Avec le projet FLUKS, Veolia veut utiliser les données des régies publiques pour devenir le leader mondial de la valorisation des données des services d’eau. Première étape avant de tenter de s’approprier l’ensemble des données publiques sur l’eau, ce qui représenterait un danger majeur pour la démocratie.
En tirant profit du besoin de partager l’information entre les régies, Veolia va créer une nouvelle place de marché en semi « open data » sur internet, qualifié "d’agrégateur des connaissances d’exploitation".
Veolia Eau France est déjà le leader du marché en volume de données susceptibles d’être diffusées. L’entreprise a dès lors la capacité d’élaborer, par exemple, des comparateurs sur les pertes en eau des différents réseaux, grâce à la fiabilité et à la quantité de ses propres données.
Ce leadership peut être promu sur Internet, où Veolia a l’ambition de devenir la référence incontournable sur le plan mondial de ce nouveau segment de marché.
L’entreprise espère neutraliser les premiers rapprochements initiés sur le même thème par Eau de Paris et la nouvelle régie de Nice-Métropole, adhérents du réseau France Eau Publique, créé en 2012.
Pour Alain Franchi, missionné par Antoine Frérot, P-DG de Veolia Environnement pour restructurer Veolia Eau France, la filiale historique du groupe en nette perte de vitesse depuis quelques années : « Les réinternalisations sont massives. La montée en puissance des agglomérations va accélérer ce phénomène. La délégation de service public (DSP) décline et se meurt. Dès lors, il convient de privilégier une organisation reposant sur des métiers de spécialité. »
Une nouvelle holding, « Nova », a été conçue pour porter des activités spécialisées, sur une base de « métiers » et non plus d’implantations géographiques. Le projet doit permettre d’atteindre une taille critique suffisante permettant de s’adapter à la baisse des prix du marché.
En effet, le prix de l’eau a diminué de -28 % en moyenne. Il convient donc d’élargir l’offre des prestations spécialisées à des marchés autres que ceux de l’eau et de l’assainissement. Ce qui implique de créer une entité managériale capable de choisir les projets, le nombre de « capsules » qui vont être créées à cet effet étant défini en fonction des besoins.
Le projet s’est appuyé sur le constat du bouleversement de l’économie engendré par Internet. Ce processus s’est accéléré au cours des cinq dernières années, transformant les relations entre les entreprises et les clients institutionnels.
Par ailleurs « l’open data » commence à bouleverser l’économie de la donnée, en incitant tous les acteurs à les diffuser librement.
L’entreprise a constaté que le savoir-faire de Veolia Eau France est de moins en moins valorisé dans les appels d’offres de DSP, qui privilégient fréquemment l’offre la moins coûteuse. Le phénomène de retour en régie plaide lui aussi en faveur de la mutualisation des savoir faire.
Par ailleurs le système d’exploitation de Veolia Eau France a vieilli. C’est le cas en particulier de l’application « Lerne ». Bien qu’étant un outil éprouvé, le « reporting » repose sur des tableaux Excel, ce qui n’est plus satisfaisant aujourd’hui.
Veolia Eau France a toujours disposé de structures susceptibles d’être utilisées en cas de besoin. Ces sociétés étaient identifiées par le sigle « CLIG » (Compagnie locale d’investissement et de gestion), et adaptées aux besoins de l’entreprise.
Dans le cadre du projet FLUKS, l’entreprise a décidé d’utiliser Clig 29, filiale à 100 % de VE-CGE. À terme, cette entité serait rebaptisée « Nova Veolia » et deviendra la holding de l’ensemble des « capsules » créées ultérieurement. Elle portera, au nom de VE-CGE, le lien capitalistique avec toutes les sociétés qui lui seront rattachées. « Nova Veolia » n’a pas vocation à accueillir du personnel. Les capsules seront donc des filiales de « Nova Veolia », elle-même détenue à 100 % par Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux SCA.
Nouveau partenariat VEOLIA – BRGM
Dans un registre voisin, un nouvel accord de partenariat entre Veolia et le BRGM a également été rendu public le 2 avril 2015.
Un premier accord de recherche avait été conclu entre les deux partenaires en 2007. Il avait favorisé la réalisation de plusieurs projets, notamment sur l’utilisation des eaux usées pour recharger les nappes.
Le sol a des capacités épuratrices naturelles qui peuvent compléter les processus de traitement opérés dans les stations d’épuration. L’infiltration d’eaux usées traitées peut être envisagée pour recharger de manière artificielle les nappes. Cela peut aussi contribuer à lutter contre l’intrusion d’eau salée dans les nappes littorales. Simulations numériques, expérimentations in situ sur un bassin d’infiltration d’eaux usées traitées, observations sur une colonne de sol reconstitué ont ainsi été au programme des collaborations passées.
