Eaux glacées publie le témoignage d’un fonctionnaire, soumis à l’obligation de réserve, mais qui a souhaité réagir à nos derniers billets sur l’affaire du barrage, contesté, de Sivens.
« La face cachée de l’iceberg, ce sont tous ces hauts fonctionnaires très actifs et très discrets dans les coulisses. Les hommes politiques ne pourraient rien sans ces fonctionnaires.
"Le contenu de l’étude d’impact est considéré comme très moyen, au-delà de la stricte question des solutions alternatives. Par exemple, l’impact sur le régime hydraulique du cours d’eau en aval de la retenue est décrit assez sommairement."
Le problème, ce n’est pas que l’étude d’impact soit bidon, elles le sont toutes par construction, et tout le monde s’en tape, ministère compris, puisque c’est le pétitionnaire qui choisit et paye son bureau d’étude. On surnomme d’ailleurs en interne les études d’impact des "Cherchez l’arnaque"...
Le problème, c’est que les autorisations administratives aient été données malgré une étude d’impact bidon. C’est là qu’il faudrait creuser, dans la distribution et le bidonnage des dossiers et/ou des "avis favorables".
Aller fouiner dans les services de la Préfecture, police de l’eau et autres, les DREAL, MISEN et autres, les conseils départementaux d’hygiène (CDH), etc.
Est-ce que tous les services avaient émis un avis favorable ? Qui a instruit ce dossier « loi sur l’eau » sans demander que l’étude d’impact soit refaite avant de prendre sa décision ?
Car Manuel Valls, Ségolène Royal, le gouvernement tout entier nous racontent d’énormes craques : « Seul le Conseil général du Tarn, maître d’ouvrage (quand ce n’est pas « maître d’oeuvre » !), peut annuler le projet… »
Et l’Etat, il ne siège pas au Conseil d’administration de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, qui est réputée financer 50% d’un projet de 8 millions d’euros, avec les "redevances" des Agences de l’eau, et donc de l’argent public, prélevé sur les factures d’eau acquittées par les seuls usagers domestiques, qui financent ainsi sans le savoir, contraints et forcés, les projets de barrages délirants du Parti du maïs ? L’Etat, il ne peut pas ordonner au directeur de l’Agence, nommé par le gouvernement et révocable à tout instant, ça s’est vu, ici à Adour Garonne, comme ailleurs, d’arrêter le massacre, simplement au vu d’un dossier de demande de subvention totalement bidon ?
Et l’Etat, il ne peut pas ordonner à la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG) d’arrêter les frais, sauf à lui couper les financements de l’Agence française de développement (AFD), qui subventionne aussi d’autres interventions calamiteuses de la CACG, qui sévit aussi, en ce moment même, en Afrique, dans des projets d’irrigation ni faits ni à faire ?
Le Parti du maïs et le Lobby de l’eau
Et l’Etat, il laisse le Conseil général du Tarn engager des travaux de destruction massive de la zone humide, dès le lendemain de l’annonce d’une mission d’expertise diligentée par Ségolène Royal, alors que les recours déposés par les opposants ne sont pas jugés, que les "experts" ne rendront leur rapport qu’un mois plus tard, et qu’on découvrira ensuite que ces travaux dévastateurs, qui vont être à l’origine des manifestations lors desquelles Rémi Fraisse trouvera la mort, ont réduit à néant les prétendues "mesures de compensation" préalablement validées par tous les services de l’Etat qui ont examiné le dossier...
Travaux destructeurs et non compensation - Le Monde, 03-10-14
"L’Etat profond" à la Française...
L’affaire de Sivens ce sont aussi, et surtout, les intérêts locaux bien compris qui se dissimulent en milieu rural derrière des structures gigognes poursuivant quatre objectifs principaux : la spéculation immobilière, le verrouillage de l’accès à la terre, la priorité donnée aux pratiques d’agriculture intensive et le partage des marchés publics. Voir l’affaire Xynthia, les réactions violentes du président de la FNSEA cette semaine dans l’affaire du barrage (les « djihadistes verts »), et la multitude d’exemples de financement local direct ou indirect, légal ou occulte, de l’activité politique.
Ce sont les notables locaux, professions libérales, élus consulaires et membres des clubs locaux d’influence, (avec le rôle majeur du Crédit Agricole...) qui, principalement, modèlent l’opinion.
Ils sont eux- mêmes à la fois acteurs et otages d’un écheveau de services, d’accès privilégié aux informations assurant une solidarité sans faille entre les membres de ce pouvoir local réticulaire, omniprésent et inamovible dans les instances locales publiques et para publiques : HLM, Collectivités locales diverses, SAFER, commissions et comités consultatifs des préfectures, et dans les cercles de concertation qui assurent l’homogénéité des pratiques politiques : ordres et syndicats professionnels, Rotary, Lyon’s, syndicats, associations diverses et même parfois dans le secteur caritatif... de bon ton.
Tout ceci se recoupe avec les partis politiques, mais plus encore les domine, les partis se préoccupant peu de politique économique ou sociale locale puisqu’ils sont devenus les outils d’ambitions individuelles en quête d’une assise élective locale, assurant la notoriété et les moyens d’un appareil pour fonder une carrière politique qui ne s’entend principalement qu’à l’échelon national.
Et à cette aune l’avenir sera tout sauf radieux : la suppression des Conseils généraux va provoquer le transfert de l’essentiel de la réalité de leurs pouvoirs aux "métropoles", institutions encore plus opaques, encore plus clientélaires, encore plus perméables, soumises aux intérêts privés plus puissants, plus urbains, plus centralisés, ceux des « partenariats public-privé », qui achèveront de balayer ce qui demeure d’une action publique sans cesse mise à mal par les odes à la "modernité"...
Tous les fonctionnaires en police de l’eau connaissent les cas de collègues qui, ayant refusé d’émettre un "avis favorable" au massacre d’une petite rivière par une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), ont été démis de leurs fonctions sur le champ, alors que leurs arguments techniques étaient en béton et qu’ils se sont révélés exacts par la suite, quand l’avis favorable a été émis par des arrivistes sans scrupules sur une étude d’impact bidon.
Et ne parlons pas du scandale énorme des avis "réputés favorables" ! Il suffit à l’Etat d’affecter de moins en moins d’agents à la police de l’eau, comme c’est le cas depuis la RGPP et la MAP. Ils n’ont pas le temps d’analyser toutes les études d’impacts ICPE, et comme au CDH (CoDERST maintenant), "Sans réponse dans le délai imparti, l’avis est réputé favorable"... Ce n’est pas pour rien que la ressource en eau et la biodiversité sont à présent complètement dégradées et qu’il y a des pollutions accidentelles !
Mais c’est pas grave puisque les travaux des mêmes brillants sujets, qui ont inventé le mantra "Eviter, réduire, compenser", grâce au transfert d’un demi-crapaud, de trois libellules et de deux ombellifères dans un fossé à quinze kilomètres de la zone de guerre permettront de poursuivre les hostilités..."
Car, comme le souligne la FNSEA dans une Lettre ouverte datée du 29 octobre 2014, et titrée "Halte à la manipulation", "(...) L’heure est grave. Et si à chaque construction pour du mieux, à chaque projet pour avancer, les activistes sont là, la FNSEA, elle, sera toujours du côté de ceux qui innovent, bâtissent et progressent".