La roche tarpéienne est proche du Capitole, rappelions nous il y a peu en narrant les prémices toulousains de « l’accident industriel » dont Veolia ne se dépêtre décidément pas en Belgique, nous y reviendrons sous peu puisque notre thèse se confirme… Et ça continue. Que M. Proglio renonce à ses émoluments à Veolia ne nous fait ni chaud ni froid. En revanche, apprendre que seuls Veolia et Suez se retrouvent au coude à coude pour le contrat du Sedif promet une finale aussi agitée que ce qui a précédé. On apprend aussi que la justice a perquisitionné la SADE, filiale de Veolia, à propos des colossaux marchés de remplacement des conduites en plomb en région parisienne. Enfin, Gelsenwasser, challenger allemand à capitaux publics des Trois Sœurs, vient de remporter un important contrat d’assainissement en Seine-et-Marne, à la plus grande fureur de Veolia qui attaque la délibération de collectivité en justice. Manquerait plus que le justice américaine condamne les errements passés de M. Messier pour enjoliver le tableau…
Derichebourg, allié à l’allemand Remondis, n’a pas été admis à participer aux négociations pour le contrat de distribution d’eau dans 144 communes franciliennes, laissant Veolia et Suez Environnement seuls en lice sur cet appel d’offres, a annoncé vendredi le Sedif, rapporte l’AFP.
L’astuce des « offres de couverture » de Saur et de Derichebourg, qui visait à masquer la bagarre au couteau Veolia-Suez n’aura pas fait long feu…
"Au vu de l’analyse de son offre (...), le groupement Derichebourg et Remondis n’a pas été admis à négocier", indique le Sedif dans un communiqué.
Par conséquent sont admis à la phase de négociation Veolia Eau, la branche de Veolia Environnement titulaire de ce contrat depuis 1923, et son concurrent historique Suez Environnement, via sa filiale Lyonnaise des Eaux.
Le Sedif indique que la phase de négociations avec chacun des candidats durera "plusieurs semaines".
Le futur délégataire des services d’eau doit être désigné au printemps 2010.
Plus important contrat de délégation de service public en Europe, ce contrat du Sedif porte sur la distribution en eau potable à 144 communes franciliennes, hors Paris, et quelque quatre millions d’usagers. Il sera attribué pour une durée de 10 ans, éventuellement prolongeable à 12 ans.
D’un montant de 371 millions d’euros annuels, le contrat en cours, signé en 1962 avec Veolia
(ex-Générale des Eaux), expire fin 2010.
Lors de la première phase de l’appel d’offres, un quatrième groupe, la Saur, avait été présélectionné, mais il avait finalement décidé de ne pas déposer d’offre.
L’alliance Derichebourg/Remondis avait donc pris le rôle de challenger face aux géants du secteur, Veolia et Suez. Il s’agissait de la première tentative de Derichebourg, traditionnellement présent dans la gestion des déchets, de pénétrer sur le marché de l’eau.
Contacté par l’AFP, Derichebourg n’était pas immédiatement joignable pour commenter la décision du Sedif.
Avec l’échéance prochaine de plusieurs contrats de délégation de services d’eau de grandes communes comme Marseille, Lille ou Versailles, le résultat de l’appel d’offres du Sedif est particulièrement attendu non seulement pour son ampleur, mais aussi car le marché de l’eau demeure très concentré et peu concurrentiel.
La répression des fraudes perquisitionne une grosse filiale de Veolia
« Nouvelle tuile pour Henri Proglio », annonce dans Capital notre consoeur Caroline Michel, qui anime par ailleurs un excellent blog dédié aux transports.
« Henri Proglio, qui vient de renoncer à ses 450 000 euros d’indemnités annuelles comme président du conseil d’administration de Veolia, pourrait bientôt affronter une nouvelle polémique : la Sade, une grosse filiale de Veolia, spécialisée dans la pose de canalisations, est dans le collimateur de la justice au sujet d’une possible entente sur les prix en Ile-de-France.
