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Budget : un milliard et demi d’euros en moins pour les Agences de l’eau
27 juin 2012
par
- eauxglacees.comLe gouvernement Ayrault va priver les Agences de l’eau d’un milliard et demi d’euros sur les 13,8 milliards d’euros qu’elles avaient prévu de prélever dans le cadre de leur Xème programme, de 2013 à 2018. Soit un « manque à gagner » de près de 300 millions d’euros annuels qui va durement pénaliser les programmes d’investissement des Agences, les projets des collectivités locales, et va surtout mettre en péril les objectifs de reconquête de la qualité des eaux que nous contraint pourtant de respecter la Directive-cadre européenne sur l’eau…
Avant même l’ouverture du séminaire gouvernemental dédié aux finances publiques qui s’est tenu le 25 juin 2012 à Matignon, les premiers commentaires de presse évoquaient déjà « des coupes drastiques prévues dans les ministères ».,
A l’issue dudit séminaire les choses étaient claires. Les dépenses de l’état vont être « stabilisées en valeur absolue », (hors charge de la dette et des pensions), en 2013 et les années suivantes. Ce qui signifie qu’elles n’augmenteront pas, et ce, en dépit de l’inflation. Le gel affectera également les dotations aux collectivités locales, ainsi que les 560 « opérateurs de l’Etat », parmi lesquels Météo-France, l’Ademe ou le CNRS…
Noter que ces décisions vont au-delà de ce qu’avait annoncé le candidat Hollande, qui s’était borné à dire durant la campagne présidentielle que les dépenses publiques (Etat, sécurité sociale, collectivités locales) ne progresseraient pas plus vite que 1% en volume (en plus de l’inflation), sans préciser le sort réservé aux dépenses de l’état.
Dès lors ici la logique comptable imbécile triomphe : les Agences ont prélevé 12,3 milliards d’euros de redevances de 2007 à 2012, donc elles ne vont continuer à prélever des redevances que dans ce montant plafond, et non celui de 13,8 milliards d’euros sur 5 ans, qui avait pourtant été voté par le Parlement en Projet de loi de finances à l’hiver 2012…
Après les permis de Shell en Guyane et l’éviction de Mme Nicole Bricq du ministère de l’Ecologie, ce n’est plus un « mauvais signal », mais une décision calamiteuse que va annoncer le gouvernement : l’annulation du prélèvement d’un milliard et demi d’euros (soit 300 millions d’euros par an), sur les redevances que percevront les Agences de l’eau de 2013 à 2018 va avoir des conséquences désastreuses sur les politiques publiques de l’eau !
D’un montant annuel de près de 2 milliards d’euros, ces redevances sont acquittées à hauteur de 85% par les usagers domestiques d’eau potable, qui les règlent en même temps que leur facture d’eau. Ces mêmes redevances sont ensuite redistribuées par les Agences de l’eau aux collectivités locales, aux industriels et aux agriculteurs et financent des travaux d’infrastructure comme des programmes de reconquête de la qualité des eaux.
Le poids disproportionné des redevances appliquées aux usagers domestiques, qui subventionnent en fait l’industrie et l’agriculture, a de longue date été dénoncé par les associations d’usagers, de consommateurs, de défense de l’environnement, tout comme par le Conseil d’Etat et la Cour des Comptes, qui ont à nouveau stigmatisé dans leurs rapports publiés en 2010 les dérives d’un système qui bafoue ouvertement le principe « pollueur-payeur », puisque ce sont les victimes de pollution… qui financent ceux qui les polluent !
