La directrice du marketing, du développement durable, de la communication et de la clientèle d’Eau France Suez, en réaction à notre récent billet « Veolia (sociétés dédiées)
versus Suez (SemOps) », nous a adressé une défense et illustration de la SemOp qui confirme, et au-delà, les préventions que ce nouveau véhicule juridique nous inspire, et conforte, si besoin était, l’alerte que nous adressions aux collectivités locales et à leur élus, afin qu’ils ne cèdent pas aux sirènes délétères de Suez. Notre réponse ci-après.
Mme Joëlle de Villeneuve,
L’intitulé même de votre fonction, qui allie dans un raccourci à rallonge « marketing, développement durable, communication et direction de la clientèle Eau France Suez » incarne à la perfection cet exemple chimiquement pur de la manipulation qui est au fondement de la création des SemOp, et nous vous remercions très sincèrement d’apporter ainsi… de l’eau à notre moulin.
Déjà, nous citer en référence le site de Bercy et la Gazette des communes ! Les coupes sombres dans les fonctions support signifieraient-elles que toutes les formations dispensées par l’Ecole de guerre économique sont déjà passées à la trappe ? La nouvelle Dame de fer qui assombrit la fin de règne de M. Mestrallet s’annonce décidément aussi inquiétante que la terrible Mme May…
A titre liminaire, nous maintenons bien évidemment l’intégralité de notre analyse, avant que de répondre point par point à votre plaidoyer pro domo.
Joëlle de Villeneuve : Vos propos polémiques sur la SemOp mettant spécifiquement en cause SUEZ appellent les remarques suivantes :
Selon vous, « Chez (..) SUEZ, avec les SEMOP, on réinvente la concession
XXL pour mieux gruger les collectivités ». La Semop n’est pas une
invention de SUEZ mais un outil à la disposition des collectivités
locales résultant d’une proposition de loi adoptée à l’unanimité
par le Sénat et l’Assemblée nationale. Prétendre par ailleurs que SUEZ
a « chloroformé » tous les parlementaires est faire bien peu de cas de
l’expression de cette volonté parlementaire.
Eaux glacées : La proposition de loi « portée » par la Fédération des entreprises publiques locales (FedEpl), présidée par le député-maire de Dôle, s’est immédiatement incarnée par la création des deux premières SemOp eau et assainissement, à l’initiative… du député-maire de Dôle, et au bénéfice de Suez. La « volonté parlementaire », outre tout le respect que nous lui portons en ces temps de crise du politique, renaît donc désormais sous les atours de Mandrake le magicien, ce qui nous promet à n’en pas douter d’entrer enfin dans la mondialisation heureuse (et apaisée), qui se traduit ici par la transformation du service public en sociétés à capitaux, et à dividendes…
Joëlle de Villeneuve : La Semop n’est aucunement spécifique aux services publics de l’eau et de l’assainissement. Une Semop peut être constituée pour la réalisation d’une opération de construction, de développement du logement ou d’aménagement, la gestion d’un service public ou toute autre opération d’intérêt général relevant d’une collectivité
locale. Plusieurs dizaines de projets de Semop sont ainsi à l’étude
dans des domaines aussi divers que les réseaux de chaleur, ou les
énergies renouvelables.
Eaux glacées : Dont acte, nous n’avons jamais prétendu le contraire, et invitons instamment nos lecteurs à prendre connaissance de ce que pensaient des SemOp les professionnels des opérations « de construction, du développement du logement ou d’aménagement. » Le vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes dénonçait ainsi le 7 mai 2014 la création d’un statut de société d’économie mixte à opération unique, nouvel outil de partenariat public-privé destiné aux collectivités territoriales :
« Les majors du privé vont devenir opérateurs publics ».
Joëlle de Villeneuve : Une Semop n’est pas un mode contractuel mais une forme de gouvernance. Il s’agit d’une société dédiée qui peut être constituée pour opérer une délégation de service public, mais aussi un marché public ou
une concession d’aménagement.
