La Martinique occupe la troisième place et la Guadeloupe la sixième des départements français qui ont consommé le plus de glyphosate, entre autres pesticides, en 2017. Après le scandale du chlordécone un sénateur guadeloupéen interroge donc le ministère de l’Agriculture pour savoir comment in entend agir en la matière. La réponse est dramatiquement insuffisante.
- La question écrite n° 08202 de M. Dominique Théophile (Guadeloupe - LaREM), publiée dans le JO Sénat du 20/12/2018 - page 6515 :
« M. Dominique Théophile attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’exposition exceptionnelle de la Guadeloupe et de la Martinique aux risques chimiques liés au glyphosate.
Le glyphosate est le composant d’herbicide le plus utilisé au monde et il a fait l’objet de nombreux débats ces derniers mois, tant au niveau national qu’européen.
Son interdiction à court terme n’a pas été inscrite dans la loi.
Le 20 novembre 2018, l’association Générations futures a publié une étude cartographiant les départements français qui ont consommé le plus de glyphosate, entre autres pesticides, en 2017.
La Martinique y occupe la troisième place et la Guadeloupe la sixième. Ces deux départements ne sont donc pas les seuls à être touchés par l’utilisation de ces pesticides, mais ils sont en tête de classement.
Plus inquiétant encore, sur ces territoires, les effets du glyphosate se combinent à ceux de la chlordécone, molécule cancérigène ayant pollué les sols de la Guadeloupe et de la Martinique pour des siècles.
En septembre 2018, le président de la République a reconnu que la pollution des Antilles au chlordécone était un « scandale environnemental » pour lequel l’État devait prendre ses responsabilités.
C’est bien ce dont il est question. L’usage du glyphosate combiné à la pollution à la chlordécone crée un effet cocktail dont on peut redouter le pire pour nos concitoyens.
Comme l’a soutenu l’association médicale de sauvegarde de l’environnement et de la santé de Martinique, un tel effet cocktail devrait impliquer un principe de précaution.
Des initiatives existent et de plus en plus d’agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique tentent de remplacer le glyphosate par d’autres méthodes.
Cela implique toutefois des efforts importants et un changement de modèle dont les agriculteurs ne peuvent pas toujours supporter le coût. Il s’agit parfois de procéder à un désherbage à la main, pouvant nécessiter une importante main-d’œuvre et de nombreuses heures.
Les solutions alternatives permettent toutefois une plus grande sécurité sanitaire pour les exploitants et les consommateurs, ainsi que, souvent, une meilleure qualité du produit.
Ainsi, il lui demande si le Gouvernement envisage des mesures de soutien particulières pour les agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique qui souhaitent renoncer à l’usage du glyphosate. En effet, la pollution massive et pérenne de ces territoires au chlordécone est à la source d’une situation d’urgence toute particulière pour la santé de nos concitoyens sur ces territoires. »
- La réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, publiée dans le JO Sénat du 11/07/2019 - page 3702 :
« Compte tenu des incertitudes sur son caractère cancérogène et des risques pour la biodiversité, le Gouvernement a présenté le 22 juin 2018 un plan d’actions pour la sortie du glyphosate.
L’objectif est de mettre fin aux principaux usages d’ici trois ans au plus tard et d’ici cinq ans pour l’ensemble des usages, tout en précisant que les agriculteurs ne seront pas laissés sans solution.
Les modalités retenues se fondent sur la responsabilisation de tous les acteurs (producteurs, industriels, distributeurs et consommateurs) pour identifier, déployer et valoriser les alternatives.
L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail procède actuellement, en lien avec l’institut national de la recherche agronomique, à l’évaluation comparative des alternatives au glyphosate.
Cette évaluation conduira à retirer les produits contenant du glyphosate pour lesquels des alternatives existent à un coût économique et pratique supportable par les agriculteurs.
Concernant le plan d’actions pour la sortie du glyphosate, il comporte notamment : la création d’un centre de ressources mis en ligne depuis le début de l’année 2019 pour rendre accessibles à l’ensemble de la profession agricole les solutions existantes pour sortir du glyphosate.
Un volet dédié aux cultures tropicales est en cours de développement ; le renforcement des actions d’accompagnement dans le cadre du programme Ecophyto pour diffuser les solutions et trouver de nouvelles alternatives pour les usages pour lesquels il demeurerait des impasses.
Ainsi, 60 % de l’enveloppe nationale Ecophyto de 41 M€ (issue de la redevance pour pollution diffuse sur les ventes de produits phytopharmaceutiques) pour 2018 ont été dédiés à l’évolution des pratiques, qui s’appuie notamment sur le réseau DEPHY, l’accompagnement de collectifs de fermes en transition (30 000 fermes) et le portail EcophytoPIC - portail de la protection intégrée des cultures.
Le document de synthèse « le glyphosate dans le réseau DEPHY Ferme » élaboré par la cellule nationale d’animation, montre dans sa partie dédiée aux cultures tropicales que, malgré l’existence de freins, 76 % des agriculteurs du réseau ont des trajectoires vertueuses du point de vue de l’utilisation du glyphosate.
L’appel à projets national 2018 sur le plan Ecophyto, dont les résultats seront connus très prochainement, contient une action dédiée aux outre-mer demandant que la réflexion sur les approches alternatives s’oriente principalement autour de la gestion de l’enherbement via les évolutions culturales, le développement des plantes de couvertures, de solutions de paillage et de mulching.
Un montant indicatif de 660 000 € est prévu, sous réserve de la qualité des projets, sur les 4 M€ de l’enveloppe de l’appel à projets national.
Le plan comporte également la mobilisation des réseaux territoriaux des chambres d’agriculture, et de l’enseignement agricole pour faire connaître et promouvoir les alternatives au glyphosate sur l’ensemble des territoires avec l’appui des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural, et des coopératives agricoles.
Le plan de sortie du glyphosate, et plus généralement le plan Ecophyto avec une action dédiée (construire avec les outre-mer une agro-écologie axée sur la réduction de l’utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques), portent donc une attention particulière aux outre-mer et à la prise en compte des spécificités ultra-marines.
Sur le budget 2018, des actions structurantes ont été financées à hauteur de 260 000 €.
Comme le mentionne le rapport de l’institut national de la recherche agronomique, l’adaptation à un arrêt du glyphosate passe par des changements profonds dans les exploitations (robotisation renforcée, développement de l’agriculture de précision, innovations variétales, rotations, gestion des sols, etc.). Elle nécessite donc un important accompagnement des agriculteurs.
Outre les actions précédemment citées, le volet agricole du grand plan d’investissement, doté de 5 Mds€, a identifié l’agroécologie et la réduction des intrants comme priorité transversale.
Cet accompagnement se fait à deux échelles : celui des exploitations agricoles via les mesures agro-environnementales et climatiques, le soutien à l’agriculture biologique et l’aide aux investissements (plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles) et celui des filières via le soutien à la recherche, l’innovation et l’expérimentation ainsi que les projets collectifs de filière.
S’agissant du chlordécone, le plan d’action III 2014-2020 a été récemment renforcé par des actions spécifiques qui seront déployées en 2019 et 2020.
L’objectif est bien, comme annoncé par le Président de la République en octobre dernier, de viser le « zéro chlordécone » dans l’alimentation. »