« Le 15 décembre dernier, sur ordonnance du TGI de Paris, les équipes de la DGCCRF – la répression des fraudes - ont perquisitionné les locaux de cinq entreprises de travaux publics franciliennes. Particulièrement visée, la Sade a fait l’objet de quatre descentes simultanées : dans trois de ses agences et au siège, dans le VIIIe arrondissement de Paris, d’où les enquêteurs – une bonne dizaine – sont repartis avec des caisses de documents. Le bureau et l’ordinateur du P-dg, Dominique Bouillot, qui siège au Comité exécutif de Veolia Eau, ont été passés au peigne fin. Interrogé par Capital, Dominique Bouillot a confirmé les faits, avec détachement : « Ça n’a pas gâché mon Noël. »
« Ces investigations s’inscrivent dans le cadre de la saisine en septembre 2007 du Conseil de la Concurrence, devenu entre-temps Autorité de la Concurrence, par l’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs s’étonnait à l’époque des tarifs facturés au Sedif, le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France, par diverses entreprises de travaux publics, dont la Sade, sur un marché précis et juteux (550 millions d’euros au total) : le remplacement des branchements en plomb entre les conduites principales du réseau public et le compteur des abonnés. Des prix, soutenait l’UFC-Que Choisir, « notoirement supérieurs » à ceux pratiqués dans d’autres régions… »
La Nantaise des eaux pique un contrat à Veolia
Filiale française du groupe allemand à capitaux publics Gelsenwasser, la nantaise des eaux vient de remporter, au terme d’un appel d’offres tendu, un important contrat d’assainissement en Seine-et-Marne, ravi à Veolia, qui, furieux, attaque la décision de la collectivité en justice. Et l’on nous dira que les grands groupes s’entendent entre eux… Hier oui, aujourd’hui en France c’est la guerre ouverte et le dumping à tour de bras.
Les gens sont méchants ! Le groupe Veolia Propreté a du assurer le mardi 19 janvier que la collecte des déchets hospitaliers était "en ordre de marche" dans les Bouches-du-Rhône, après que la Ddass eut dénoncé lundi des dysfonctionnements et des infractions de sa filiale Onyx, en charge de la collecte...
Z’étaient bien inspirés les Désobéissants, d’occuper le siège du Sedif le 4 décembre 2009…
commentaires
Bonjour Christophe
ET les prix des fermiers à la campagne ?
Il y a un marché en pleine expansion et des prix exhorbitants SANS CONCURRENCE qui compensent largement le manque à gagner des villes.
Venez nous en parlez sur igepac.com.
Cordiales salutations
Bonjour Pierre et désolé de répondre très tardivement (je viens de relire ce débat)
Si perequation monétaire il y a ce n’est pas des campagnes vers les villes mais bien dans le sens inverse c’est d’ailleurs à cette fin qu’avait été créé feu le FNDAE.
L’observatoire de l’ONEMA montrera prochainement comme l’avaient fait avant lui ceux de l’IFEN ou des agences de l’eau que les couts d’investissement et d’exploitation dans les zones rurales sont de loin plus élevés que dans les villes.
S’il y avait la un « Eldorado » des campagnes comment expliquer que le retrait de l’ingénierie publique ne sucite pas une arrivée massive des société d’ingénierie privées ? ( autre problème)
C’est bien sûr dans les zones rurales qu’on trouve les ressources qui alimentent les zones urbaines et donc les contraintes liées à leur protection. Le milieux aquatiques ou se rejettent les eaux usée y compris les "polluants emergents" come les médicaments.
Alors oui la solidarité entre zones urbaine et rural est un des enjeux auquel il nous faut faire face ensembles mais en terme financier ce serait plutot aux villes de contribuer.
Cordialement,
Bonjour,
Je partage l’analyse de Christophe Audouin, sur le caractère exhaustif des informations et me joins donc aux compliments qu’il exprime.
Je reste en revanche plus réservé sur sa propre réserve qu’il exprime s’agissant de la qualification du marché comme étant en guerre ouverte.
