Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, chaque saison universitaire voit des cohortes de jeunes étudiant(e)s, apparemment biens sous tous rapports, et dès lors promis à un brillant avenir, en politique comme en entreprise, muer, à l’insu de leur plein gré, en opérateurs de la Stasi qui s’efforcent, parfois sans succès comme on va le voir, de confesser le ban et l’arrière ban des hordes d’activistes gauchistes qui contestent à nos modernes fermiers généraux le droit de nous tondre en toute impunité, par tous moyens, surtout inavouables, qui empruntent dès lors, au cas d’espèce, les atours d’innocentes investigations universitaires. Illustration.
Acte 1
« Bonjour,
Etudiante en Master 2 Affaires Publiques à Sciences Po Bordeaux, je me permets de vous écrire à propos d’un projet de groupe (4 étudiants) que nous devons mener dans le cadre de notre séminaire sur la gestion de l’eau. Notre travail porte plus particulièrement sur la communication et les stratégies des associations écologistes ou ayant pour intérêt central l’eau et sa gestion, leur rapport aux délégataires et aux élus en place, etc.
Serait-il possible de vous contacter par téléphone, de vous rencontrer, ou de vous envoyer quelques questions par mail pour nous renseigner davantage sur le sujet ?
En vous remerciant par avance,
Très cordialement
CC »
Acte 2
« Bonjour,
Je reviens vers vous comme suite à mon mail précédent qui, sauf erreur de ma part, est resté sans réponse. Mes camarades de Sciences Po Bordeaux et moi-même sommes toujours vivement intéressés par recueillir votre témoignage de spécialiste des questions de la gestion de l’eau en France. Pour rappel, nous effectuons un travail de recherche dans le cadre d’un séminaire sur la gestion de l’eau, par groupe de 4 étudiants. Ce travail porte en particulier sur les organisations et associations gravitant autour du sujet de l’eau et de sa gestion, leurs rapports aux délégataires et aux élus, leurs stratégies de communication, etc.
Serait-il possible de prendre contact avec vous par téléphone, de vous rencontrer, ou encore de vous faire parvenir par mail quelques questions afin de nous renseigner davantage sur le sujet ?
En vous remerciant par avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à notre demande,
Très cordialement,
CC »
(S’ensuivent plusieurs messages sur répondeur du même tonneau, auxquels nous nous garderons bien évidemment de répondre.)
Acte 3
Un ami activiste, lui aussi interrogé par notre Stasi, nous fait part peu après de son expérience :
« C’est la saison des rapports d’enquête par des écoles de toute sorte.
En général, ils téléphonent directement car ils s’y prennent à la dernière minute.
La semaine dernière, j’ai eu deux interviews téléphoniques d’étudiants de la même école qui s’étaient partagés le boulot.
Deux heures chaque fois, et mon téléphone dont la pile perd ses forces, mais au moins peut-on tenter de faire le travail purement scolaire qui ne leur a pas été délivré.
A Sciences Po, étant plus malins, ils fonctionnent par "courrier" ou "courriel" car ils peuvent ainsi ratisser large sans se bouger, devant leur écran ou leur boite aux lettres.
C’est donc peut-être plus rationnel, mais l’inconvénient réside dans le fait que leur questionnaire est complètement sans intérêt, et qu’il n’y a pas moyen de les recentrer.
Visiblement, ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’est une association de défense d’usagers ou un service public, référence à ce qu’ils pensent à leur propos de "stratégie de communication".
Et quand on pense que certains d’entre eux seront peut-être aux commandes des sociétés prédatrices qui vont nous piller, pas de quoi se fouler à leur répondre pour leur simplifier la tâche. »
(Notre ami est un saint angélique…)
Acte 4
Autre témoignage, la même semaine, il y a peu, des activités vibrionnantes de nos apprentis espions :
« Des étudiants de deuxième année de master en Affaires Publiques à Sciences Po Bordeaux réalisent un travail portant sur les stratégies de communication des associations sur la question de la gestion de l’eau.
Attac France fait partie des associations qui ont été contactées pour répondre au questionnaire suivant :
– 1. Quelle est votre stratégie de communication en général (stratégie digitale en particulier) ? Quelle utilisation faites-vous des réseaux sociaux ?
– 2. Comment tentez-vous de sensibiliser l’usager aux problématiques de l’eau ?
– 3. A quel niveau agissez-vous ?
