnaître les malades chroniques, dans l’ensemble réduits au silence ?
Notre immense dossier est à la disposition des instances officielles, qui ne nous ont pas entendu, et à celle des journalistes.
Il est temps par ailleurs que l’Institut national de la veille sanitaire (INVS) fasse la différence entre un empoisonnement chronique et une “allergie”, terme commode pour se voiler la face.
Les fiches toxicologiques du CNRS sur le cadmium, le nickel, le manganèse... sont éloquentes. Mais ne semblent pas consultées par les fonctionnaires concernés.
La vérité, nous ne pourrons l’appréhender que dans l’écoute, le respect, la recherche européenne, puisque les toxicologues-médecins ont disparu, sauf à la CNAM. »
(*) Denise Schneider, présidente de l’association Protection défense de l’environnement de Bourg Fidèle (Ardennes).
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