Faisant droit, à dix jours de la présidentielle, à tous les diktats de la FNSEA, le gouvernement vient de les autoriser, par décret, à cultiver leurs jachères… au motif de la guerre en Ukraine.
Conformément à la dérogation ouverte le 23 mars par la Commission européenne, la France va autoriser la mise en culture des terres en jachère afin d’accroître les productions.
Cette mesure vise à répondre à la crise des matières agricoles accentuée par la guerre en Ukraine, sachant que "la Russie et l’Ukraine représentant à elles seules 30% des exports mondiaux de blé", rappelle le ministère de l’Agriculture, dans un communiqué du 31 mars, ce qui provoque de fortes tensions actuellement sur le marché des céréales (et aussi des engrais).
Aussi, un arrêté publié le même jour autorise-t-il les agriculteurs à conduire sur leurs terres en jachère "une culture de printemps (des protéagineux, des oléagineux, des céréales - hors chanvre industriel, en raison des modalités de contrôle particulières pour cette culture)", à "cultiver en mobilisant normalement les intrants nécessaires, dans le respect des règles applicables" et à "faucher ou faire pâturer cette surface (y compris dans le cas d’un céréalier, par exemple pour un voisin éleveur)". Les jachères mellifères ne sont pas concernées.
Cette mesure doit "contribuer à la sécurisation des approvisionnements français et européens, pour l’alimentation humaine et animale, mais également aux équilibres mondiaux notamment pour les pays du pourtour de la Méditerranée et d’Afrique qui sont dépendants des importations de céréales pour leur sécurité alimentaire", précise le ministère.
Les surfaces resteront comptabilisées en jachère ce qui fait qu’il n’y aura pas d’incidence sur le calcul des critères d’éligibilité au paiement vert.
(Money, money, money...)
En France, les jachères représentent 300.000 hectares, soit 1% de la surface agricole utile et 2% des terres arables.
Un mensonge déconcertant
Le lobbying de la FNSEA, et l’acquiescement immédiat de l’Etat, font fi du réel.
Voir l’article de Jean-François Collin, haut-fonctionnaire, intitulé :
"Risques de pénurie alimentaire l’incohérence des solutions productivistes"
https://aoc.media/opinion/2022/03/30/risques-de-penurie-alimentaire-lincoherence-des-solutions-
productivistes/
" (...)
Il est regrettable que la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine soit utilisée pour remettre en avant un modèle agricole productiviste totalement incohérent avec les efforts déployés par ailleurs pour lutter contre le changement climatique.
(...)
En France, 11 % seulement de la production céréalière sont consacrés à l’alimentation humaine.
La moitié de la production est exportée sous forme de graines ou de produits transformés, de façon à peu près équivalente vers le reste de l’Union européenne et vers les pays tiers.
17% sont consacrés à l’alimentation animale.
Près de 4% (soit plus de 2 millions de tonnes de céréales) servent à produire de l’éthanol. Moyennant quoi la France représente le quart de la production de bioéthanol de l’Union européenne.
Nous utilisons aussi environ 3 millions de tonnes de blé pour produire de l’amidon utilisé pour produire des sirops de glucose, des caramels colorants et beaucoup d’autres produits très appréciés des industries agroalimentaires et participant à la production de tous ces produits ultra transformés dont les effets sur la santé sont régulièrement dénoncés."
– Référence : arrêté du 28 mars 2022 établissant des dérogations dans le cadre du paiement pour les pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l’environnement pour la campagne 2022, JO du 31 mars 2022.