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Scandale à l’ONEMA (8) : l’aveu
1er février 2013
par
- eauxglacees.comLe ministère de l’Ecologie vient de reconnaître officiellement ce que nous dénonçons depuis plusieurs années : l’ensemble du dispositif français de production de données publiques sur l’eau est vérolé de A à Z ! C’est par le biais d’une circulaire diffusée le 31 décembre 2012 (non publiée au JO !) que la vérité commence enfin à se faire jour. Et l’aveu est extraordinaire : en l’état l’ensemble du dispositif français de surveillance hydrobiologique de la qualité des eaux est totalement inopérant !
Cette révélation est une véritable bombe à fragmentation : les réseaux de mesure hydrobiologique sont la poutre maîtresse du système de surveillance de la qualité des eaux.
Les données qui en sont issues sont au fondement du « rapportage communautaire », par lequel la France rend compte à la Commission européenne de l’avancement des programmes de reconquête de la qualité des eaux, à laquelle nous astreint la Directive-cadre européenne sur l’eau (DCE), du 23 octobre 2000, transcrite en droit français en 2004.
La DCE nous engageait donc à « reconquérir un bon état écologique et chimique de toutes les masses d’eau » à l’horizon 2015. On savait déjà que cet objectif est repoussé à 2021 et 2027, par le biais de « dérogations », qu’il va falloir justifier…
Mais il y a mieux, comme il va être établi sous peu que les données publiques officielles qui rendent compte de la qualité des eaux sont… intégralement « pipeau », c’est tout le dispositif de la DCE qui va être mis en péril.
En effet, depuis l’origine, notamment par le biais de plusieurs marchés « d’assistance » impartis successivement à l’Office international de l’eau (OIEau), et au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), - deux organismes qui vont être eux aussi sévèrement éclaboussés par le Rapport de la Cour des comptes sur le scandale de l’ONEMA, qui sera rendu public le 12 février prochain -, la France a été le grand « architecte technique » de la DCE… La France, dont les données publiques sur la qualité de l’eau, on va enfin pouvoir le vérifier officiellement sous peu, sont donc totalement « pipeau »…
Plusieurs évaluations récemment effectuées par le gouvernement français ont prudemment évalué le montant de l’amende que la CJCE pourrait infliger à ce titre à la France à… plus d’un milliard et demi d’euros !
On comprend dès lors le recours à l’odieux outil de la TVA pour apurer la facture, sauf qu’il est absolument scandaleux d’imaginer voir l’état imputer à l’usager de l’eau, via sa facture, le règlement de ces dévoiements qui signent par ailleurs une faillite totale des différentes tutelles abusées, à l’insu de leur plein gré, par l’oligarchie de l’eau.
Une circulaire en forme d’aveu
C’est notre amie Anne Spiteri, débarquée de l’ex-Institut Français de l’Environement (IFEN), en 2007, pour avoir refusé, sur ordre express de sa hiérarchie, de truquer le bilan national officiel « Pesticides » de 2006, qui a révélé sur son site Eau-évolution, l’aveu énorme, si bien tardif, que représente la parution de la « Circulaire hydrobiologie » diffusée le 21 décembre 2012 par le ministère de l’Ecologie :
« La "Circulaire du 31 décembre 2012 relative à l’organisation et aux missions des laboratoires d’hydrobiologie en DREAL" apporte encore une preuve des manquements de l’Etat (évaluations de l’état des eaux erronées et incapacité à réagir aux crises sanitaires), ainsi que de la nécessité d’avoir une vraie surveillance patrimoniale des eaux en particulier pour les contaminations chimiques :
Cette circulaire reconnaît en effet, presque 13 ans après la mise en place de la DCE, que la compétence centrale pour la politique de l’eau, à savoir l’expertise sur l’état biologique des eaux est encore « en construction », et donc les données brutes d’hydrobiologie qui vont avec !
L’Etat ne pouvait pas ne pas le savoir depuis le début. Alors « tel est pris qui croyait prendre » ?
