La division en plusieurs lots de l’appel d’offres déléguant la gestion de l’eau en Ile-de-France "poserait de très gros problèmes techniques et de sécurité", a déclaré le vendredi 6 mars 2009 à l’AFP le P-DG du groupe Veolia, alors que son concurrent Suez Environnement milite ardemment pour cette solution.
"Le syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) s’est constitué pour des raisons techniques. La logique du Sedif est une logique globale et un découpage du contrat poserait de très gros problèmes techniques et de sécurité", a déclaré M. Henri Proglio lors d’une conférence de presse.
"Pour ceux qui sont professionnels, ce découpage pose beaucoup de questions", a-t-il poursuivi.
"Ceux qui ne sont pas professionnels et qui ne sont que financiers voient dans le découpage une manière peut-être d’envisager de capter une partie de ce qu’ils considèrent comme leur fonds de commerce, au détriment des intérêts des habitants", a-t-il encore ajouté.
On appréciera l’Exocet à destination de Messieurs Mestrallet et Chaussade, au vu des performances des deux groupes qui viennent de publier leurs résultats, qui attestent d’une division par deux des bénéfices de Veolia pour le dernier exercice…
Le groupe Veolia environnement (eau, déchets, transport) a en effet réalisé en 2008 un profit en baisse de 56% à 405 millions d’euros, très en deçà des prévisions des analystes. Le chiffre d’affaires a en revanche progressé de 13,4% à 36,2 milliards d’euros.
Le groupe présidé par M. Henri Proglio a donc annoncé le vendredi 6 mars 2009 l’accélération des réductions des coûts et des cessions d’actifs en 2009, ainsi qu’une coupe dans ses investissements.
Mais le chairman de Veolia, M. Proglio, se moque ouvertement du monde. Que nous baille-t-il ? Que ses grippe-sous de concurrents ne sont que de vulgaires financiers…
Voyons ce qu’il en est de Veolia, dont l’écrasante dette héritée de l’homme à la chaussette trouée (17 et quelques milliards d’euros !) a certes une « maturité longue », (comme ils disent) de plus de 9 ans.
Aucun remboursement significatif ne devrait donc intervenir avant 2012.
Mais la joyeuse cohorte des analystes s’inquiète à juste titre, et du poids de cette dette, et des innombrables « acquisitions » réalisées ces dernières années, dont on sait aujourd’hui qu’elles sont d’effroyables boulets, dont il va falloir se débarrasser au plus vite.
En attendant, histoire de ne pas exploser en vol, Veolia a trouvé une astuce imparable pour récupérer le cash dont elle a énormément besoin, comme vient de le déclarer son tout nouveau directeur financier :
« Parallèlement aux activités de service, Veolia a décidé de participer au financement des infrastructures de ses clients (pour un montant de 5,8 milliards d’euros en 2008). Cette activité rapporte 7% par an de taux moyen de rémunération. Le remboursement de ce financement a été de 358 millions d’euros en 2008 ».
Si nous comprenons bien, une part notable de la dette actuelle correspond donc à des emprunts effectués afin de prêter de l’argent aux clients de l’entreprise, en réalisant au passage de très confortables profits...
C’est qui les aventuriers de la finance dans l’affaire ?
La foire d’empoigne du Sedif
Suez Environnement avait écrit à la fin du mois de novembre 2008 aux maires des 144 communes membres du Sedif pour leur demander la division en lots (allotissement) de l’appel d’offres déléguant la gestion de l’eau, "afin de permettre une réelle mise en concurrence".
Le groupe estimait dans cette lettre que ne pas diviser le marché donnerait "à l’opérateur sortant (Veolia) un avantage considérable".
D’un montant de 371 millions d’euros par an, le contrat du Sedif arrive à échéance fin 2010 et devrait faire l’objet d’un appel d’offres en 2009.
Il est attribué à Veolia (ex-Générale des Eaux) depuis 1962 dans sa forme actuelle, mais l’entreprise détient en fait ce contrat colossal depuis… 1923.
Il porte sur la production et la distribution d’eau potable en Ile-de-France pour le compte de 144 communes et 4 millions d’habitants, ce qui en fait le plus gros marché de l’eau en Europe.
Le président du Sedif, M. André Santini s’était engagé en décembre à "étudier" la possibilité de diviser le marché en plusieurs lots, à l’issue d’un vote par lequel les élus du Syndicat avaient décidé de maintenir la gestion du service dans le secteur privé.
Une hypothèse qui a depuis lors été catégoriquement réfutée par un « groupe de travail » ad hoc constitué par le bureau du syndicat.
M. André Santini a réitéré fermement cette position lors d’un entretien, orageux, tenu cette semaine avec M. Gérard Mestrallet, P-DG de Suez-GDF, qui détient 35% de Suez Environnement, qui contrôle elle-même la Lyonnaise des eaux.
Nos apologistes de la concurrence (libre…) sont coincés.
Si Veolia et le président du Sedif maintiennent leurs positions, et rien ne permet d’en douter, Suez n’a plus d’autre choix que de tenter le grand chelem, en affutant une offre fracassante.
Suez osera-t-elle « baisser le prix de 55% » comme elle en brandit la menace ?
Jusqu’où Veolia sera-t-elle contrainte de « sous-renchérir » pour conserver sa rente de situation ?
Wait and see.
Dans le même temps le Tribunal administratif de Paris a commencé à examiner le recours déposé par la Coordination Eau-Ile-de-France, une association d’usagers qui dénonce les conditions dans lesquelles une majorité de délégués du Sedif ont opté pour la gestion privée du syndicat le 11 décembre 2008.
La gestion de l’eau n’est plus un long fleuve tranquille.
commentaires
Jubail @ : les appels d’offre sont des procédures extremement détaillées et réglementairement encadreées. Dans le cas présent je pense qu"’il n’y a aucune crainte à avoir tous les documents techniques et autres nécessaires seront bien transmis aux candidats. Parce que vu le barouf que fait Suez on a aucun mal a imaginer que s’il y a la moindre lacune Suez et les autres sauteront sur le pretexte pour saisir la justice et faire annuler la procédure...
Je ne suis pas du tout d’accord : on ne peut pas nier que l’enjeu du SEDIF est avant tout technique quand l’on considère le nombre d’usagers de ce service : 4 millions de personnes.
Que les privées dégagent des fonds pour investir dans les infrastructures ne me choque pas : elles l’ont toujours fait et vu le retard de la France en matière d’assainissement je trouve heureux - notamment pour des considérations écologistes -qu’elles continuent à le faire...
Tu parles, Suez fait tout ça pour préparer la communauté financière à leur échec sur ce contrat. Dans la période actuelle lesanalystes vont pas leurs pardonner d’être les éternels second…
La mauvaise foi de Veolia me sidère. Qui peut croire que l’enjeu du SEDIF est seulement d’ordre technique ? Mais admettons que le découpage du marché en plusieurs lots pose effectivement des problèmes techniques, la question est de savoir comment la concurrence peut s’exercer quand même pour faire pression sur les prix.
Est-ce que cela passe par une plus grande transparence ? Peut-on imaginer que les délégués forcent Veolia à rendre des comptes sur leur gestion, afin de transmettre les informations à tous les concurrents ? A ceux qui connaissent bien le fonctionnement du SEDIF, merci de me donner des éléments de réponse.