La communauté d’agglomération Marseille Provence Métropole est créée en juillet 2000 par la ville de Marseille et 17 communes avoisinantes. Sa gestion du fameux contrat de concession de l’eau datant de 1960 et confié à la SEM jusqu’au 31 décembre 2013, va encore aggraver une situation déjà bien périlleuse, et pour les finances de Marseille, et pour celle de MPM, et bien pire encore pour celles des usagers et contribuables concernés…
Un audit financier et de gestion réalisé pour le compte de la CUMPM en 2008 par les bureaux d’études Orfis, Energies locales et CMS Bureau Francis Lefèvre soulignait le caractère, aussi exorbitant que périlleux des conditions dans lesquelles s’exerçait la gestion de l’eau et de l’assainissement sur le territoire communautaire (page 106 de l’audit) :
« (…) 3.1.5.2.Les contrats eau et assainissement
Par son importance financière, économique, sociale, environnementale et technique, la question de l’organisation de la distribution de l’eau et de l’assainissement sera sans aucun doute l’une des plus importantes qui se posera à la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole pendant le mandat qui commence.
Le système actuel est manifestement à bout de souffle. Il repose sur des montages juridiques anciens, dont certains ont plusieurs siècles d’existence (« Service d’Adduction et de Distribution d’eau dit du Canal de Marseille »).
Pour l’eau, la concession actuelle repose pour l’essentiel sur une convention de concession entre la Ville de Marseille et la Société des Eaux de Marseille qui date du 29 juin 1960, et qui a fait l’objet de nombreux avenants depuis (plus d’une dizaine).
Aucune version consolidée de cette convention n’a été établie d’un commun accord entre le délégant et le délégataire (chacun a semble-t-il rédigé cette consolidation de son côté), et la substitution de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole à la Ville de Marseille n’a fait l’objet d’aucun acte juridique.
Cette convention de concession vient définitivement à expiration le 31 décembre 2013 (voir calendrier pour l’ensemble des communes plus loin).
Par ailleurs, quelques communes de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole ont d’autres délégataires : la SEERC pour Saint Victoret, la société Ciotadenne des Eaux et de l’Assainissement pour La Ciotat…
En ce qui concerne l’assainissement, celui de Marseille est confié à la SERAM. De nombreuses autres communes ont comme délégataire total ou partiel la Société des Eaux de Marseille (Sausset-les-Pins, Roquefort-la-Bedoule, Septemes, Marignane, Gignac-la-Nerthe, Saint Victoret, Ensues-la-Redonne, Carnoux en Provence, Carry-le-Rouet, Cassis, Le Rove, Chateauneuf-les-Martigues, Allauch, Gemenos). La délégation de La Ciotat est elle confiée à la société Ciotadenne des Eaux et de l’Assainissement.
La convention d’Assainissement de Marseille expire le 31 décembre 2012 (voir calendrier pour l’ensemble des communes plus loin).
Ce sont donc quatre sociétés qui interviennent à des titres divers et selon des dizaines de contrats différents : la SEM (Société des Eaux de Marseille), la SERAM (Société d’exploitation du réseau de Marseille), la SEERC (Société d’équipement et d’entretien des réseaux communaux), et la Société Ciotadenne des Eaux et de l’Assainissement.
La réalité capitalistique et économique est la suivante :
• La SEM (Société des Eaux de Marseille) est possédée conjointement et à égalité par la Lyonnaise des Eaux et Veolia.
• La SERAM (Société d’exploitation du réseau de Marseille) est possédée à 50% par la Lyonnaise des Eaux et à 50% par la SEM.
• La SEERC (Société d’équipement et d’entretien des réseaux communaux) est une filiale de la Lyonnaise des Eaux.
• La Société Ciotadenne des Eaux et de l’Assainissement est une filiale à 100% de la SEM.
Il est donc logique que dans ces conditions le contrôle des délégataires par la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole soit difficile, comme le montrent les échanges de courriers entre la SEM (Société des Eaux de Marseille) et la direction des Eaux et de l’Assainissement de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole.
Certes l’article 7 du contrat de concession prévoit que « la nomination du Président Directeur Général sera soumise à l’agrément du Maire de la Ville de Marseille qui pourra le refuser mais devra dans ce cas motiver son refus », mais on peut à la fois s’interroger sur sa licéité et sur son utilité, puisque le Président Directeur Général actuel, M. Loïc Fauchon, exerce ses fonctions depuis 1992.
