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Les DSP ressaisies par le droit

25 janvier 2012

par Marc Laimé - eauxglacees.com

En l’espace de quelques mois plusieurs publications témoignent d’un regain d’intérêt des professionnels du droit, approfondissant ou renouvelant l’approche de plusieurs questions sensibles, qui sont au coeur des débats sur la gestion par des entreprises privées du service public de l’eau et de l’assainissement.



Par ordre chronologique, ce sont tout d’abord les éditions du Moniteur, dans leur revue ACCP qui, au mois de novembre 2011, consacraient un dossier conséquent aux biens et modalités de reddition des DSP.

Sous les plumes de Jean Francois Sestier, Laurent Vidal, Olivier Raymundie et Benoit Neveu, ce ne sont pas moins de six articles qui évoquent pêle-mêle : les modalités de liquidation des DSP, traitent du sort des biens, de l’inventaire, mais aussi, et surtout, du sort des provisions et fonds de travaux en fin de contrat (que nous avions par ailleurs déjà eu l’occasion d’aborder l’année passée : http://www.eauxglacees.com/spip.php?page=imprimer&id_article=930).

Si l’article de Benoit Neveu, intitulé : “Le sort des provisions et fonds de travaux en fin de contrat - quelles suites donner à l’arrêt OGF ?”, trahit une forme d’inquiétude à l’égard de la qualification juridique des fonds de travaux et des provisions (sous une formule pour le moins lapidaire : “au-delà de cette divergence d’appréciation quant au bien-fondé de la solution retenue au cas d’espèce, la portée même de cette solution demeure relativement imprécise”), force est de constater qu’il se range néanmoins à l’opinion du juge administratif ainsi qu’à celles d’autres commentateurs de la jurisprudence OGF en admettant, du bout des lèvres : “qu’on voit mal ce qui empêcherait juridiquement d’imposer la restitution de recettes perçues par un délégataire […] si ces recettes ne sont pas utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été perçues”.

"Le sort des provisions et fonds de travaux en fin de contrat (...)" Benoit Neveu

On saluera l’effort, inattendu, de l’auteur (dont on rappellera l’appartenance comme associé principal à la SARL Cabanes Neveu associés, à qui l’on doit notamment, et pour la seule période récente, le mémoire en défense d’André Santini par devant le TA de Cergy-Pontoise, pour le compte du président du Sedif qui y contestait l’élection d’Anne le Strat à la présidence du Comité de bassin Seine Normandie), auteur dont on constatera sans coup férir qu’il ne trahit aucunement son inclination légendaire, précisant en pied d’article : “on retiendra que s’il est envisageable que le solde positif afférent à des opérations de travaux effectivement puisse au moins en partie être conservé par le délégataire, au motif pris notamment des économies que celui-ci a su réaliser, cette solution est bien entendu plus contestable lorsque les travaux n’ont pas été réalisés. En l’absence de stipulations contractuelles précises, il appartiendra bien entendu aux parties d’appliquer directement la solution retenue dans l’arrêt OGF à savoir une rétrocession du Solde positif à la collectivité délégante”. Les voies du seigneur demeurent décidément impénétrables.

Le second article qui retiendra l’attention est porté sous la plume de Jean Baptiste Vila (Docteur en Droit public, rattaché à l’institut Maurice Hauriou, Université Toulouse I Capitole) qui a décidé de s’attaquer à un sujet, sinon brûlant, mais qui a indubitablement vocation à retrouver toute son importance (par les temps à venir de fins de contrat aussi nombreuses que polémiques) : le droit d’entrée….

Dans une chronique intitulée : “Les droits d’entrée sont morts (ou presque) dans les DSP, vive les droits d’entrée !”, actualité Lamy DPA déc. 2011, p. 1, il vient nous rappeler : “[qu’avec] le régime juridique mis en place au cours des années 90, nous pouvions penser que, en ce début de XXIe siècle, les droits d’entrée seraient un mauvais souvenir dans les DSP. La pratique nous montre qu’il n’en est rien. Ils réapparaissent avec force et vigueur en s’accompagnant de risques juridiques et financiers”.

Versés aux collectivités à l’occasion de la reprise en exploitation d’un service par les délégataires, ces sommes - dites droits d’entrée - censés représenter les investissements que la collectivité, directement ou par l’intermédiaire d’un délégataire, avait consentis, ont vu, comme on ne le sait que trop, leurs montants dériver, transformant ces derniers en un prix à payer pour bénéficier du contrat, d’où leur interdiction en 1995 pour les DSP d’eau, d’assainissement et de gestion des ordures.

A l’occasion des fins de contrats actuelles, et plus encore lorsque ces dernières sont la résultante d’une rupture anticipée, la rétrocession des droits d’entrée : “sur le fondement de l’enrichissement sans cause devient alors inéluctable” (CAA Bordeaux, 9 juin 2011, nos 06BX01135 et 09BX00894, Ville de Castres c/ Sté Lyonnaise des eaux France), conduisant de fait à ce que la volonté de résiliation souvent légitime de l’exécutif local, se trouve entravée par : “le versement de ces droits à raison de l’obligation faite à l’autorité délégante de reverser ces sommes au délégataire”. Une évidence, sinon tragique, mais qui mérite sans conteste d’être utilement rappelée, quand bien même le constat n’épuise pas la question de la légitimité d’une telle solution, comme la Communauté d’agglomération de Montbéliard va de nouveau nous le rappeler.

“Les droits d’entrée sont morts (ou presque) dans les DSP, vive les droits d’entrée !” Jean-Baptiste Vila

Enfin le dernier envoi retenant notre appétit évoque lui l’étonnante conjoncture d’artifices singuliers récemment mis en œuvre à Troyes, sous l’égide de Veolia et de notre bien aimé, si passablement chiffonné, Ministre de l’économie.

Dans un libre propos tout frais, intitulé : “La guerre de Troyes aura lieu sur le champ de la jurisprudence Commune d’Olivet”, Yann Wels (doctorant en droit public, CREAM, université Montpellier I, Juriste conseil), n’hésite pas pour sa part - après avoir pourtant récemment soutenu que, sur le champ du célébrissime « Arrêt Commune d’Olivet », la « Guerre de Troie n’aura pas lieu » -, à mettre en lumière les récents développements à en attendre, arguant - à raison des développements extravagants simultanément ou presque récemment survenus au Grand Dijon (Suez), puis à Troyes (Veolia), (qui) témoignent à l’évidence que nos deux larrons tentent imprudemment, et de s’exonérer, stimulés par la DGCL, du véritable fond de l’arrêt précité, et de prévenir ce faisant une possible hémorragie, préjudiciable aux recettes, en péril, de nos indécrottables fermiers généraux -, que cette nouvelle Odyssée nous promet de furieuses empoignades.

"La guerre de Troie n’aura pas lieu ?" Yann Wels
“La guerre de Troyes aura lieu sur le champ de la jurisprudence Commune d’Olivet”, Yann Wels

Il n’est pas dit, nonobstant, que la manœuvre, fort grossière en vérité, et qui ne semble pouvoir prospérer qu’à raison de la quasi extinction de toute forme de contrôle de légalité, (« Le formalisme juridique et les contraintes administratives, ça commence à bien faire… »), ne survive aux riants augures d’un prochain mai, qui verrait dès lors la justice, bafouée, humiliée, écrasée, recouvrer la plénitude de ses moyens.

Gageons que nous y acheminions à grands pas, ce qui nous consolerait par ailleurs des lamentos que nous inspirent depuis un temps démesuré tant la dureté que l’iniquité d’une période à tous égards funeste.

Marc Laimé - eauxglacees.com