Alors que les alertes se multiplient sur les côtes françaises, notamment dans le Nord et sur la façade Atlantique, l’Agence européenne de l’environnement vient de publier une série de projections particulièrement alarmantes sur les conséquences du changement climatique.
Comme c’est désormais d’usage dans ce type d’étude, les chercheurs ont élaboré plusieurs scénarios pour modéliser l’évolution attendue d’ici à la fin du siècle – l’un basé sur le respect des accords de Paris, c’est-à-dire un réchauffement limité à 2 ° C, l’autre sur l’hypothèse d’un réchauffement de 4 ° C.
Ceci sachant que les experts s’accordent généralement à dire que les accords de Paris ne seront pas respectés, vu la trajectoire d’évolution des données depuis 2015.
Montée des eaux et inondations
Le niveau de la mer augmente déjà et va continuer de le faire, sous l’effet combiné de la fonte des glaces et de la dilatation des eaux, dues au réchauffement. Mais de combien ?
Dans l’hypothèse la plus optimiste, le niveau de la mer s’élèverait au cours des décennies à venir de 20 à 40 centimètres.
Pour la plus pessimiste – qui n’est hélas pas la moins réaliste – on parle de 60 cm à 1,10 m.
L’ensemble des communes littorales sera donc concerné, sans compter, à l’intérieur des terres, celles qui sont situées dans les estuaires. Par exemple, les experts de l’AEE montrent que l’élévation du niveau de la mer impacterait directement la ville de Rouen ou encore tout l’estuaire de la Gironde.
La Vendée, la Charente, une partie du Cotentin, ainsi qu’un large arc allant, en Méditerranée, de Salon-de-Provence à Perpignan, pourrait voir une partie de la côte reculer – à moins de mettre en place, d’ici là, des protections contre l’avancée de la mer.
Selon l’Agence, le risque de submersion pourrait devenir 500 fois plus fréquent dans la région de Perpignan, par exemple.
De même, l’Agence prévoit-elle une augmentation très inquiétante des phénomènes de fortes pluies, génératrices d’inondations.
Avec un scénario à + 4 ° C, le risque de fortes pluies augmentera été comme hiver : en été, le risque touchera surtout la partie nord du pays – au nord de la Loire – avec une augmentation de ces phénomènes de 15 à 25 %.
En hiver, c’est tout le pays qui sera touché, mis à part une mince bande allant des Pyrénées au Tarn. Dans certaines régions (Nord, Pas-de-Calais, Rhône, Franche-Comté), l’élévation du risque atteindrait plus de 35 %.
Sécheresse et incendies
À l’inverse, les épisodes de « sécheresse grave » se multiplieraient aussi, quels que soient les scénarios. Et là encore ils toucheraient l’ensemble du pays, avec une occurrence d’épisodes de sécheresse par périodes de 30 ans multiplié par 1,5 à 2,5.
Seule la pointe extrême de la Bretagne et une partie de l’est du pays (Franche-Comté, Rhône, massif des Alpes) échapperaient à ce phénomène.
Corollaire de la sécheresse : les incendies de forêt devraient eux aussi se multiplier, et gagner des régions jusque-là épargnées. Même avec le scénario optimiste, le risque d’incendies de forêt augmenterait de 5 à 10 % sur l’ensemble du pays (et 20 % au sud de la Loire). Avec un scénario à + 4 ° C, le risque augmenterait de 20 % au nord de la Seine, et de 40 % au sud de celle-ci.
Conséquences effrayantes
Les conséquences de ces changements climatiques prévisibles sont effrayantes : des villes entières pourraient être noyées à la fin du siècle, tandis que les revenus agricoles pourraient être affectés de façon considérable – à moins d’une adaptation qui devrait commencer, estime l’Agence, dès aujourd’hui.
Elle chiffre les pertes de revenus possibles pour les seules villes portuaires à 31 milliards d’euros !
Un autre secteur est particulièrement inquiet de ces évolutions : c’est celui des assurances, qui estime déjà qu’à l’horizon de 30 ou 40 ans, un certain nombre de biens ne seront tout simplement « plus assurables » tant le risque sera élevé.
Ces projections vont forcément alimenter les réflexions de bien des élus, tant elles sont des conséquences non seulement sur les zones actuellement urbanisées mais également sur l’aménagement et l’urbanisation de demain.
