Dans une thèse qu’elle soutiendra le 7 décembre prochain, une étudiante de Sciences-Po présente une étude comparative des politiques de reconquête de la qualité de l’eau face aux pollutions agricoles en Bretagne et aux Pays-Bas. Elle y souligne notamment que « les seules perspectives de changement pourraient venir en France de l’intervention dans le processus d’action publique de la Commission européenne… » Une thèse d’une brûlante actualité.
Magalie Bourblanc, étudiante à Sciences-Po, soutiendra le 7 décembre 2007 une thèse de doctorat en science politique et en sciences du management, réalisée en co-tutelle à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Université Radboud-Nijmegen (Pays-Bas), sous la direction de Daniel Boy (directeur de recherche FNSP/Cevipof) et de Pieter Leroy (Professeur en science politique de l’environnement).
Cette thèse est intitulée : "Les politiques de reconquête de la qualité de l’eau face aux pollutions agricoles : Changement et stabilité dans les arrangements institutionnels en Côtes-d’Armor (France) et dans le Noord-Brabant (Pays-Bas)".
Outre les deux directeurs de thèse, le jury de thèse sera composé de Patrick Hassenteufel (Professeur des universités en science politique), Pierre Lascoumes (Directeur de recherche CNRS/Cevipof), Pierre-Benoît Joly (Directeur de recherche à l’INRA) et de Bernard Barraqué (Directeur de recherche CNRS/ Ecole nationale des Ponts et Chaussées).
La soutenance, ouverte au public, aura lieu le 7 décembre 2007 à 9h et se tiendra au 3è étage de l’école doctorale (salle de réunion) au 199 Bd St Germain, à Paris (Métro : ligne 12 Rue du Bac ; ligne 4 St Germain-des-Près ; ligne 10 Sèvres-Babylone).
Résumé de la thèse :
"Si aux Pays-Bas, le problème des pollutions agricoles a catalysé, à l’issue de vingt années d’action publique, le démantèlement de la coalition d’acteurs corporatistes agricoles, en France en revanche, les problèmes de pollutions agricoles et de qualité de l’eau n’ont fait qu’accélérer la concentration des élevages et le modèle intensif dans la droite ligne du paradigme productiviste promu par la coalition d’acteurs agricoles corporatistes depuis la modernisation agricole des années 1960.
Cette thèse de doctorat se propose d’éclairer un tel paradoxe, à savoir la forte stabilité des arrangements institutionnels agricoles dans un cas (France) et la déstabilisation des arrangements dans un autre (Pays-Bas) alors que les deux cas d’études avaient été sélectionnés parce qu’ils présentaient au départ le plus de similitudes possibles (même arrangement institutionnel au départ ; même contexte culturel ; même problème environnemental etc.).
A cette fin, cette thèse utilise le concept d’« arrangement institutionnel » (Arts, Leroy, Van Tatenhove, 2000 ; 2006) en lui apportant toutefois des modifications substantielles.
Selon Arts et al., le concept d’« arrangement institutionnel » est composé de quatre dimensions interconnectées :
– la coalition des acteurs majoritaires ;
– leurs ressources ;
– les règles du jeu ;
– les discours.
C’est l’analyse fine de ces composantes et de leurs interactions qui permet de mettre en lumière des aspects négligés jusque-là de la dynamique de changement aux Pays-Bas et la résistance à ce changement en France.
En effet, la mise en perspective du cas français et du cas néerlandais permet de déconstruire de fausses évidences et l’inéluctabilité du changement aux Pays-Bas, en soulignant des éléments essentiels du débat et notamment des facteurs structuro-économiques relatifs à l’organisation des différentes filières de production agricole : une organisation sectorielle de la production agricole qui est elle-même l’héritière d’une histoire sociale et politique spécifique à chaque pays.
En abordant cet aspect, la thèse montre que la désintégration sectorielle caractérisant la filière porcine néerlandaise, fait à son tour se fissurer l’unité professionnelle agricole et à terme, la coalition corporatiste des acteurs agricoles elle-même, remettant en cause la stabilité des arrangements institutionnels dans leur ensemble.
