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Du Conseil Supérieur de la Pêche à l’ONEMA… une maladie française ?
5 mars 2013
par
- eauxglacees.comConflits d’intérêt, népotisme, trafic d’influence, tutelles évanescentes… Le scandale de l’Onema trouve ses fondements dans la résistible faillite du CSP, un organe dont la Cour des comptes avait prédit, dans un précédent référé, que sa « transplantation » au sein du nouvel office créé par la LEMA de 2006 était porteuse de risques majeurs. L’avertissement est demeuré sans effet, jusqu’au scandale d’aujourd’hui. Un témoin nous rappelle la genèse de cette affaire.
Le Conseil Supérieur de la Pêche (CSP), établissement public financé à l’origine par la taxe piscicole (réglée par les pêcheurs lors de l’acquisition de leur carte de pêche), puis par des subventions d’équilibre croissantes d’année en année consenties par l’Etat – en quasi faillite et dont la gestion souffrait de nombreux dysfonctionnements – a été absorbé à compter de l’année 2007 par un nouvel établissement financé pour l’essentiel par les Agences de l’Eau : l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA).
Ce nouvel établissement étant sensé favoriser la disparition des dérives précédemment constatées, mais aussi de constituer le bras armé de l’Etat dans sa politique de gestion et de police de l’eau.
L’ONEMA devait également permettre de développer une connaissance scientifique des milieux aquatiques à la disposition de l’Etat et du public, qui devait notamment être mise en œuvre dans le cadre du Système d’Information sur l’Eau (SIEau).
En dépit de ces grandes ambitions affichées, l’ONEMA semble en réalité avoir succombé à ses vieux démons, le scandale révélé en Une du journal Le Monde (édition des 3 et 4 février 2013) ayant été confirmé par la publication du rapport définitif de la Cour des Comptes le 12 février dernier.
Le Président de la Cour des Comptes, M. Didier Migaud, a annoncé à cette occasion que la Cour de Discipline Budgétaire et Financière était saisie de certains des faits relevés parallèlement à une transmission aux services du Procureur compétent ; parallèlement, une plainte pénale était déposée par le Syndicat National de l’Environnement entre les mains du Procureur de la République de Créteil.
Compte tenu de ces évènements, un retour instructif sur la situation passée de l’ex Conseil Supérieur de la Pêche, met de manière intéressante en lumière la récurrence des dérives relevées dernièrement dans la conduite et la gestion de l’ONEMA.
Loin d’une amélioration pourtant signalée comme une note d’espoir à la fin de chaque inspection, la situation ne semble avoir fait qu’empirer.
Le CSP avant la LEMA du 30 décembre 2006
Comme tout établissement public, le Conseil Supérieur de la Pêche a fait l’objet de divers audits menés par la Cour des Comptes.
Le dernier en date, portant sur les exercices 1991 à 1998, a fait l’objet d’un rapport d’information parlementaire présenté par Monsieur Philippe Adnot, et annexé au procès-verbal de la séance de la Commission des Finances, du Contrôle Budgétaire et des comptes économiques de la Nation du 4 juin 2003.
