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Manuel Valls, l’eau et le loup...
24 octobre 2014
par
- eauxglacees.comA l’occasion d’un déplacement éclair en montagne, dont les medias n’ont évidemment retenu que l’anecdote qu’il y dormirait une nuit dans un chalet d’alpage, le Premier ministre annonçait le 17 octobre, lors du congrès annuel de l’Association nationale des élus de montagne (ANEM), dont Laurent Wauquiez était élu le même jour président, qu’il acceptait sa demande de « valorisation de l’apport de la montagne dans la fourniture en eau de la nation… ». Un véritable schisme, et une bombe à retardement qui, associés à d’autres évolutions (Gemapi, protection des captages…), et à l’heure où les Agences de l’eau viennent de célébrer leur 50ème anniversaire (nous y reviendrons), augurent de la fin du modèle de « l’eau patrimoine commun de la nation » géré, par subsidiarité, par « les acteurs de l’eau » au sein des Agences et des Comités de bassin.
Nous empruntons à Bernard Barraqué la référence incontournable, qu’il nous a rappelée à l’occasion, à la « régulation croisée » de Crozier pour éclairer ce qui suit.
Appliquée au domaine de l’eau, la régulation croisée c’est l’entente entre l’Etat, id est les préfets, et les grands feudataires, id est les élus locaux, et leurs puissantes associations, qui décident et tranchent, en toute entente oligarchique, d’orientations capitales qui échappent totalement au contrôle, et de la représentation nationale, et des corps intermédiaires, sans même parler du citoyen…
Ici, dans son discours de Chambéry, la « modernité » de Manuel Valls, appliquée au domaine de l’eau, c’est un néo-blairisme radical-cassoulet…
Le Parti de la neige, et du ski, et du business des remonte-pentes, et du saccage des ressources en eau dans toutes les Alpes (retenues collinaires, neige artificielle …) s’inquiète, à juste titre, et des perspectives de l’impact, beaucoup plus rapide que prévu, du réchauffement climatique sur les dividendes de l’Or blanc, et des mesures drastiques qui vont devoir être prises pour préserver tout l’éco-système aval du château d’eau alpin : l’hydro-électricité, le couloir de la chimie, le refroidissement des centrales nucléaire, l’irrigation agricole jusque dans les Basses Alpes, et bien sur l’approvisionnement en eau potable jusqu’à la Méditerranée, voire jusqu’à Perpignan comme en rêvaient les cinglés d’Aqua Domitia, jusqu’à ce que le conseil scientifique d’EauRMC n’apporte un coup d’arrêt à leurs délires néo-franquistes…
Le MEDEF local est aux abois. La réforme de la PAC a fait disparaître les subventions à l’élevage en montagne, la baisse drastique des dotations de l’Etat aux collectivités locales menace durablement les différentes rentes qui prospéraient dans le secteur depuis des lustres…
Or, puisque l’Etat n’est plus rien, puisque l’économie est tout, et doit prospérer sur les « territoires » et y faire germer la « croissance verte », le New Public Management va fondre sur la montagne, et y « gouverner à distance les territoires », grâce à l’activisme politique d’acteurs privés qui vont réorienter des secteurs d’activité entiers, illustrant le rôle pris par des professions intermédiaires dans la formulation des commandes publiques.
D’où l’entente Wauquiez-Valls scellée à Chambéry pour “valoriser l’apport de la montagne dans la fourniture en eau de la nation… »
Le gouvernement à distance des territoires
Violemment remontés contre la tournure que prenait la réforme territoriale, avec la suppression envisagée des départements, les « élus de la ruralité » ont obtenu un certain nombre de concessions, confirmées lors des deux congrès organisés coup sur coup à la mi-octobre : celui de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), les 16 et 17 octobre à Chambéry, suivi de celui de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), les 18 et 19 octobre, à Nohant-Vic (Indre).
Ceci en pleines "Assises de la ruralité" lancées il y a un peu plus d’un mois par Sylvia Pinel, la ministre du Logement, de l’Egalité des territoires et, depuis le dernier remaniement, de la « Ruralité ». Comme le réclamaient les élus ruraux depuis deux ans...
Pour séduire le "Parti de la montagne", le gouvernement avait mis les petits plats dans les grands, avec pas moins de trois ministres qui accompagnaient Manuel Valls à Chambéry. Il y confirmait le scénario en trois cas de figure présenté lors de son discours de Fère-Champenoise (Marne), le 12 septembre, pour le lancement des assises : fusion du département dans la métropole selon le »modèle lyonnais », fédérations d’intercommunalités là où ces dernières sont fortes, et enfin, maintien d’un conseil départemental en milieu rural, gage accordé à l’ineffable président du PRG, qui venait de menacer dans un grand sketch à la Feydeau de « quitter la majorité »…
Le Premier ministre proposait à Chambéry de « combiner le nouveau seuil [de 20.000 habitants pour constituer une intercommunalité] avec des critères de nombre de communes ou de densité démographique ». Compte tenu de la faible densité démographique de leur territoire, les élus de montagne s’inquiètent de devoir constituer de vastes ensembles pour atteindre ce seuil, en dépit des réalités de terrain (relief, enclavement…).
« 20 000 habitants n’est pas un seuil réaliste », insistait Laurent Wauquiez, l’ancien ministre du gouvernement Fillon, député-maire du Puy-en-Velay, qui a été élu président de l’Anem le vendredi 17 octobre, succédant à la députée de l’Ariège (PS) Frédérique Massat.
