Une lectrice suisse, héritière d’une maison dans le Tarn-et-Garonne, dans le Sud-Ouest de la France, nous a narré, effarée, ce qu’elle a découvert après que Veolia, en son absence, ait été à deux doigts de couper l’eau dans sa résidence secondaire. Une histoire banale qui éclaire singulièrement discours pompeux et poses avantageuses, qui se multiplient dans la période autour du « droit à l’eau pour les plus démunis », dans la perspective de « Marseille 2012 »…
« J’habite en Suisse, mais j’ai hérité d’une maison dans le Sud-Ouest de la France, dans le Tarn-et-Garonne. La commune a privatisé son alimentation en eau il y a des années, et le contrat est récemment passé de la Saur à Veolia. Cela a entraîné un retard dans le paiement de ma facture et j’ai donc reçu un rappel, puis une mise en demeure. J’ai payé, la question n’est pas là.
"Veolia ne m’a pas coupé l’eau, car j’ai immédiatement pris la vache par les cornes et envoyé un chèque. En effet, "mon" eau abreuve les vaches du voisin, et il n’était pas question que ces animaux en soient privés même une journée !
« Le problème est dans le ton, et les menaces immédiates de coupure de la fourniture, « en application du décret 2008-780 du 13 août 2008 ». Intriguée, j’ai appelé Veolia Toulouse, pour m’entendre dire par l’employé au service du contentieux, très aimable par ailleurs, que les coupures étaient "très fréquentes, plusieurs fois par jour", que son service ne faisait qu’ "appliquer l’ordre de coupure", qu’il n’avait "aucune idée de ce qui se passe" si l’arrêt de la fourniture d’eau met en grande difficulté une jeune mère de petits enfants, ou si l’impossibilité d’actionner la chasse d’eau pose de graves problèmes d’hygiène, etc.
J’insistais, et il a concédé que Veolia avait un service d’urgence pour convenir d’arrangements et proposer des paiements échelonnés, et que si la situation des clients était très critique, l’entreprise mettait à disposition un assistant social pour convenir d’un échéancier.
Je précise qu’en Suisse, malgré une classe dirigeante et un gouvernement au moins aussi féroces et néolibéraux qu’en France, l’eau reste intégralement un service public. Je n’ai jamais entendu dire que quiconque s’était fait couper l’eau. D’où mon étonnement et mon indignation devant le courrier de Veolia...
On parle beaucoup des coupures d’électricité, et EDF a ses « Robins des Bois ». Est-ce que l’eau a ses Robins des rivières ? Comment cela se passe-t-il en France ? Y a-t-il une protection pour les raccordés, l’eau étant indispensable à la vie, encore plus que l’électricité ? Pouvez-vous m’en dire plus ? Y a-t-il des associations qui s’occupent de cette question ?
J’ai essayé d’appeler Veolia Paris ce matin, oubliant que le 1er novembre est férié en France. J’essaierai demain, mais comme je sais déjà qu’ils vont me promener, j’ai besoin d’informations plus... réalistes. Je vous remercie si vous pouvez m’apporter vos réponses. »
(Ici, nous renvoyons notre lectrice aux 58 billets que nous avons publié sur le « droit à l’eau », ce qui n’était pas forcément de nature à la rassurer…, avant que d’apprendre la suite de l’histoire par un message en date du 2 novembre dernier)
« Bonjour,
J’ai enfin atteint Veolia.
J’ai raconté l’histoire (véridique) de la non-résidente qui reçoit son courrier en Suisse, alors qu’elle est en France, et trouve des rappels à son retour. J’ai demandé comment ça se passait pour les coupures. Ci-dessous, le quasi sténogramme de ce que la dame du Centre service clients m’a expliqué :
Le mauvais payeur reçoit :
1) un rappel gracieux 15 jours après le délai de paiement ;
2) une mise en demeure 15 jours plus tard, majorée de 12 euros ;
3) une deuxième relance, après 15 nouveaux jours, majorée de 30 euros ;
4) un avis de fermeture avec un délai de 72 heures pour régler la facture, si ce n’est pas exécuté, fermeture. (Elle ne m’a pas donné le tarif de la fermeture, ni celui de la remise en service.)
En résumé, cela aboutit à "un paiement à 60 jours".
La dame admet que Veolia procède "de temps en temps" à des coupures chez des propriétaires de résidences secondaires. Elle ne peut dire si les coupures chez des particuliers français sont fréquentes, car Veolia "gère 800 communes et les choses se règlent au cas par cas".