La complexité est certes de mise pour traiter du marché de l’eau en France, pour autant, avec certaines précautions, il est permis d’en tirer quelques éléments saillants.
La concurrence sur le marché de l’eau supposerait a minima, l’existance d’une certaine loyauté, clef de voute du droit classique de la concurrence, pour reprendre les propos de C. Flandrois, auteur d’une thèse de droit public des affaires, intitulé La layauté dans la concurrence.
De façon plus pragmatique et factuelle, les traductions d’un tel élément suppose des décroisements d’intérêt sur le marché de l’eau... Or comme ce blog l’a précisé dans un post de l’année 2009, que les Echos avaient eux-même mentionné suite à une interview, du directeur de SP2000, on en est encore loin... Si j’ajoute à cela, des organigrammes, laissant apparaître que certains dirigeants d’ici, étaient avant chez les autres dans leur branche Transport Amérique du Nord, et on pris la direction de la médaille de bronze du marché de l’eau en France, avec leur ancien staff, la logique concurrentielle et concentrée du marché s’en trouve ipso facto ébranlée...
De telles exemples peuvent malheureusement n’être que multiplié, mais dire aujourd’hui que le marché de l’eau est concurrentielle, me semble au mieux ne pouvoir être qu’un voeux pieux, à très longue échéance...
Nous somme dans un oligopole, reconnaissons le... Quand à la guerre des prix, elle n’est rendu possible que du fait de la conjonction sur ce marché de trois éléments : d’une pression administrative accrue (qui s’exerce à la fois au travers une réglementation beaucoup plus ferme contractuellement parlant et qui s’exerce aussi par un "revival" certain de la régie), une implication de la société civile sans commune mesure (relayée en cela par la médiatisation forte sur la thématique de l’eau) et un effet de crise qui cristallise le regard sur le dénominateur prix (dans un contexte de crise tant au sein des foyers, que dans les budgets locaux).
Ce qui est claire, c’est que la compétition entre les trois majeurs de l’eau qui pourrait se développer sur le seul terrain du savoir faire qualitatif, trouve aujourd’hui à s’exprimer sur le seul terrain financier...
Marc pour compléter les éléments de réflexion apporté par Paul Smith je vous invite tous deux à consulter deux articles récents :
– Le numéro du 9 décembre de Sud Ouest un article qui reprend à nouveau les propos du Directeur de Service Public 2000 : " Le cabinet SP 2000 analyse une centaine de marchés publics annuellement. Loïc Mahévas ( ndlr son Directeur) constate que Royan a eu de la chance de lancer son appel d’offres au bon moment. On assiste à un phénomène que je n’ai jamais vu ces dernières années : les grands groupes se livrent une telle concurrence que les collectivités à qui on propose de telles conditions financières ne les retrouveront peut-être pas de si tôt. »
– Et le Dauphiné du 16 décembre qui reprend les propos d’ Éric Plagnat conseiller municipal d’opposition à Annnay (07) qui se réjouit de la baisse du tarif de l’eau. Mais il estime que celle-ci n’est aucunement liée au passage en régie.
« Cette baisse est bien sûr une bonne nouvelle, mais c’est quelque chose qui était attendu, il n’y a pas de nouveauté là-dessus. Nous avons une régie qui est de façade, avec la quasi-totalité des activités déléguées à des entreprises du secteur privé. Aujourd’hui, la baisse est liée à la très rude concurrence que se livrent ces sociétés. C’est un secteur en pleine restructuration, et les prix proposés sont assez démentiels. On donne des marchés à la limite de la rentabilité. »
Bonne soirée
Si la menace, l’intimidation, le dénigrement, la manipulation de l’opinion et autres pratiques dont la période nous permet de constater qu’elles sont constitutives de la pratique commerciale ordinaire des « grands groupes » sont au fondement de la « concurrence libre et non faussée » tant vantée par les apologistes du libre marché, force est de constater que l’image du « renard libre dans le poulailler libre » n’aura jamais à ce point illustré la sauvagerie qui éclate au grand jour depuis peu : Sedif, la Roche-sur-Yon, Royan, la Seine-et-Marne, Montauban…, pour ne prendre que des exemples tirés de la toute récente actualité.
