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Pesticides dans l’eau : les graves défaillances de l’IRSTEA

22 novembre 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Dans une publication de décembre 2012, les scientifiques de l’Irstea (ex-Cemagref) présentent une nouvelle méthode d’évaluation de la contamination des eaux de surface par les pesticides. Selon Eau-Evolution, le site de référence créé par Anne Spiteri dont Eaux glacées a publié un témoignage accablant sur la réalité de l’état des eaux et des données sur l’eau, cette méthode évacue la problématique de ce type de pollution aussi grossièrement qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.



« C’est un véritable massacre à la tronçonneuse de l’évaluation des cocktails de pesticides, des faibles concentrations, des concentrations élevées, de la représentativité, de la toxicité potentielle, de l’incertitude analytique ou de la diversité des substances et de leurs produits de dégradation ! Le peu qui est évalué l’est de façon peu satisfaisante et très limitée.

La méthode proposée dans cette publication Irstea 2012 reste très similaire et du même niveau que celles des publications de l’IFEN et du SOeS :

 même utilisation (que ce soient des moyennes, des maximum, des taux de quantification, des centiles 90 ou des taux de concentrations supérieures à 0,1 µg/L) d’indicateurs simplistes et inadaptés à l’évaluation de la contamination réelle globale par les pesticides et de ses tendances,

 même façon de forcer les calculs malgré des données non représentatives de la contamination réelle (fréquences insuffisantes, LQ trop élevées et variables, périodes mal mesurées, panels de substances et cocktails mal mesurés, etc.),

 même façon de forcer les calculs malgré des échantillons de stations non représentatifs sur le plan hydro-spatial.

Cette méthode ne permet qu’un point de vue réducteur sur la contamination et se révèle juste bonne à enfoncer des portes ouvertes. Elle ne permet pas de décrire la contamination réelle globale et encore moins de dire si cette contamination s’améliore ou s’aggrave. Elle ne répond pas aux enjeux ni aux besoins en matière d’information publique dans ce domaine. De plus, le principe de regrouper les données n’a rien de nouveau et s’est toujours heurté à l’évaluation de la représentativité hydro-spatiale, point méthodologique crucial que la publication Irstea n’a étonnamment pas traité. Bien qu’elle le prétende, la méthode proposée ne peut absolument pas fournir une base aux politiques publiques qui nécessitent une description rigoureuse et complète de la contamination.

Pire, elle apporte de fait une caution scientifique à une surveillance chimique des pesticides qui est complètement défaillante et décalée.

On attendait d’une publication scientifique et technique soit qu’elle propose une méthode sérieuse, soit qu’elle démontre, en s’appuyant sur les méthodes d’analyse mathématique modernes, que les données brutes publiques ne permettent pas d’évaluer sérieusement la contamination réelle des eaux par les pesticides ni la toxicité potentielle qui en résulte.

Pourquoi cette publication d’un Etablissement public scientifique et technique annonce-t-elle une méthode qui n’en est pas une et qui ne peut que retarder une fois de plus la mise en place d’une surveillance chimique sérieuse et en rapport avec la contamination délétère occasionnée par ces substances en France ?

Depuis une quinzaine d’années que les mesures des pesticides dans les eaux ont commencé, les simulacres de résultats d’analyses de pesticides, les simulacres de protocoles de mesures de ces substances dans les eaux, les simulacres de méthodes d’évaluation de la contamination des eaux par ces substances, les progrès indispensables mais vainement attendus lors des mises en place de l’Ifen, puis de la DCE, du SOeS, du Système d’information sur l’eau et de l’Onema… ça commence à bien faire !

Avec cette énième publication sur le sujet, il semble désormais qu’il n’y ait plus aucun doute possible quant à l’absence de volonté durable des pouvoirs publics de connaître sérieusement (surveillance et méthode d’évaluation) la contamination réelle des eaux et des milieux aquatiques par les pesticides, que l’argent public soit gâché en analyses et évaluations bidons, et que la ressource en eau patrimoniale soit purement et simplement livrée aux pollueurs. »

Lire l’étude d’Eau-Evolution :

- Information ou désinformation sur l’état des eaux (5) : une publication Irstea de décembre 2012 massacre la description de la contamination par les pesticides.

Marc Laimé - eauxglacees.com