La lecture de ce rapport – librement consultable sur internet (http://www.senat.fr/rap/r02-327/r02-327.html) – permet de faire ressortir un certain nombre de dysfonctionnements et de dérives qui ont contribué à la disparition du Conseil Supérieur de la Pêche et à la création de l’ONEMA :
– En termes financiers, le rapport sénatorial relevait les points suivants :
o La Cour des Comptes, dans son rapport portant sur les exercices 1991 à 1998, « avait souligné les nombreuses carences du fonctionnement de l’établissement, qu’il s’agisse des frais de déplacement et de réception, de la gestion du parc automobile, de la passation des marchés publics, les règles de mise en concurrence étant mal respectées, ou encore du système informatique »,
o Jusqu’en 2001, le Conseil Supérieur de la Pêche a méconnu ses obligations fiscales relatives à la taxe sur les salaires, conduisant à un règlement en 2002 de 2 millions d’euros d’arriérés,
o « Les frais de déplacement des gardes-pêche ont également posé problème, puisqu’il était le plus souvent impossible de vérifier la réalité des déplacements effectués, faute de document en dressant l’état. L’absence de pièces justificatives impose donc de se fier aux seules déclarations des bénéficiaires. Ces frais de déplacement ont ainsi été considérés par la Cour des Comptes comme des rémunérations accessoires »,
o « L’examen des dépenses de fonctionnement a fait apparaître de fâcheux errements tels que le paiement de frais de déplacement fictifs et la mise à la charge de l’établissement de frais d’assurance d’un véhicule utilisé à des fins personnelles dont peut être tenu directement responsable le directeur administratif et financier, principal bénéficiaire de ces avantages indus », aucune poursuite disciplinaire n’ayant toutefois été engagée à l’encontre de cette personne,
o Au cours des exercices 1991 à 1998, la Cour des Comptes avait relevé « l’état prévisionnel des recettes et des dépenses présenté au Conseil d’Administration et à l’approbation des tutelles s’est révélé systématiquement fictif, le direction se bornant, de son aveu même, à actualiser le budget primitif précédent », le rapport sénatorial concluant à ce sujet « Il semble donc que les conditions de l’équilibre financier de l’établissement aient été faussées de manière délibérée. Dès lors, le budget du CSP a longtemps revêtu un caractère peu fiable et en grande partie insincère »,
o Une envolée des dépenses, celles votées étant passées de 47,10 millions d’euros en 1998 à 58,85 millions d’euros en 2003 (progression : 25 % en 6 ans), tandis que les dépenses exécutées passaient de 41,05 à 54,03 millions d’euros sur la période 1998 – 2002 (soit une hausse de 31,6 % en 6 ans),
o Conséquence de la mauvaise gestion relevée, du tassement des recettes liées à la taxe piscicole et de l’envolée des dépenses, la subvention annuelle de l’Etat – via en grande partie le Fonds National de Solidarité sur l’Eau/FNSE – avait dû passer de 8,69 millions d’euros en 1999 à 20 millions d’euros en 2003.
– En termes de gestion du personnel, les points suivants étaient relevés :
o Faute d’une maîtrise suffisante, les dépenses de personnel étaient passées de 26,56 à 34,50 millions d’euros sur la période 1998 à 2002, soit une augmentation de près de 30 % en 5 ans en masse financière, et de 10,5 % du personnel à missions quasiment constantes et alors que le nombre de pêcheurs (qui finançaient alors le CSP) baissait d’environ 10,5 % sur la même période,
o Le coût du passage aux 35 heures hebdomadaires était chiffré à 2,34 millions d’euros par an sans que le risque d’une baisse de la présence des gardes sur le terrain ne soit complètement écartée,
o Les « confortables habitudes » du Conseil Supérieur de la Pêche étaient dénoncées, de même que l’existence d’une tutelle ministérielle éthérée, le manque de leadership des organes de direction…
En résumé, se trouvaient ainsi pointées du doigt la gestion financière désinvolte du CSP, tant dans la gestion des salaires, primes et indemnités de déplacement réglées sans justificatif, que dans l’établissement de prévisions budgétaires systématiquement et délibérément faussées, conduisant à une situation de quasi dépôt de bilan.
Ceci sans que jamais – semble t’il – aucune poursuite n’ait été exercée.
De même était pointée du doigt une gestion du personnel laxiste et déconnectée des ressources réelles de l’établissement.
Or, en dépit de la gravité de ces dysfonctionnements et de la sévérité des critiques formulées à l’époque tant par la Cour des Comptes que par le rapport parlementaire du Sénat, la plupart de ces travers peut être retrouvé – 10 ans plus tard – dans le rapport de la Cour des Comptes rendu public le 12 février 2013.
Preuve s’il en fallait qu’une certaine forme de continuité entre le Conseil Supérieur de la Pêche et l’ONEMA a manifestement été assurée, mais pas forcément là où elle pouvait être attendue… »
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