Pour les gens en difficulté, il n’y a selon elle presque pas de problème, car ils peuvent s’adresser aux services sociaux, aux mairies, aux conseils généraux et peuvent contacter directement Veolia pour demander des délais de paiement.
A mon exclamation "Mais ce doit être long, comment font les gens avec des petits enfants, par exemple ?", elle a soutenu que ce n’était pas long du tout, que les assistants sociaux avaient l’habitude, qu’ils donnaient même des rendez-vous en urgence.
Elle a insisté sur le fait que les clients pouvaient s’adresser directement à Veolia, qu’ils sont "très compréhensifs" et accordent des délais pour des paiements échelonnés. Ajoutant qu’il ne fallait évidemment pas attendre le dernier avis avant fermeture, parce que Veolia ne peut pas deviner les situations, mais tient compte de ce que tout le monde sait : il y a parfois des problèmes avec la Poste, il y a des grèves, etc.
Enfin, pour rigoler, j’ai expliqué (ce qui est vrai), que depuis que la commune qui m’héberge a passé de Saur à Veolia, l’eau a un goût de chlore beaucoup plus prononcé (nous ne connaissons pas ça en Suisse).
Ah non, je fais erreur, ça n’a rien à voir. En été, c’est normal. Et d’autre part, il y a les plans Vigipirate : le gouvernement oblige les fournisseurs à augmenter la teneur en chlore pour éviter les contaminations, met en place des plans sanitaires. Les fournisseurs sont soumis à des contrôles stricts et mettent par conséquent davantage de chlore : "On ne peut rien faire, sinon remplir un pichet et ajouter quelques gouttes de citron"... D’ailleurs, il y a encore des menaces terroristes ces jours-ci.
Bref, tout va bien. De quoi se plaint le peuple, je vous le demande ?
La Suisse n’a pas encore privatisé son eau, mais a signé clandestinement l’AGCS en 1994. A ma connaissance, il n’y a eu qu’une seule tentative de privatiser une source dans un village au pied du Jura neufchâtelois, mais Attac veillait au grain et les citoyens ont lancé un référendum contre la vente de leur source. Et ont gagné. »
In fine, le « droit à l’eau », vu de Suisse, c’est pas mal. Evidemment, ils ont pas Veolia…
Lire aussi :
Le coupeur d’eau, par Marguerite Duras.
Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 septembre 2009.
commentaires
Le nouveau Règlement de service comme la Charte d’objectifs signée entre l’EPIC et la Ville de Paris proscrivent les coupures d’eau, comme en a pris acte Henri Smets, dans un rapport récemment consacré au sujet.
Bien cordialement.
Extrait du règlement de service de la régie publique Eau de Paris : "Lorsque la facture n’est pas acquittée dans le délai de quarante jours après sa date d’émission, Eau de Paris adresse un commandement de payer. Ce commandement de payer induit un surcoût de facturation égal à 3 % de la créance de base TTC.
Sauf mise en oeuvre des dispositions prévues à l’article 20-4, le branchement* peut être fermé jusqu’à paiement intégral des sommes dues, quinze jours après le commandement de payer, sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre l’abonné*. La réouverture du branchement intervient après paiement par l’abonné de l’arriéré, ainsi que des frais de fermeture et de réouverture du branchement."
Je serais très intéressé d’avoir UN exemple de coupure d’eau à Paris, pour motif d’impayé d’un particulier depuis que l’EPIC a supplanté Veolia et Suez...
Au fait, dites à votre amie suisse d’éviter d’abreuver des vaches avec de l’eau du robinet. Dans un pamphlet concernant le droit à l’eau pour les plus démunis, ça fait désordre. Franchement, à la place de Véolia, je lui aurais coupé l’eau...
Bonjour ,
hé hé ...
probablement êtes-vous de la ville ...
mais sachez qu’en "campagne", bon nombre d’éleveurs ont bien des obstacles dressés par les autorités sanitaires pour pouvoir abreuver leurs animaux avec autre chose que la sacro-sainte "eau publique" .. !!!
Donc, admettez que "les désordres" ne sont pas toujours là où on le croit ...