Compte tenu des règles européennes et françaises sur la concurrence, la SEM dans sa composition de capital actuelle ne pourrait pas être admise à concourir au renouvellement de la concession à partir de 2014, et le décroisement entre les participations de la Lyonnaise des Eaux et de Véolia devrait s’opérer dans les prochaines années !
Rappelons en outre qu’avant tout renouvellement des concessions, un débat public sur le mode de gestion devra avoir lieu, et qu’à l’exemple de nombreuses grandes villes françaises, dont Paris, le retour à une gestion directe en régie mérite d’être étudié très sérieusement. Il nous paraîtrait opportun de lancer ce débat dès 2009, pour une décision de principe sur le mode de gestion en 2010. »
Amortissements versus DGF
On se souvient que la Chambre régionale des comptes PACA s’inquiétait, et déplorait, dans sa Lettre d’observations définitives du 16 juin 2000, des montants anormalement faibles (colossalement ridicules) d’immobilisations corporelles dans les comptes de la ville de Marseille :
« (…) La balance de sortie du compte de gestion 1997 fait apparaître au compte 21 "immobilisations corporelles" un total de 1 357,4 MF. Or le contrat de délégation dans son annexe VI indique que le total du patrimoine du périmètre du canal de Marseille est de 8 617 MF (valeur TTC 1991). Il sera noté que ne figurent pas les réservoirs.
(….)
« La différence de 7 260 MF, à supposer comme cela doit être le cas, que les deux montants soient TTC, et en étant conscients du fait qu’une partie du patrimoine appartient aux autres communes du périmètre (ouvrages d’intérêt local) provient d’une part du fait que la ville n’a pas voulu transférer la totalité des immobilisations du service de l’eau pour minimiser le montant des amortissements techniques afin de ne pas augmenter ses charges et d’autre part de la non prise en compte des immobilisations devant être renouvelées au cours du contrat, l’instruction M49 qui s’applique au budget annexe de l’eau ne prévoyant pas, contrairement a ce qui se passe pour la M14, de chapitre pour les immobilisations concédées.
En 1998, les équipements soumis à amortissements avaient une valeur de 356,87 MF et le montant des amortissements de l’exercice n’était que de 8,3 MF, ce qui était néanmoins un progrès par rapport à l’exercice 1997 où le montant des équipements soumis à amortissements n’était que de 305,44 MF et le montant des amortissements techniques de 7,1 MF.
Ces amortissements ne couvrent pas, et de loin, le montant en capital des annuités d’emprunt qui sont de 55,5 MF, le délégataire prenant en outre en compte 230 MF d’emprunts de la ville et des emprunts contractés par la SEM pour le compte des villes de Marseille et d’Aubagne (34,6 MF) soit une charge supplémentaire en capital et intérêts de 31,6 MF telle que comptabilisée par la SEM. »
Il est hélas très fortement à redouter que MPM ait réitéré la manoeuvre.
Et n’a pas « voulu transférer la totalité des immobilisations du service de l’eau pour minimiser le montant des amortissements techniques afin de ne pas augmenter ses charges (…) »
On se souviendra qu’en 2008 M. Guérini, qui disputait (déjà, mais cette fois en personne), la mairie de Marseille à M. Gaudin, avait accusé ce dernier d’avoir fait passer l’endettement de la ville de 1,5 milliard d’euros à 3 milliards d’euros depuis 1995…
On peut dès lors concevoir que la ville la plus pauvre de France, puis sa Communauté urbaine aient joué de l’arme du « potentiel fiscal » afin d’accroître le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée par l’Etat…
L’ennui c’est qu’au moment de l’établissement d’un Protocole de fin de contrat entre MPM et la SEM à partir de 2012, prélude à la fin du contrat en cours réputé s’achever le 31 décembre 2013, et au choix du futur mode de gestion, l’ensemble de ces éléments étaient de nature à faire apparaître une balance financière négative côté MPM, personne publique par ailleurs très fragilisée puisque « la substitution de la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole à la Ville de Marseille n’a fait l’objet d’aucun acte juridique, comme le déploraien 2008 dans leur rapport d’audit de gestion et financier les BE Orfis, Energies locales et CMS Bureau Francis Lefèvre…
A suivre…
Lire aussi :
- Veolia remporte les élections municipales à Marseille (1)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 9 octobre 2013
- Veolia remporte les élections municipales à Marseille (2)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 octobre 2013
- Veolia remporte les élections municipales à Marseille (3)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 octobre 2013
- Veolia remporte les élections municipales à Marseille (4)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 octobre 2013
- Veolia remporte les élections municipales à Marseille (5)
Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 octobre 2013