Va-t-on continuer à « construire des routes, des hôtels, des zones industrielles dans des zones dont on sait qu’elles seront inondées demain ? », demandait en réaction sur BFMTV l’eurodéputé Pascal Canfin, ancien directeur général du WWF France.
Pointant des actifs qui seront forcément impactés et « ne peuvent pas être délocalisés » (le tunnel sous la Manche, le port du Havre, les chantiers navals de Saint-Nazaire », l’eurodéputé a posé « la question fondamentale » : « Qui va payer » ? » « Il faut accepter que dans des tas d’endroits, sur la moitié de l’île de Ré, la moitié de l’île d’Oléron, une grande partie du littoral aquitain et du Languedoc, du Nord-Pas-de-Calais, il va falloir reculer. Qui va payer le fait que certaines maisons qui sont en bord de mer valent des centaines de milliers d’euros alors que dans 30 ans, elles ne vaudront sans doute plus rien parce qu’elles ne seront plus habitables ? », a martelé Pascal Canfin, qui estime que ces précisions ne sont aujourd’hui pas suffisamment prises en compte « dans nos règles bancaires, d’urbanisme et d’assurance ».
Le coût de la relocalisation}
« Nous n’avons pas le choix, il faudra éviter de nouvelles constructions et relocaliser un certain nombre d’habitations et d’équipements », a déclaré la ministre de la Transition écologique et solidaire, rappelant que « sur une partie de notre territoire, le trait de côte recule de 50 cm à 1,5 m par an ».
Le gouvernement veut « relocaliser » les logements menacés par l’érosion maritime, soit entre 5 000 et 50 000 habitations estimées d’ici 2100, a indiqué mercredi dernier la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne.
« Nous voulons donner des outils aux élus pour identifier les zones qui sont menacées à moyen terme, c’est-à-dire dans moins de trente ans, » déclare la ministre dans une interview au Parisien avant un Conseil de défense écologique qui devait se tenir mercredi midi à l’Élysée. « Là, nous n’avons pas le choix, il faudra éviter de nouvelles constructions et relocaliser un certain nombre d’habitations et d’équipements », poursuit Élisabeth Borne.
Rappelant que « sur une partie de notre territoire, comme en Vendée ou dans la Somme, le trait de côte recule de 50 cm à 1,5 m par an », elle évoque « une fourchette large de 5 000 à 50 000 habitations menacées par cette érosion du trait de côte, d’ici la fin du siècle. »
Par ailleurs, la ministre a annoncé sur Franceinfo plusieurs mesures pour que « l’État s’applique à lui-même la transformation écologique du pays que l’on veut mener », notamment l’extension à partir de juillet aux fonctionnaires du « forfait mobilité durable » pour inciter à hauteur de 200 euros par an à l’utilisation du vélo ou au covoiturage, l’usage privilégié du train pour les voyages de moins de quatre heures, sauf cas d’urgence ou raisons de sécurité, le passage aux véhicules hybrides ou électriques, ou encore « de ne plus avoir aucun objet en plastique jetable » dans les services de l’État.
Élisabeth Borne s’en est par ailleurs pris aux critiques d’EELV, rappelant la présence de ministres du parti écologiste au gouvernement lors du précédent quinquennat. Évoquant les décisions prises depuis l’élection d’Emmanuel Macron, comme l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim ou le projet d’Europacity notamment, elle a répliqué n’avoir « pas de leçons à recevoir de ceux qui n’ont pas fait avant nous ».
Dunkerque : le cordon dunaire recule de quatre mètres
La semaine dernière, entre dimanche et mardi soir, le cordon dunaire de Oye-Plage, près de Dunkerque, a dû faire face à des violentes rafales de vent et d’importants coefficients de marée. Sérieusement endommagé, il a reculé de quatre mètres. Une situation jugée alarmante par le maire de Oye-Plage qui demande une prise de conscience de l’État.
Des barrages pour fermer la mer du Nord ?
Un scientifique néerlandais propose de construire deux barrages géant pour fermer la mer du Nord et protéger 25 millions d’européens de la montée des océans.
Sources :
AEE, Maire-infos, BFM-TV, Sud Ouest, France Info, La Voix du Nord, The Guardian
Lire aussi :
– Les côtes du Calvados sévèrement fragilisées par les tempêtes
Le Parisien, 25 février 2020.