Cordialement
Bonjour,
En suisse, l’eau était facturée 2.1 FS (soit environ 2.84 euros) le mètre cube en 2007 à Lausanne. Voir sur ce lien par exemple :
http://www.acme-suisse.ch/IMG/pdf/TARIFICATION_EAU_SUISSE_ROMANDE.pdf
Le prix est en fait très variable d’une commune à l’autre puisqu’il variait de 0.28 à 2.9 FS en 2007 pour une série de communes de Suisse Romande selon ce même document...
Bref, des extrêmes, depuis un tarif très bas jusqu’à pas vraiment bon marché, très cher même si l’on compare à la France.
Accesoirement cette variation illustre bien le fait que le prix de l’eau ville à l’autre, et qu’il est évidemment beaucoup plus facile de produire de l’eau de qualité à la montagne et pour une petite commune qu’en plaine et pour une grosse agglomération, d’autant que certaines communes sont directement propriétaires de leurs sources (situées sur leur propre territoire et non importées par des aqueducs...).
L’eau est parfois aussi payée avec les impôts locaux, comme en Angleterre, ce qui n’est pas vraiment une incitation à économiser la ressource.
Mais il est vrai que la Suisse est l’un des pays au monde les mieux pourvus en eau, disponible en quantité et en qualité, souvent potable sans aucun besoin de traitement…
C’est dans ces pays, Suisse je n’en suis pas sûr, Canada là j’en suis certain, que l’on trouve les plus grands gaspillages.
Si les coupures ne sont effectivement pas pratiquées partout en Suisse, elles sont remplacées par une réduction du débit (impossible de prendre une douche, 1 heure entre chaque utilisation des toilettes…), on parle de « minimum vital », quelques verres d’eau donc : voir par exemple le règlement du service des eaux de La Chaux-de-Fonds :
http://www.chaux-de-fonds.ch/Fr/administration/documents/pdf/91_10.pdfEt en Suisse comme ailleurs, qu’il y ait coupure ou simple réduction de débit, les frais de rappel, de recouvrement et les intérêts de retard sont facturés !
Mais est-ce que ça existe les impayés en Suisse ?
Hier, à Boulogne Billancourt, proche banlieu de Paris je viens de découvrir une notice attachée à la porte d’entrée comme quoi Veolia va nous couper l’eau à l’immeuble le 3 janvier 2011 faute de paiement de 1600 euros au total.
Le prix de l’eau est inclut dans nos charges. Est-ce vraiment permis de couper l’eau à tout un immeuble avec ses habitants propriétaires et locataires en punition collective pour un possible défaut de paiement des charges de certains habitants ?
Ainsi on détruit la vie quotidienne, les WCs ne fonctionneront plus, le chafffage collectif à eau chaude aux radiateurs ’sarrêtera, les douches, les machines à laver, la vaisselle. Ce sera impossible à vivre.
bonjour
Nous sommes une familles recomposée avec 8 enfants de 25 a 3 ans et nous avons de grande difficulté financière , et mercredi 8 decembre 2010 on nous a couper l eau. Qu on nous disent pas que les mairie, conseil general ou regional ou meme assistante sociale sont la pour aider car en faite on nous a ecoute mais tout le monde ce renvoie la balle qu il ne peuvent rien faire qu il aurai fallu réagir avant ,qu on avais qu a payer et la nous arrivons sur le weekend et pas d eau depuis mercredi plus vraiment d hygiène, plus de chasse d eau ,plus de vaisselle ,plus de machine a laver .
Aujourd hui j ai ete verser 400€ sur une facture il est vrai de 2000€ en leur promettant qu a la fin du mois je leur reverse la meme somme (mon mari va avoir une prime de noel )mais leur reponse tant que vous avez pas payer on remettra pas . L assistante sociale les a apeler quand meme et comme par hasard la personne qui s occupe de notre dossier est absente jusqu a lundi apres midi et que cela de toute manière ne changerai rien donc si on ne peux pas payer la totaliter avant 3 ou 4 mois c est 3 ou 4 mois sans eau et je précise aussi sans chauffage car on doit remettre regulierment de l eau dans notre chaudiere tout les 4 ou 5 jours la je ne sait pas si on va tenir tout le weekend .
Donc pour finir qu on nous disent pas que VEOLIA SONT COMPREHENSIF car la même en versant cette somme qui nous restait pour vivre jusqu a la fin du mois ils en ont rien a faire...
C est ca la France et vive VEOLIA qui prend le monopole de tout...!!!
Monsieur Laimé, pour information, la régie publique de Paris coupe l’eau, aussi !! (mais cela est sans danger pour les vaches du voisin de Madame, qu’on se rassure)