Les spécificités de la montagne, qui se traduisent dans plusieurs domaines comme les indemnités compensatrices pour handicaps naturels en matière agricole, devraient enfin être réactualisées : Manuel Valls annonçait en effet à Chambéry accepter l’idée de préparer une nouvelle loi Montagne pour rénover un texte qui date de 1985. Tâche qui incombera au Conseil national de la montagne. Le chantier, mis à l’ordre du jour des Assises de la ruralité, constitue un changement de pied radical (cassoulet) par rapport à Jean-Marc Ayrault qui y était défavorable.
Le « Parti de la neige » obtient la révision du calendrier des vacances scolaires
»Les déclarations du Premier ministre ont diminué les inquiétudes que nous avions aujourd’hui, même si celles-ci n’ont pas totalement disparu », déclarait le président de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM).
Pour ces stations, les dispositions prévues dans le cadre de la réforme territoriale posent de sérieux problèmes, que ce soit le nouveau seuil de 20 000 habitants pour l’intercommunalité, la disparition programmée des conseils généraux en 2021, ou le passage de 22 à 13 régions.
»Nos territoires sont vastes, avec peu de population. Avec la réforme, ils vont être sous-représentés par rapport à la puissance qu’ils représentent, » expliquait Charles-Ange Ginesy, en marge du congrès de l’ANEM.
Pour régler cette difficulté, le Premier ministre a proposé de combiner le nouveau seuil avec des critères de nombre de communes ou de densité démographique. Il avait proposé la semaine précédente de donner aux commissions départementales et aux préfets de département un pouvoir de modulation du seuil.
Une disposition qui sied au président de l’ANMSM. »La montagne, les stations d’hiver, les territoires ruraux avaient besoin d’adaptation à leurs spécificités locales, » souligne-t-il.
Autre source de satisfaction : la révision du calendrier des vacances scolaires, considéré comme un handicap pour les stations de montagne. La ministre de l’Education nationale refusait d’y toucher, alors que les acteurs de la montagne réclament des vacances de printemps moins tardives, et l’instauration d’un zonage en cas de raccourcissement des vacances d’été, pour ne pas pénaliser l’emploi et l’activité.
»Le Premier ministre demande à Najat Vallaud-Belkacem de rouvrir le dossier et de rentrer dans la négociation », affirmait Charles-Ange Ginesy, insistant sur le discours »pro-montagne » de Manuel Valls.
« Valoriser les châteaux d’eau de la nation »
"Comment comprendre qu’un habitant de montagne vaille deux fois moins en termes de DGF qu’un habitant de ville ?", déplorait Laurent Wauquiez à Chambéry.
Dans un contexte de réduction drastique des dotations, le gouvernement s’est montré prêt à faire un effort dans ce domaine : le projet de budget pour 2015 prévoit une augmentation de 78 millions pour la dotation de solidarité rurale (DSR), ainsi qu’une augmentation de 210 millions d’euros du fonds de péréquation intercommunal et communal (Fpic) l’an prochain, même si la répartition de ce fonds est vivement critiquée.
« Nous demandons que, dans les dotations d’Etat, soient valorisés les efforts des bassins versants qui apportent leur eau », demandait Laurent Wauquiez au Premier ministre. "La montagne est l’avenir de la France", lui répondait Manuel Valls en acceptant cette demande de « valorisation de l’apport de la montagne dans la fourniture en eau de la nation… »
Un schisme
Ainsi demain, arguant du rôle éminent de la montagne dans la fourniture en eau de la nation, le gouvernement accepterait de bonifier la Dotation globale de fonctionnement (DGF) qu’il accorde aux collectivités locales montagnardes ?
Oui. Marylise Lebranchu, interrogée à l’Assemblée par le député (PRG) de la 2ème circonscription des Hautes Alpes Joël Giraud, vice-président du Conseil régional PACA, le jeudi 22 octobre 2014 (à 15h08), lui confirmait que le Gouvernement étudie la bonification de la DGF pour les « m2 précieux » de montagne : terres agricoles, parcs naturels, captages d’eau potable…
Une mission d’information parlementaire a été confiée pour ce faire à une députée socialiste et au sénateur Dallier (UMP) de la Seine Saint Denis, ça le changera du Grand Paris…La fin des Agences de l’eau
Aujourd’hui des « signaux faibles », mais demain, qu’on y songe :
• l’Aquataxe GEMAPI, une recette de 600 millions d’euros prélevée sur 17 millions d’usagers ;
• la compétence de protection des captages autoritairement conférée aux communes comme le souhaite le MINAGRI ;
• l’instauration de mesures récursoires qui verront les amendes d’origine communautaires infligées à la France pour non application des directives (nitrates, DERU, demain DCE…) devoir être payées par les collectivités locales…
Au final la péréquation financière qui est le réacteur nucléaire du modèle agences va être supplantée par une parafiscalité nouvelle. Les Agences n’y résisteront pas.
Le loup
Manuel Valls a également apporté son soutien aux éleveurs face à la présence du loup : les décrets d’application de la loi d’avenir sur l’agriculture, promulguée la semaine dernière, devront »faciliter le travail des préfets », a-t-il dit à Chambéry. Dans les endroits particulièrement exposés, la loi autorise les éleveurs à abattre des loups dans des "zones de protection renforcée" délimitées par les préfets pour une durée d’un an maximum.
Manuel et le loup : « Pas de flou. Tuez-les tous ! »
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