Depuis la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 l’assiette et le montant des redevances sont votés chaque année par le Parlement. Dans le cadre de la préparation du PLF 2012, le montant « plafond » des redevances pour la période 2013 à 2018 avait été fixé à 13,8 milliards d’euros sur 5 ans, au lieu de 14 milliards initialement prévus, après un premier prélèvement opéré par le gouvernement précédent, d’un montant de 55 millions d’euros, sur le financement du plan « Ecophyto 2018 », ce qui avait déjà, à juste titre suscité l’ire des défenseurs de l’environnement…
Or Bercy guigne depuis un temps immémorial la manne financière des Agences de l’eau, qui échappe peu ou prou à son contrôle tatillon, puisqu’il s’agit de recettes et de dépenses « hors budget ». Pas toujours, car sous le ministère Bachelot, en 2004, l’état avait déjà opéré un « hold-up » de 210 millions d’euros sur la trésorerie des Agences, comme l’avaient bruyamment, et à juste titre, unanimement dénoncé pléiade d’élus de gauche et écologistes, dont on va cette fois guetter les réactions avec la plus grande attention.
Comme l’affaire est sensible, puisqu’en privant chaque année les Agences de l’eau de 300 millions d’euros, ce seront autant de travaux en moins, et donc autant de risques supplémentaires de ne pas atteindre les objectifs communautaires de reconquête de la qualité des eaux (avec à la clé des amendes de plusieurs centaines de millions d’euros…) des éléments de langage ont été préparés à dessein.
Il va donc être annoncé que le milliard et demi d’euros de redevances annulés sur 5 ans « vont redonner du pouvoir d’achat aux ménages », dont la facture d’eau diminuerait d’autant…
Un argument qui ne tient pas la route puisque les redevances n’excèdent généralement pas 20% du montant de la facture d’eau, et le gain supposé en pouvoir d’achat sera donc infinitésimal…
Bercy et Matignon ont aussi élaboré une seconde ligne de défense, en affirmant que le milliard et demi d’euros imputés sur le 10ème Programme des Agences serait prétendument « compensé » par la dotation budgétaire allouée à la DEB du ministère de l’Ecologie.
Ce qui est une grosse menterie puisque le budget du ministère est affecté à de toutes autres missions que celui des Agences, et que ce que ne pourront plus financer les Agences ne le sera évidemment pas par le budget du ministère…
Mais comme personne ne comprend comment tout cela fonctionne, on espère, à Bercy, à Matignon, à l’Elysée, que ça va passer sans trop de casse.
Erreur. Les élus locaux sont hypersensibles aux financements des Agences de l’eau qui conditionnent tous les travaux d’aménagement dans le domaine de l’eau et de l’assainissement.
Le nouveau ministre des relations avec le Parlement, M. Alain Vidalies, narrait la semaine dernière à la radio les déboires d’une collectivité landaise à qui les banques refusent de prêter 12 millions d’euros pour financer la construction d’une station d’épuration…
Voici donc un gouvernement de « grands élus », c’est l’une de ses caractéristiques premières, qui se tire une balle dans le pied et s’apprête à se mettre tous les élus de France à dos.
Les Agences s’apprêtent, dans un désordre agité, à voter leurs 10èmes Programmes.
Le prochain Comité national de l’eau, qui ne sera plus présidé par le député du Pas-de-Calais (UMP) André Flajolet, qui a perdu son siège, doit notamment débattre dès le mercredi 27 juin prochain, des travaux relatifs aux Xèmes programmes d’intervention des Agences de l’eau.
Ambiance garantie. Pour un peu on accorderait crédit aux cris d’alarme de Patrick Le Hyaric, député européen, et vice-président du groupe GUE/NGL, qui vient de dénoncer « Two pack, l’austérité transposée dans le droit européen. ».
Un voeu du SEDIF...
Lors de la réunion de son comité syndical en date du 21 juin 2012, le SEDIF anticipait...
" (...) après avoir été informé des modifications envisagées par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie pour son 10ème programme en cours de préparation, qui conduiraient à réduire de moitié les enveloppes
consacrées à l’eau potable et à diviser par deux le taux d’aide, a émis le vœu que les enveloppes d’aides réservées pour les travaux d’alimentation en eau potable des collectivités soient revues à la hausse et que les modalités d’aides soient ajustées pour maintenir la proportion actuelle entre
subventions (2/3) et avances sans intérêts (1/3) (...)."- eauxglacees.com