L’examen des composantes internes de ces arrangements agricoles s’est également révélée indispensable pour saisir les conditions d’un changement d’arrangement en France, en permettant notamment d’analyser des phénomènes de « dépendance au sentier » (dans une perspective à la fois cognitive et rationaliste), phénomènes de dépendance au sentier qui expliquent le caractère hyper-complexe de la réglementation Nitrates en France et des instruments d’action publique utilisés, ainsi que les obstacles posés à tout mécanisme de changement incrémental comme à toute dynamique de changement par apprentissage.
Les seules perspectives de changement pourraient venir en France de l’intervention dans le processus d’action publique de la Commission européenne, sollicitée par les groupes environnementalistes locaux, groupes environnementalistes qui demeuraient jusque-là les éternels exclus de la décision publique alors même qu’ils s’avèrent être des acteurs centraux de la mise à l’agenda du problème et de l’animation des controverses environnementales autour de l’élevage intensif.
Ces derniers développements étant survenus dans le courant de l’année 2007, il faudra plus de temps pour déterminer quelle portée attribuer à l’intervention de la Commission européenne dans ce processus.
Enfin, la thèse discute le poids des acteurs et des intérêts environnementaux dans le processus de changement au sein des deux pays et critique la théorie de la « modernisation écologique » (Mol, Spaargaren, 2002) pourtant considérée comme s’appliquant particulièrement bien au contexte néerlandais.
La thèse montre notamment à quel point la dynamique de changement aux Pays-Bas est imputable à la configuration interne spécifique de la coalition agricole majoritaire au sein des arrangements institutionnels plus qu’au poids des arguments environnementaux dans le débat."
Le dossier de l’eau en Bretagne :
Le site d’Eau et rivières de Bretagne
Sur le conflit en cours,les communiqués de presse de 2007
L’association S-Eau-S
Alerte rouge sur le porc en Bretagne
Le principe « pollué-payeur » : une caricature en Loire-Bretagne
La gestion de l’eau à la française ? Un modèle déséquilibré et non durable !
Captages d’eau non-conformes : les mesures décidées par la France
22 mars : Une journée mondiale de l’eau agitée en Bretagne
Retour à la « casse départ » en Bretagne
Lisier en Bretagne : l’overdose !
« Pour éviter l’amende européenne : le programme d’action prévu contre les nitrates en Bretagne »
Nitrates en Bretagne : l’Europe se discrédite
Les eaux glacées du calcul égoïste
Nouvelle guerre de l’eau en Bretagne
Guerre de l’eau en Bretagne (3) : les écologistes manifestent le 22 mars, journée mondiale de l’eau
Guerre de l’eau en Bretagne (4) : l’heure de vérité approche
Guerre de l’eau en Bretagne (5) : le lobby agricole déraille
Guerre de l’eau en Bretagne (6) : l’insurrection des consciences
Pollution en Bretagne (9) : alerte à la dioxine et aux micropolluants
Pollution de l’eau : la fin de l’exception bretonne ? (10)
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la pollution de l’eau en Bretagne (11)
Une émission de France 3 Bretagne-Pays de Loire sur la pollution de l’eau en Bretagne
(En breton, sous titré. Faire un clic droit sur l’image, suivre /zoom/ puis cliquer : plein écran)
commentaires
En gros, pouvez-vous me dire ce que signifie ce texte, en français ? (Je parle aussi l’anglais, l’espagnol et un peu l’allemand, mais pas le sabir...)
Bonjour,
En substance la filière porcine hollandaise s’est désagrégée sous le poids de ses contradictions internes, et non sous l’effet de l’action de l’Etat ou de groupes de défense de l’environnement. A contrario en Bretagne le seul espoir réside dans l’intervcention de l’Europe, compte tenu de l’alliance objective qui s’est constituée entre les représentants de la profession agricole et l’Etat...
Bien cordialement.
Hé ben voilà qui devrait décoiffer toute l’agriculture productiviste bretonne et ses soutiens (Etat, zélus de tous bords, grande distribution.....). Enfin du sérieux. Une thèse , Mazette. De sciences-po. Remazette.
Au fait, sciences po, c’est pas la nursery qui formate les "décideurs" qui nous font notre si belle société à eaux nitratées ? Si. Ben mince alors. C’est ballot !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!