Dans un article paru le 2 février 2011 dans la Nouvelle République, Emmanuel Touron relate un lamentable naufrage, tristement révélateur des pratiques du lobby agricole, qui persiste et signe quand le bateau coule…
« Pas plus qu’en décembre, la commission locale de l’eau (CLE) n’a adopté le Sage Sèvre niortaise-Marais poitevin. L’annonce d’un naufrage n’aurait pas eu davantage d’effet.
Hier matin, une chape de plomb s’est abattue sur la commission locale de l’eau (Cle) réunie à Niort au moment où son président, Serge Morin, a lu les résultats du vote sur le « Sage Sèvre niortaise-Marais poitevin », lorsqu’il a annoncé que ce document d’objectifs n’avait pas obtenu la majorité des deux tiers pourtant nécessaire à son adoption.
Trente-sept voix pour, quinze contre, cinq blancs et un qui (étourderie ou cynisme ?) a fait basculer son bulletin dans le camp des contre en écrivant dessus « pour »...
Projet de territoire...
Le débat préalable qui a animé l’assemblée ne laissait pourtant guère de doute sur l’issue du scrutin. Les partisans de ce texte destiné à réguler l’usage de l’eau et préserver la ressource ont multiplié les interventions pour défendre « un projet de vie, un vrai projet de territoire », « une vraie dynamique pour l’alimentation en eau potable de nos populations et un meilleur niveau écologique », un projet dans lequel « l’environnement n’est pas un frein mais un moteur de l’agriculture »...
Ils espéraient surtout que la nouvelle mouture du texte, moins contraignante pour les irrigants que la précédente version retoquée en décembre dernier (*), suffirait à faire basculer les indécis... à défaut de faire tomber les réticences des irrigants. Qui, de leur côté, ont bataillé ferme pour ne pas se laisser imposer ce qu’ils considèrent comme de nouvelles contraintes.
... ou impossibilité mathématique ?
Le représentant de la chambre d’agriculture de Vendée a été le plus résistant. Antoine Priouzeau a notamment affirmé qu’il serait « mathématiquement impossible » aux exploitants de respecter les préconisations du Sage, plaidant accessoirement pour qu’on laisse les agriculteurs continuer à nourrir la planète...
Touché en décembre, coulé hier, le Sage Sèvre niortaise pourrait toutefois trouver un nouveau souffle au sein du futur établissement public de l’eau
(*) Entre autres concessions au profit des irrigants, le seuil de tolérance de 25 mg de nitrates par litre (au lieu de 50 aujourd’hui) n’aurait plus été exigible immédiatement mais aurait été échelonnée sur cinq à six ans. à chaud « Cette fois encore, l’irrigation intensive a gagné sa bataille sur l’eau potable », regrettent la Coordination pour la défense du Marais poitevin et l’UFC Que Choisir des Deux-Sèvres qui affirment que « ceci n’aurait pu être acquis sans la complicité de quelques élus picto-charentais et vendéens soutenus par le conseil général de Vendée. » « Ces gens ne représentent plus la diversité de la profession agricole à laquelle ils font un tort considérable », dénoncent à leur tour les Verts pour stigmatiser « des gens [qui] n’ont aucun souci de l’intérêt général, ni aucun respect de leurs concitoyens, et ne veulent que maintenir artificiellement un modèle agricole à bout de souffle qui ne répond plus aux enjeux d’aujourd’hui »
Des opposants qui s’assument mal
Après le rejet du projet de Sage en décembre dernier, l’un de ses plus fervents défenseurs, le conseiller général socialiste Sébastien Dugleux, a suggéré hier que la commission locale de l’eau vote, cette fois, non à bulletin secret mais à main levée. « Il est important que chacun assume ses responsabilités », a-t-il justifié, mettant ainsi au défi les opposants au projet de se dévoiler au grand jour. Ces soudaines envies de transparence ont reçu l’immédiate réprobation d’Antoine Priouzeau, le représentant de la chambre d’agriculture de Vendée. Le vote a eu lieu à bulletin secret. »
Emmanuel Touron