Alors non, il ne s’agit aucunement de l’avènement de la concurrence heureuse, mais du dévoilement de la guerre de tous contre tous, provoqué par l’absence totale de régulation d’un marché dont la rente de situation qui le caractérisait s’effondre comme on le sait.
Vous noterez que le recours systématique à la justice des concurrents évincés fait de surcroît apparaître une violation quasi constante des règles de la loi Sapin et du CGCT par des collectivités sous pression et des concurrents prêts à ,toutes les extrémités.
Difficile de parer cette admirable leçon des choses des atours de la mondialisation heureuse. Mais à ce train l’option régie ne cesse de marquer des points. Encore un effort, nous serons d’ici peu en 1788 !
@ MARC LAIME : la mondialisation n’est ni heureuse ni malheureuse. Elle est. c’est tout.
La "concurence loyale" est un voeux pieux.
Seule une Société (au sens "communauté d’êtres humain") évoluée et mature peux gérer ses SP de manière efficiente. Et elle ne le fera bien que si elle est forte, à savoir : 1/ capable de financer ses projets et 2/ capables de les opérer sans être sous la coupe de fonctionnaires ou de Sté privée 3/ disposant d’un environnement administratif ad hoc 4/avec des instance de pilotage efficaces et concernées
Croire en la supériorité de la régie sur le privé est une erreur dogmatique. Encore une fois, les deux sont capables du meilleur comme du pire. L’expérience prouve qu’en général, ile donnent le pire, l’un comme l’autre, quand ils sont seuls !!! La cohabitation les oblige au meilleur.
Et l’important c’est que l’autorité organisatrice se donne les moyens de contrôler, bla-bla-bla, on dirait le catéchisme de Nantes-Métropole devenu l’alpha et l’omega de la période. Bon, qui contrôle quoi et comment, qui audite qui et comment, sur quel cahier des charges ? Les faits sont têtus, ne vous en déplaise, déjà quand les membres de la FP2E respecteront le Plan comptable général dans leurs rapports, on pourra p’têtre commencer à parler sérieusement, d’ici là... M’enfin on peut toujours rêver que tout continue comme avant. Ici grave erreur, tout ne va pas continuer comme avant. Et moult incertitudes pèsent sur ce qui va advenir, cela au moins je vous l’accorde volontiers.
@ MARC LAIME : si il ya un rêve à faire sur ce forum, c’est celui d’un débat d’idée constructif pour un SP efficient.
Et ce n’est pas simple !!!! ton dernier post montre la reflexion nécessaire et le temps que cela prend pour organiser un SPANC. Il en est de même pour le SP en général. Tu poses d’ailleurs toi même de bonnes questions "qui contrôle quoi et comment, qui audite qui et comment, sur quel cahier des charges ? ". Un lecteur-élu nous fait part d’abérations administratives.
Le débat est riche, passionant et tes posts en général bien documentés alimentent la réflexion.
Merci pour cela.
Alors pourquoi tout gacher avec ce dogmatisme inutile ?
@Olivier : Tu as dû sauter le passage "... déjà quand les membres de la FP2E respecteront le Plan comptable général dans leurs rapports ..." et la suite.
Commençons par le début !
C’est quand même dingue que les usagers ne savent toujours pas ce qu’ils payent ! Comment discuter du prix dans ce cas ...
On s’aperçoit rapidement que cela suppose bien évidemment de placer l’eau hors du marché = monopole de la puissance publique = service 100% public. Tout aussi indispensable : le contrôle des usagers pour éviter ce que l’on appelle timidement "les dérives".
Eh bien Olivier félicitations on dirait que vous avez réveillé le fil de discussion de ce blog ! Je m’apprêtais à répondre sur quelques unes de vos saillies (celles garanties avec des vrais morceaux de F. Lefebvre® dedans : style les fonctionnaires tous des nuls et des feignasses et autres « pas vu pas pris si j’arnaque mon client c’est de sa faute, il est trop c.. ») mais j’ai cru comprendre que c’était de la pure provoc’ justement destinée à faire réagir.