Cinq sujets thématiques majeurs font l’objet du nouvel accord :
• réhabilitation de sites contaminés,
• « mines urbaines » et valorisation des matières minérales,
• ressources secondaires dont les métaux et terres rares,
• promotion des solutions de réutilisation de l’eau en réinjection de nappes ou stockage souterrain,
• gestion des ressources hydrogéologiques complexes.
Le partenariat doit permettre de réaliser des études conjointes, de développer de nouveaux concepts, ou encore de tester des produits en France ou à l’étranger.
Noter ici que très discrètement, l’an dernier, le BRGM et l’ONEMA ont créé le pôle INSIDE, qui s’occupe précisément des données sur l’eau, après le scandale de l’ONEMA…
Un enjeu colossal
La question des données publiques sur l’eau françaises avait brutalement fait irruption avec le scandale de l’ONEMA, révélant des enjeux jusque là cachés : le risque de marchandisation des données sur l’eau, que nous avions alors dénoncé, nous heurtant à l’incrédulité, non pas générale, mais soigneusement attisée par ceux qui y avaient intérêt…
Depuis, l’audition d’une quinzaine d’experts données de l’ONEMA par le groupe opérationnel Levraut avait confirmé l’ampleur du désastre : des données ni fiables, ni interopérables, et parfois même… irrécupérables…
Ensuite un audit conduit par l’AFNOR, dont les conclusions ont suscité un violent conflit entre l’équipe de l’AFNOR et celles de la DEB, des Agences et de l’ONEMA, est venu compléter le tableau du désastre.
Dans le même temps, il faut se souvenir que c’est Pascal Berteaud, ex-directeur de l’eau durant la décennie 2000, « inventeur » de l’ONEMA, qui, après l’avoir préparé au cabinet de NKM jusqu’en 2010, a assuré, en sa qualité de directeur de l’Institut géographique national (IGN), à partir de 2010, la transcription en droit français de la directive INSPIRE qui, pour faire simple, promeut la mise à disposition du public de toutes les données environnementales.
En apparence, en apparence seulement, l’IGN aurait freiné des quatre fers pour préserver son business des ravages de « l’open data ».
En réalité VEOLIA, encore, a participé et participe toujours à plusieurs programmes de RD dans le domaine de l’eau et de l’environnement mis en oeuvre par l’IGN.
Pour faire simple il s’agit, tout en captant les flux croissants de données qui sont mis à disposition du public, comme en attestent par exemple les annonces récentes de l’OIEau, s’agissant de stations de mesure de la qualité des eaux continentales, ou des masses d’eau de transition, de construire step by step une gigantesque place de marché sur laquelle, à terme, les drones que VEOLIA utilise déjà dans des campagnes de relevés topographiques et hydrologiques alimenteront en continu les solutions progicielles que l’entreprise développe discrètement (voir le Grand Nancy…), et qui seront dans un avenir proche les outils incontournables de la gestion des petit et grand cycle de l’eau…
Les lecteurs d’Eaux glacées n’en seront pas surpris.
Tout cela n’intéresse strictement personne, … à part nous et eux.
Bienvenue dans le monde du Data Worldwide Water Consortium.
Quand les filiales dédiées seront placées en bourse, cassez vos tirelires…
commentaires
Comme tous les évangélistes de l’Open data, domaine en friche et qu’il faut donc investir au plus tôt, vous allez nous bailler des fadaises de bisounours, ou l’Open data tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil... Et les mêmes de s’offusquer de TAFTA, Birldeberg et autres démonologies complotistes. Ouvrez les yeux please, vous avez déjà vu Veolia faire quelque chose gratuitement ? Moi non...
Un peu de calme s’il vous plait avec la théorie du complot des marchands d’eau.. Si les données basculent toutes en Open Data, elles deviennent gratuites et accessibles à tous. On ne peut donc pas parler de marchandisation des données sur l’eau, bien au contraire.
Si Veolia veut créer un accès facilitant l’accès et la lecture des données, tous les autres sont libres de le faire aussi. Jusqu’à présent, les petits innovateurs ont toujours fait de meilleurs outils que les grands groupes sur ces sujets.
Quant à voir Veolia derrière Pascal Bertaud et INSPIRE, pour tremper dedans tous les jours, je n’ai jamais vu personne des grands vendeurs d’eau s’intéresser à ces sujets. Si vous avez des informations, partagez les.
un fervent défenseur de l’open data et des données sur l’eau