En effet, si une mauvaise surveillance des contaminants chimiques (limites analytiques trop élevées, nombre de substances surveillées, fréquences des mesures et périodes mesurées insuffisantes, etc.), conduit à embellir l’état chimique des eaux "tout va bien, dormez bien", une mauvaise surveillance biologique conduit au contraire à le dégrader, avec les conséquences financières et de sanction que l’on sait : schématiquement, quand, à cause d’une recherche mal faite, il manque une substance chimique, et surtout une substance toxique d’autant plus difficile à mesurer qu’elle est peu concentrée, l’état chimique est surévalué ; mais quand il manque une espèce biologique et surtout une espèce polluo-sensible, l’état biologique est dégradé, ou alors il faut surévaluer un peu plus les notes attribuées par les indices biologiques…
Quelques extraits :
"Compte tenu des engagements européens d’appliquer la directive cadre sur l’eau (DCE), l’État a besoin de disposer d’une compétence propre dans ce domaine pour poursuivre et améliorer son action. La perte de cette capacité aurait en effet comme corollaire un risque important de dégradation de la qualité de la donnée produite, et un risque d’augmentation en conséquence du coût des programmes de mesures DCE et du risque de contentieux."
"La directive-cadre européenne sur l’eau (DCE) impose aux États membres des exigences radicalement nouvelles dans le domaine de la biologie des milieux aquatiques, sur les plans scientifiques et de la fiabilité des informations à fournir. Assise sur des objectifs de résultats, la politique de l’eau a désormais comme indicateur central l’état biologique des eaux qui nécessite une expertise spécifique, par ailleurs indispensable pour réagir aux crises, sanitaires ou biologiques, affectant les cours d’eau et les plans d’eau."
"Ce domaine de compétence, relativement récent, est cependant encore en construction puisqu’il nécessite le développement de méthodes et d’indicateurs permettant d’analyser de manière fiable et routinière à très grande échelle l’état biologique des masses d’eau sur différents compartiments (invertébrés, poissons, phytoplancton et autres flore aquatique) et de manière adaptée aux différents types de milieux comme demandé par la directive."
(Il est en effet encore gravement « en état de construction », comme va l’établir la révélation par la Cour des compters des turpitudes de l’ONEMA ! – Note EG).
"De cette compétence dépend largement la capacité de la France à répondre aux exigences communautaires en matière de mise en œuvre de la DCE et à se défendre en cas de contentieux. Elle est également garante de l’allocation efficace des moyens du programme de mesures pour la détermination du juste niveau d’effort pour atteindre le bon état, et éviter ainsi le surinvestissement dans des actions inutiles, mal ciblées ou trop intenses.
Ainsi, compte tenu des méthodes utilisées, une évaluation de l’état biologique réalisée de manière insuffisamment approfondie risque fort de conduire à attribuer à la masse d’eau un état plus dégradé qu’il n’est en réalité (diminution du nombre d’espèces identifiées, absence d’espèces polluo-sensibles) et d’engager des actions correctives inutiles, voire de devoir se justifier auprès de la Commission de non-atteinte des objectifs de bon état ou de non-dégradation."
(Là, on nous annonce franco qu’il va falloir encore bidouiller le thermomètre pour éviter la catastrophe ! Enorme ! – Note EG).
"Cette compétence est également indispensable pour réagir aux crises, sanitaires ou biologiques, pouvant affecter les cours d’eau et les plans d’eau."
"Cette évolution nécessitera un effort de formation significatif, en particulier pour développer les compétences du laboratoire sur de nouveaux compartiments biologiques non couverts actuellement, pour les renouveler en cas de départ d’un agent, et pour la démarche qualité en vue de l’agrément."
Lire aussi :
- Qualité de l’eau (1) : un mensonge d’état ?
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- Qualité de l’eau (2) : le témoignage choc d’Anne Spiteri
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Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 juillet 2011.
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Scandale à l’ONEMA (1) : comment éviter la privatisation des données publiques ?
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Les eaux glacées du calcul égoïste, 1er février 2013.
S-Eau-S, 1er février 2013.
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