Donc à mon tour juste 2-3 choses pour rétablir l’équilibre vis à vis du secteur public (ce qui me semble au final plus efficace que la pure invective…) et en vrac qq réflexions en réactions à divers posts et commentaires :
D’abord on n’a jamais vu de grève avec des coupures d’eau et si les grèves des salariés du privé n’existent pas c’est que (au choix) :
a)"Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit",les médias n’en parlent pas, sauf si c’est à Marseille (au pif) ! (http://www.leparisien.fr/economie/greve-des-dechets-marseille-au-bord-de-la-crise-de-nerfs-04-11-2009-699298.php)
b)les salariés du privé sont heureux et contents de leur sort et ne vont quand même pas embêter leurs patrons et leurs actionnaires en réclamant un salaire et des conditions de travail décents (hein déjà qu’ils sont déjà si inquiets nos dirigeants pour le million de chômeurs en fin de droit…) http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000575/0000.pdf (la page de conclusion suffira à votre édification…)
c)la relative transparence des comptes du secteur public et des collectivités locales (les rapports des chambres régionales des comptes concernant sont accessibles à tous sur internet, par contre désolé Actica, j’ai pas trouvé ceux des fermiers…) ne permet malheureusement pas de lubrifier efficacement les relations entre les partenaires sociaux (sans parler des positions syndicales concernant Proglio) http://www.lefigaro.fr/france/20071031.WWW000000371_caisse_noire_de_luimm_un_temoignage_relance_la_suspicion.html
Ensuite sur l’efficacité comparée des fonctionnaires et du privé : http://www.lejdd.fr/Ecologie/Actualite/Veolia-et-Suez-ne-s-estiment-pas-responsables-148660/
(rien à ajouter ça parle de soi-même)
Si on considère un pays comme les Pays-Bas avec la qualité d’eau qu’ils ont au départ et avec une gestion 100% publique de l’eau ils s’en sortent pas si mal par rapport à l’Angleterre 100% privé (on pourrait aussi parler de l’Allemagne, etc…). A côté si on prend l’histoire d’Aquiris (et on pourrait en citer d’autres : les groupes sont en expérimentation et en optimisation permanente de leurs process…en partie aux frais des consommateurs), on peut se poser des questions sur la réelle maîtrise du privé…
Enfin juste aussi rappeler que le privé n’a pas les mêmes armes que le public :
– les régies directes sont soumises pour leurs achats au Code des Marchés Publics, ce qui est paraît-il un gage de transparence et de bonne utilisation des deniers publics mais surtout et malgré les réformes de « simplification » qui s’empilent un facteur de lourdeur et de complexité. Le privé lui il achète ce qu’il veut à qui il veut quand il en a besoin et comme il veut…
– le privé se fiche des externalités sociales (en gros ça le dérange pas de virer les agents insuffisamment productifs ou inadaptés au système : c’est la collectivité qui paiera via les mécanismes de solidarité, auxquels le privé certes participe). Le public lui, n’étant pas autant tenu par les exigences de rentabilité, peut se permettre d’employer des personnes jugées inemployables par le privé et assurer ainsi une forme d’insertion à mon avis préférable au RSA. (Cela dit ne caricaturons pas trop quand même : le privé développe aussi des systèmes de solidarité : fondations, etc.. le problème c’est que c’est lui qui choisit selon son bon plaisir qui ou quelles associations il veut aider, et non pas la collectivité via un processus démocratique…)
Néanmoins sur les modes de gestion je partage votre avis : il y a du bon et du mauvais de chaque côté. Les critiques vis à vis du privé sont évidentes (et surtout sur ce blog !) : manque de transparence, marges obscures et très conséquentes (du moins jusqu’à aujourd’hui) par rapport aux risques encourus, mais le népotisme et l’incompétence existent aussi dans le public : des régies avec un prix de l’eau au ras des pâquerettes, couvrant uniquement les frais d’électricité du pompage mais aucun entretien du patrimoine, ça existe…surtout quand le président du syndicat est le plus gros consommateur d’eau du canton…et qu’il a envie de faire autre chose de ses indemnités (eh oui Olivier, les élus ne sont pas tout à fait bénévoles : http://www.circulaires.gouv.fr/pdf/2009/10/cir_29699.pdf , ce qui pour une partie d’entre eux, je pense à CAD, n’enlève rien à leur mérite). Par ailleurs régie ne rime pas forcément avec faible tarif (http://seaus.free.fr/spip.php?article592)
Il faut évidemment distinguer la fin et les moyens : aucun système (moyen) ne garantit à lui seul intrinsèquement la bonne atteinte de l’objectif. C’est bien la façon de s’en servir qui conditionne le résultat. Intuitivement on peut se dire qu’une certaine (bio !) diversité offre plus de chances de trouver la bonne solution qu’un système unique.
