L’apologue du Général Hiver n’aura donc servi à rien. A peine entraperçues les tours du Kremlin, la retraite de Russie va connaître un troisième et funeste épisode, pour Veolia. La seule issue était le blitzkrieg, mais la guerre éclair s’est enlisée dans des fondrières gelées de la Moscowa…
Jeudi dernier, à La Défense, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et place de l’Opéra à Paris, au même moment, sur le coup des 9 heures, une escouade d’huissiers accompagnée d’informaticiens débarquent au siège de Veolia, d’Engie (Ex GDF-Suez) et du fonds d’investissement Meridiam.
Chaque huissier était doté d’une ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) qui les a autorisé à saisir tous les documents relatifs à la tentative de rachat de Suez par son principal concurrent, Veolia.
Les informaticiens sont munis d’une liste d’une quarantaine de mots-clés, que Suez a fait valider par le tribunal, et peuvent dès lors « aspirer » le contenu des ordinateurs des dirigeants, comme des serveurs informatiques où sont notamment stockés tous les mails échangés, ou encore celui des téléphones portables.
L’affaire a très vite tourné à la foire d’empoigne, Veolia, Engie et Meridiam faisant rappliquer dare-dare leurs conseils pour tenter de refouler les envahisseurs…
Depuis le 5 octobre, Veolia possède déjà 30% du capital de Suez et entend désormais mettre la main sur les 70% restants en lançant, d’ici quelques mois, une offre publique d’achat (OPA). Mais Suez et les syndicats du groupe viennent par ailleurs d’obtenir en appel le « gel » temporaire desdites actions, jusqu’à la consultation des instances représentatives du personnel.
Objectif du casse, selon Jean Veil et Bruno Cavalié, les deux avocats de Suez mandatés pour cette opération : démontrer que dès le mois de juillet et avant même l’annonce officielle de l’intérêt de Veolia pour Suez en août, des discussions secrètes et confidentielles ont eu lieu afin de « verrouiller » l’opération. La procédure mise en œuvre entend en effet faire également la lumière sur l’absence d’offre de rachat concurrente à celle de Veolia qui, de fait, n’aurait pas eu le temps d’émerger, vu l’accélération du processus déclenché par le vendeur Engie au profit du groupe d’Antoine Frérot.
L’opération se poursuivait encore en début d’après-midi, après qu’une longue discussion se soit engagée sur les documents et autres mails que les huissiers veulent saisir, et ceux auxquels ils n’auront pas accès. Les documents saisis devant obligatoirement mentionner certains des mots-clés définis par le président du tribunal de commerce.
L’ensemble des informations recueillies ont été placées sous séquestre. Le tribunal de commerce de Nanterre décidera lesquelles peuvent être transmises à Suez. Entre-temps, Veolia pourra contester en justice cette procédure, ce qui devrait donner encore pas mal de boulot aux avocats de l’ensemble des parties.
Si les informations récupérées par Suez le justifient, « plusieurs actions en justice pourraient être engagées », estime le conseil de Suez, Bruno Cavalié.
En clair l’annulation de la vente par voie de justice.
Antoine Frérot se démène pour obtenir la convocation d’une assemblée générale des actionnaires de Suez, qui destituerait l’actuel conseil d’administration avant de le remplacer par des affidés.
La Macronie a fait savoir à qui de droit qu’elle ne bougerait pas le petit doigt.
Ca sent le sapin dans les faubourgs de Borodino.