Eaux glacées : Madame de Villeneuve, là les bras m’en tombent ! Une société d’économie mixte, régie par le Code du commerce et le droit des sociétés, n’est pas « un mode contractuel mais une forme de gouvernance »… Et d’une c’est factuellement totalement inexact, et de deux ce n’est pas très gentil pour les brillants juristes de Suez qui vont s’étouffer en découvrant vos approximations hasardeuses. Et que dire des collectivités locales à qui vous entendez faire accroire ces contes pour enfants ? Ignorant que Suez avait fait l’acquisition de la licence de Dora l’exploratrice pour forger les éléments de langage de la direction clientèle de votre auguste maison, je vous remercie à nouveau très sincèrement de me permettre de reconsidérer l’activité commerciale de Suez sous cet angle pour le moins inattendu.
Joëlle de Villeneuve : La loi offre aux collectivités locales des garanties en termes de contrôle et de gouvernance. La collectivité peut détenir entre 34 et 85% du capital social. et la présidence en est assurée de droit par un
représentant de la collectivité locale. Ces garanties ne se substituent
pas à celles prévues dans les contrats de la commande publique, dont les
DSP, mais s’y ajoutent.
Eaux glacées : S’il est vrai que le retour dans l’espace public de « La Manif pour tous » est de nature à soutenir l’acculturation à la notion de miracle qui était tombée en déshérence, ici votre argumentaire se fracasse sur la réalité. Sauf à considérer qu’il s’agit de pur miracle si les SemOp déjà créées par Suez, à l’exemple du projet en cours au SIAAP., prévoient que la répartition des parts s’effectuera sur un mode 60% Suez – 40% collectivité, résumé saisissant de cette invraisemblable « Madofferie », dont le seul fait qu’elle ait pu être avalisée par la représentation nationale signe bien que nous sommes entrés dans la crise finale du politique, tel que nous le connaissions depuis quelques décennies.
Joëlle de Villeneuve : Affirmer que les bureaux d’études sont aux ordres de l’entreprise est totalement mensonger.
Eaux glacées : Cette dernière affirmation, pour le coup superfétatoire, et qui fera sourire ou enrager, c’est selon, les « professionnels de la profession » vous reviendra sous peu en boomerang, achevant de mettre à bas un argumentaire, dont l’existence même confirme bien « qu’il y a quelque chose de pourri au royaume de la SemOp ».
Dans l’éternel match Veolia-Suez, et référence obligée à Darien (« Le Voleur ») : « Je fais un sale métier, c’est vrai ; mais j’ai une excuse : je le fais salement », votre compétiteur historique, à bien y réfléchir, a conservé cet avantage incontestable : ils font la même chose, en faisant l’économie de le clamer urbi et orbi…
BREAKING NEWS, 18 octobre 2016 à 17h20
Dans un jugement en date du 14 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris vient d’annuler la délibération par lequelle le Syndicat des eaux de la Presqu’ile de Genevilliers (SEPG), bastion de Suez Lyonnaise des eaux dans l’Ouest parisien, avait "choisi" de renouveler, en toute confiance, le 29 mai 2013 une DSP de 12 ans à... Lyonnaise des eaux Suez.
Le motif : des vigiles diligentés par... Suez et le SEPG, avaient tout bonnement interdit à deux usagers l’accès au bâtiment dans lequel le SEPG tenait conclave pour adopter la nouvelle DSP, interdisant de ce fait toute publicité des débats...
Ca va chauffer au SEPG qui se réunissait ce soir même, sans savoir qu’une surprise s’inviterait à l’ordre du jour.
Nous attendons avec impatience un nouveau billet de Mme de Villeneuve qui nous expliquera sans doute que la "nouvelle gouvernance" façon SemOp n’étant alors pas encore tout à fait au point, les élus devaient à toute force être protégés des gêneurs qui auraient pu les distraire et les empêcher de s’imprégner de la bonne parole : SUEZ c’est le BIEN, la gestion publique c’est le MAL...
A suivre.
LIRE AUSSI :
– Le troisième contrat de DSP Français reconduit dans l’indifférence générale dans l’Ouest parisien
http://www.eauxglacees.com/Le-troisieme-contrat-de-DSP
Les eaux glacées du calcul égoïste, 21 avril 2013
Comme disait ma grand mère : "la dame (de Suez) s’est faite moucher !"
Et que ce fut facile !
Merci Mr Laimé.
Aaah, si les élu-e-s ou les employés et syndicalistes des services AEPA pouvaient vous lire...