Et donc la mixité des modes de gestion qui est effectivement très à la mode, eh ben pourquoi pas c’est déjà mieux que rien. Osons une image à une échelle plus macro pour tenter de convaincre M. LAIME : quand il y avait une mixité de gestion au niveau mondial (US versus Soviet) ne croyez-vous pas que cela ait pu bénéficier aux prolétaires de l’Ouest dans le sens où le patronat lâchait du lest en partageant la croissance pour éviter le péril bolchevik !!!???? Depuis que le système est unique ben, il n’aura échappé à personne qu’au niveau répartition des richesses ça c’est pas vraiment amélioré…(et l’unique alternative n’aurait certes pas été très funky non plus).
Là où le privé me gêne infiniment plus c’est quand il prend, dans le but de se diversifier et d’assurer sa survie face à une crise proche de son modèle économique, des prérogatives de gestion de la ressource qui là par contre me semblent d’essence exclusivement publique (par ex : http://www.actu-environnement.com/ae/news/agriculture_eau_captage_lema_8717.php4
Ou encore : http://www.actu-environnement.com/ae/news/veolia_eau_SMEGA_nitrates_bassin_versant_ic_cotes-armor_7750.php4
Cela résulte malheureusement de l’échec de la collectivité (Etat, élus locaux, associations, vous, moi) et de l’incapacité de notre organisation démocratique dans sa forme actuelle à prendre les bonnes décisions.
Sur les autres questions abordées : mixité des modes de gestion, mutualisation, investissement et négociation
Mixité des modes de gestion :
L’exemple de Nantes Métropole est intéressant car il ne faut pas perdre de vue que cette mixité se construit sur la base d’une régie très forte (puisque la ville de Nantes, dominante dans la métropole est historiquement en régie). Il serait intéressant de voir comment se comporterait le modèle dans d’autres cas avec des rapports de masse ou d’antériorité plus en faveur du privé et donc un scénario de retour en régie moins crédible.
Au-delà du mode de gestion (ou en deçà si on veut) le type de contrat privé a toute son importance : toujours dans le cas de Nantes Métropole la politique choisie semble être des contrats non plus de DSP type affermage relevant de la loi Sapin mais des contrats de prestation de services relevant du code des marchés publics http://appel-d-offre.dgmarket.com/tenders/np-notice.do 4584885 : durée plus courte (changement de prestataire, voire retour en régie plus facile), corrélativement extrêmement peu d’investissements à charge du prestataire (la collectivité a la responsabilité pleine et entière de son patrimoine), pas d’encaissement des factures par le prestataire (et donc pas d’enrichissement lié aux placements avant reversement à la collectivité, qui elle par contre a une gestion de trésorerie plus confortable) et rémunération en partie liée à des résultats concrets plus facilement mesurables (et donc contrôlables…si on s’en donne la peine). Si c’est pas parfait c’est quand même mieux que rien et sans doute plus honnête que les pseudo-régies en forme de trompe l’œil pour la com’ : http://seaus.free.fr/spip.php?article576
Cela ne répond toutefois pas aux questions de M.Laimé : qui contrôle quoi, comment, etc… De façon plus théorique cela pose la question du contrôle et des pré-requis vis à vis du contrôleur : expertise, légitimité, neutralité, indépendance.
