Dans une opération de lobbying sans précédent, une trentaine de sénateurs et sénatrices, tous courants politiques confondus, ont assailli le gouvernement en avril dernier, en lui adressant la même question écrite, rédigée par les lobbyistes de la FNSEA et des irrigants. Après la sécheresse caniculaire qui a sévi tout l’été, le gouvernement, par la voix du ministre de l’Agriculture, a tout accordé à la profession agricole, en s’engageant fin août, avec l’aval du Premier ministre, à faciliter la construction de 60 nouveaux projets de gigantesques retenues d’eau dans les trois prochaines années.
Une capitulation en rase campagne. Alors qu’une mission d’expertise conduite par le préfet Bisch, dont la publication avait fait scandale l’an dernier, au motif que la majorité des 60 projets présentés par les irrigants étaient inadéquats, sinon parfaitement ineptes, Didier Guillaume, et le Premier Ministre, Edouard Philippe, ont décidé, à six mois des municipales, de tout lâcher à la FNSEA…
La publication du rapport Bisch l’an dernier avait doublement fait scandale.
Ses annexes, des analyses d’une soixantaine de projets réalisées par les Préfets de région, et qui concluaient dans la majorité des cas qu’il s’agissait d’inepties pures et simples, avaient purement et simplement été consurés lors de la publication du rapport, par Stéphane Travert et Monsieur De Rugy, qui nous bassine en cette rentrée en victime éplorée des complots de Mediapart et désormais d’EELV, pour faire bonne mesure…
La réponse aux trente questions posées par les sénateurs et sénatrices, sous l’habillage fallacieux du respect des conditions posées par les désormais fameux “projets de territoire” exprime dans sa conclusion les pressions qui s’exercent déjà, et vont s’accroître, au sein des Comités de bassin et des Agences de l’eau pour tout lâcher à la FNSEA et aux irrigants, en finançant sur fonds publics des projets totalement ineptes.
“Make our irrigation great again !”
-La réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire, publiée dans le JO Sénat du 05/09/2019 - page 4579 :
« Les impacts du changement climatique sur les ressources en eau sont de plus en plus perceptibles par les collectivités, acteurs économiques (industriels, agriculteurs) et citoyens.
Face à une ressource de moins en moins abondante, la sobriété doit être recherchée par tous. Face à ces défis, le Gouvernement a décidé de généraliser la méthode des projets de territoires pour la gestion de l’eau (PTGE) afin de garantir une démarche concertée localement avec tous les usagers de l’eau pour améliorer la résilience des territoires face aux changements climatiques et mieux partager les ressources en eau.
À la suite des recommandations de la cellule d’expertise du préfet Bisch (2017-2018), l’instruction sur les projets de territoire pour la gestion de l’eau adressée aux préfets a été élaborée et publiée le 7 mai 2019.
Elle précise le rôle de l’État et remobilise les acteurs pour élaborer des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE).
Parmi les solutions possibles pour une gestion équilibrée de la ressource en eau figure celle relative aux retenues de stockage de l’eau. La question de la pertinence d’une retenue doit être abordée dans le cadre d’une approche globale tenant compte des économies d’eau, des pratiques agricoles plus résilientes, des innovations technologiques en matière d’irrigation et de la capacité de remplissage des retenues dans le contexte du changement climatique.
L’instruction, dans un souci de respecter la subsidiarité des territoires, indique que le projet de territoire doit aboutir à un programme d’actions qui détaille les volumes d’eau associés aux actions en précisant la période de prélèvement (étiage et hors étiage).
En l’absence de schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) ou de répartition de volumes par le SAGE, le PTGE doit aboutir à la répartition, sur toute l’année, des volumes d’eau par usage. Ces volumes doivent être compatibles avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
En tout état de cause, ils respectent les équilibres hydrologiques, biologiques et morphologiques.
La démarche et les actions portés par les PTGE mobiliseront plusieurs sources de financement : les usagers, les collectivités territoriales, les financeurs privés, les fonds européens, les agences de l’eau.
L’instruction du Gouvernement rénove les modalités d’intervention des agences de l’eau.
Pour les projets de retenue ou transfert concernant l’irrigation agricole, la part finançable par les agences de l’eau sera la partie de l’ouvrage correspondant au volume de substitution (volume prélevé en période de hautes eaux ou transféré depuis une ressource qui n’est pas en déficit en substitution des volumes prélevés en période de basses eaux).
Concernant les ouvrages multi-usages (eau potable, usages industriels, soutien d’étiage, irrigation), les agences de l’eau pourront éventuellement les financer au-delà de la seule substitution dans les conditions fixées par les PTGE, selon les priorités des comités de bassins où les différents usagers sont représentés. »
Lire aussi .
– La Confédération paysanne défend le stockage naturel de l’eau
Terre-Net, 8 septembre 2019.