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Qualité de l’eau potable : le scandale sans fin d’Eurofins
25 mars 2013
par
- eauxglacees.comL’une des deux multinationales qui trustent désormais le colossal marché des analyses de la qualité de l’eau potable effectuées en France pour le compte du ministère de la Santé, à raison de 7 millions d’analyses par an, voit enfin ses pratiques dénoncées par l’Etat qui a trop longtemps fermé les yeux sur le véritable dévoiement d’une mission de sécurité sanitaire primordiale, désormais allotie… aux appétits des actionnaires d’Eurofins, qui vient de surcroît de s’installer il y a six mois au Luxembourg à des fins d’optimisation fiscale. Le récent scandale des « lasagnes de cheval roumain » vient aussi d’apporter de nouveaux éclairages sur le scandale Eurofins…
Le rapport de la DGS qui est à l’origine de l’affaire renvoyait à un audit conduit par le COFRAC l’éventuel renouvellement de l’accréditation du laboratoire de Maxéville, au sein duquel de très nombreux dysfonctionnements avaient été identifiés.
L’audit COFRAC s’est tellement mal déroulé que l’accréditation sur la chimie organique demeure suspendue… dans l’attente d’un nouvel audit…
Une information confirmée par Libération dans une brève en date du 20 mars 2013 :
« Le site de Maxéville (Meurthe-et-Moselle) du leader mondial de la bioanalyse n’est plus en mesure de conduire des tests de pesticides ou de rechercher les composés organiques présents dans l’eau, selon le Cofrac, organisme chargé de l’accréditation des laboratoires français, qui a mené un audit à la demande de la Direction générale de la santé. (…) Un nouvel audit devrait être conduit dans les prochaines semaines. »
Dans une autre enquête, titrée « Agroalimentaire, l’analyse fait recette », publiée par le même quotidien Libération, dans son supplément Ecofutur, daté du lundi 18 mars 2013, enquête malheureusement réservée aux abonnés, la problématique de fond que nous avons déjà développée à maintes reprises trouve un nouvel écho :
Vers un oligopole de l’analyse ?
(…)
« Les questions portent plutôt sur la grande responsabilité laissée aux entreprises via les autocontrôles. Personne ne les conteste en soi - Findus a montré leur efficacité -, mais certains demandent un renforcement des contrôles officiels, tel le président (PS) du Conseil général de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet. Il entend surtout sauver « l’expertise publique et indépendante » des 75 laboratoires départementaux, menacée selon lui par le dumping des grands labos privés.
Sans le collimateur, Eurofins, success story nantaise : créée en 1987, cotée en bourse en 1997, la multinationale est désormais basée au Luxembourg, compte 13 000 salariés et 170 labos dans 34 pays, et pèse plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires (qu’elle prévoit de doubler à l’horizon 2017), dont 40% dans l’analyse alimentaire.
En France, le groupe a profité en 2006 – tout comme un autre acteur de l’analyse, Carso -, de l’ouverture à la concurrence de l’analyse de la qualité de l’eau pour attaquer ce marché avec des prix agressifs, mettant à genoux certains labos départementaux (dont l’eau était auparavant une prérogative).
« Les tarifs de 2013 sont au moins de 50% moins élevés que ceux de 1992 », affirme Bruno Caroff, directeur de l’Idac à Nantes (un des plus grands laboratoires départementaux), qui, pour résister, réfléchit à des groupements avec ses pairs des départements voisins.
Philippe Grosvalet en appelle donc au gouvernement, craignant de voir se renforcer un oligopole non seulement dans l’eau (avec Eurofins et Carso), mais aussi dans l’analyse alimentaire (avec Eurofins et Silliker), voire bientôt dans la santé animale. Au détriment, estime-t-il, de la qualité (…), et surtout au risque de voir certaines analyses de santé animale peu rentables (petits volumes, autopsies) abandonnées dans certaines zones, faut(e de laboratoires publics de proximité. »
La sécurité sanitaire indexée aux cours de Bourse ?
Dans un encadré d’un article titré « la Dépression des fraudes » que le Canard enchaîné a dédié dans son édition du mercredi 20 mars 2013 au véritable démantèlement de la répression des fraudes mis en œuvre ces dernières années via la RGPP, nous retrouvons… Eurofins !
« Miser sur le bon cheval :
Début février, alors que la France est saisie de tremblante devant ses lasagnes au canasson, Eurofins Scientific, leader mondial, coté en Bourse, de l’analyse agroalimentaire, cravache sec.
Le 13 février, surfant sur l’actualité, le laboratoire déclare « intensifier les tests sur la viande » ? Riche idée ! De nombreuses sociétés alimentaires affirment qu’elles vont volontairement multiplier les contrôles. Résultat immédiat, l’action Eurofins frétille. Le 18, le groupe annonce le lancement d’un test spécifique de détection de viande de cheval. Bien joué ! L’action grimpe encore. Près de 10% en une semaine.
« Bonne orientation du titre », relèvent pudiquement les marchés. D’autant que, répondant à l’opinion publique, qui redoute la présence de médicaments dans les steaks, le laboratoire déclare être « le seul » à pouvoir fournir une analyse couplée viande de cheval/anti-inflammatoires.
Le 25 février, des rumeurs courent sur la nourriture donnée aux poissons. Qu’à cela ne tienne ! Trois jours plus tard, Eurofins annonce toute une gamme d’analyses qui leur seront spécialement consacrées.
Depuis janvier, le titre Eurofins a bondi de 19%, et le groupe envisage tranquillement de « doubler sa taille en cinq ans ». De quoi réjouir ses actionnaires, qui ont rendez-vous, le 16 avril, au Luxembourg pour leur première assemblée générale depuis le déménagement de leur siège social nantais dans le Grand-Duché.
Ils vont analyser la traçabilité du secret bancaire ? »
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- eauxglacees.com