Or là dans le fonctionnement actuel du système y a un hic c’est que l’expertise technique est majoritairement chez les groupes : ce sont eux qui réalisent la plus grosse partie de la R&D technologique et qui ont le retour d’exploitation le plus important. Idem pour la formation (les cours techniques dispensés dans les écoles le sont par des professionnels issus des groupes et par ailleurs le nombre assez restreints d’écoles spécialisées dans le domaine de l’eau entraîne une certaine perméabilité groupes / bureaux d’études / collectivités / administration). Les collectivités en régie disposent certes d’une expertise en matière d’exploitation mais elle reste cloisonnée par manque de réseaux d’échanges suffisamment efficients.
Quant à la légitimité : finalement est-ce à la collectivité délégante de porter un jugement sur sa politique ? Poser la question c’est y répondre. Mais alors qui ? L’Onema ? Trop loin du terrain ? une Haute Autorité Indépendante ? Avec quels moyens maintenant que l’ingénierie publique est démantelée ? D’ailleurs est-ce à l’Etat de faire ? Est-il assez compétent ? Des jurys de citoyens, d’usagers ? Mais il faut les former un minimum… Les associations de consommateurs via les CCSPL ? Les associations écologistes ? Risque de focalisation sur un seul aspect du problème (prix, environnement) ?
Et donc on boucle : soit on est compétent mais pas légitime, soit on est légitime mais pas forcément compétent ou seulement partiellement…
Et là les dénonciations de M. LAIME font implicitement (ce que je lui reproche : critiques, critiques, mais les propositions ?) système en négatif et ça peut peut-être marcher (mais je vois pas comment y arriver même en 30 coups) : des régies partout, une recherche et une formation publiques fortes dans le domaine, voire des entreprises publiques de TP (on peut rêver : à défaut pourquoi pas des SCOP aidées avec une clause de transparence ?), et une Haute Autorité mixte collège d’experts / usagers pour le contrôle, un financement majoritairement par l’impôt et « la pollution paie la dépollution » avec un prix unique sur le territoire national et les premiers m3 gratuits. Est-ce que ce serait ça votre proposition ?
Mutualisation :
OK avec Paul Smith (sauf sur la France de Colbert : il y a quand même eu entre-temps 1789 et surtout 1793, 1830, 1848, 1870 et 1946…), mais par contre :
1. la réforme territoriale en cours risque de provoquer quelques turbulences au niveau des structures de base (syndicats d’eau et d’assainissement) qui risquent bien de disparaître au profit des communautés de communes
2. le degré actuel de mutualisation est très variable sur le territoire à la fois dans sa nature (mutualisation purement technique, purement financière ou les deux) et dans son échelle et cela en lien avec les problématiques techniques. En effet vous avez des zones en particulier le Grand Ouest avec des grosses difficultés de traitement des eaux (essentiellement de surface) et corrélativement des syndicats de péréquation tarifaire (voire maîtres d’ouvrage) à l’échelle départementale. A l’opposé dans les zones de montagnes la mutualisation dépasse rarement l’échelle de la commune (eau d’excellente qualité, abondante et sans dépenses d’énergie). Y aura-t-il une harmonisation des pratiques ?
Investissement :
OK sur tout ce qui a été dit. Je pense également qu’il est plus intéressant pour une collectivité d’emprunter directement à une banque que de passer par un tiers qui se rémunérera du capital investi de manière encore moins transparente (si c’est possible).
Et il me semble d’ailleurs que l’investissement dans les infrastructures reste en majeure partie réalisé directement par la collectivité même en cas de DSP de type affermage ( http://www.economie.eaufrance.fr/IMG/pdf/depenses.pdf
Reste la pertinence des décisions d’investissement et là on en est aux balbutiements de la gestion patrimoniale dans le domaine (déjà on est content quand on sait où passent les tuyaux, alors dire dans quel état ils sont et quand il sera plus intéressant de les changer que de mettre des rustines, pffffffffffuuuuuuuuuu….). Cela dit le modèle économique vacillant des services d’eau va être un puissant stimulant à la rationalité de l’investissement…
Négociation :
G. Fauquert a tout dit dans sa thèse : seule méthode le rapport de force, avoir un scénario de retour en régie crédible, donnant une base de coût réaliste. Après c’est le mystère des offres commerciales : quelle est le coût réel pour l’exploitant tenant compte des gains de productivité et mutualisation opérés à une échelle beaucoup plus vaste que le contrat et donc au final la marge réalisée ? Difficile à dire.
Et c’est là que M. Laimé et Olivier vous êtes irréconciliables : l’un refuse qu’une somme inconnue des citoyens à qui elle est exigée au titre d’un service public puisse aller enrichir des actionnaires, l’autre l’accepte si il est satisfait du service et du rapport qualité/prix (ce qui théoriquement devrait conduire à limiter cette somme).
Bon désolé d’avoir fait si long...
Voilà, ce que c’est d’avoir des lecteurs éminents as notre camarade Stormovik ! Notre programme est ici quasiment dévoilé :-) Juste un bémol : pas des régies partout, les groupes comme équipementiers, majoritairement actifs sous forme de marchés publics et non plus de DSP. Et surtout, bien sur, une ingénierie publique à refonder de a à z, de la R-D à la gestion de la ressource, en passant par les brevets et la normalisation, et c’est ici que le bat blesse, eu égard au démantèlement forcené des services déconcentrés de l’Etat, et du massacre du mille-feuilles en cours. Mon hypothèse est donc, déjà évoqué, que les collectivités vont devoir reconstruire à la base. En l’état nous serions dans une période transitoire, et l’effondrement du modèle économique appelle d’urgence une forte régulation publique, aujourd’hui totalement inexistante : haute autorité, pouvoir d’investigation et de sanction, etc. L’actuelle montée en puissance de la rémunération assise sur la performance va rendre le système totalement illisible dans les 5 ans. Les groupes risquent gros : pour ménager leurs marges ils ne peuvent que s’engouffrer dans la logique "volume" to "value" : ce faisant, au détriment d’une nouvelle péréquation facture-impôts, ils prennent le risque de susciter un rejet qui, cette fois, pourrait être fatal. Et comme nous n’avons pas à faire à des gens raisonnables...
@ Stormovik : Merci pour le compliment. J’avoue mon plaisir à lire ce débat, alors je vais garder mon costume d’avocat du diable et continuer...
A + dans l’bus
PS : je ne connais pas G. Fauquert, mais d’accord à 100%
Juste une info comme ça en passant, comme quoi les grèves ça existe aussi chez VEOLIA
Juste une précision sur les indemnités des élus.
Les indemnités concernent les maires, adjoints, présidents d’EPCI et vice-présidents. Sachez en outre que le conseil municipal (ou communautaire) vote sur le montant de l’indemnité que l’on peut percevoir dans sa totalité ou pas.
Les conseillers municipaux en zone rurale, dont je fais partie, ne sont pas indemnisés. L’action est bénévole et au regard des contraintes et de l’investissement personnel, c’est presque insolent.
Cordialement
Bonjour Marc,
Je vois que nous sommes au moins deux à travailler le dimanche matin parcourant les mêmes signaux faible du marché de l’eau .
J’ai toutefois une petite interrogation sur ton article très bien renseigné comme à l’habitude : au début de l’article tu nous dis " le résultat de l’appel d’offres du Sedif est particulièrement attendu non seulement pour son ampleur, mais aussi car le marché de l’eau demeure très concentré et peu concurrentiel." puis tu conclus ton en écrivant : "Et l’on nous dira que les grands groupes s’entendent entre eux… Hier oui, aujourd’hui en France c’est la guerre ouverte et le dumping à tour de bras."
Les choses sont certes complexes mais éclaires nous un peu plus.
Cordialement
Christophe Audouin
Lyonnaise des Eaux