– 4. Quel est le message que vous cherchez à transmettre sur la question de la gestion de l’eau ?
– 5. Est-ce que c’est un sujet central pour votre organisation ?
– 6. Qui s’occupe de cette thématique dans votre organigramme ?
– 7. Quelle vision avez-vous des délégataires privés qui gèrent l’eau sur une partie du territoire ? Avez-vous des contacts avec eux ? Si oui, quelle est la nature de ces contacts ?
– 8. Votre objectif : alerter sur les dérives ou travailler avec les entreprises ?
– 9. Quelle serait pour vous une gestion idéale de l’eau en France ?
– 10. Quelles sont vos relations avec les associations écologistes ?
(On croit rêver, et on ose espérer - très modérément optimistes sur ce point - que nos amis d’Attac n’auront pas donné suite…)
Acte 5 : Behind « Sciences Po Bordeaux »
La chaire « Les contrats de partenariat public-privé : enjeux contemporains et défis pour l’avenir » de la « Fondation Bordeaux université »…
Acte 6 : Behind "la Chaire et Science Po"
LyRE, le centre R-D de Lyonnaise des eaux à Bordeaux,, laboratoire central de la manipulation de l’opinion publique à l’échelle nationale, surtout des élus, puisque les technologies d’influence déployées à grande échelle sont l’ingrédient désormais essentiel, et obligatoire, au renouvellement des contrats…
Soit le lieu où s’élabore la mise sous tutelle de pans entiers de la recherche publique sur l’eau en France… Entrisme, manipulation, construction de nouveaux paradigmes, siphonnage des crédits de l’ANR, gestion de carrières, OPA sur des colloques auxquels nos brillants chercheurs n’ont aucunement participé, mais dont les Actes publieront les communications fantômes… L’ordinaire besogneux de la police de la pensée.
C’est ici que la « stratégie d’opinion », dans laquelle le groupe a investi plusieurs millions d’euros ces dernières années se déploie dans toutes ses dimensions.
Elaboration d’outils de surveillance automatisés des intérêts, et donc de l’image, du groupe. Dispositifs d’endiguement des situations de crise, élaboration d’éléments de langage pour les medias, les élus et les personnels.
Animation d’un dispositif d’intervention offensif sur les réseaux sociaux.
Sondages d’opinion, séminaires internes confidentiels de haut niveau avec des équipes de chercheurs en sciences sociales.
Cartographie dynamique des réseaux d’opposants, fiches biographiques, affiliations politiques…
Expertise des « fondamentaux théoriques » de la critique de l’intervention des opérateurs privés dans le secteur des « multi-utilities » et celui de l’environnement, élaboration d’un contre discours à destination du personnel politique et des medias…
Programmation des sujets de thèse qui seront « soutenus » par les « parrains » universitaires de légions de jeunes thésards à l’Irstea (ex-Cemagref), AgroParisTech… Grande spécialité de l’incontournable Bernard Barraqué.
Formation des personnels, organisation de colloques, de séminaires, élaboration de programmes de recherche pluridisciplinaires européens…
Et dès lors création des nouveaux mantras, dans le genre « Gestion durable de l’eau urbaine, une approche interdisciplinaire ».
Voir aussi, sur le mode recherche appliquée, comment mettre la main sur le parc social, démarche facilitée par la nomination de notre ami ex-dircab de Duflot à la tête du navire amiral du parc social hexagonal, le Projet ECU, L’eau dans les choix urbains : Les services d’eau et l’habitat social face aux défis techniques de la durabilité…
Acte 7
L‘opération est bien évidemment dupliquée rue Saint-Guillaume à Paris, où officient, et le distingué sniper Trancart, et l’onoravole Barraqué, bien connus de nos services…
Voir du coup le rang honorable de Sciences Po Paris au concours "Spin partner", qui vaut son pesant de moutarde...
Et noter que Paris-Sorbonne ne vaut pas mieux, avec une autre chaire à la gloire des PPP, dont le titulaire, Stéphane Saussier, stipendié par les mêmes, passe le plus clair de son existence en génuflexions enamourées envers ses bons maîtres, quand il ne tacle pas l’UFC-Que Choisir...
Et n’oublions pas l’ineffable Orsenna, qui imagine pour les mêmes la "ville de demain"
Acte 8
On ne saurait dès lors s’étonner de voir Mme Hélène Valade, Directeur du Développement durable et de la Stratégie d’opinion de Lyonnaise des Eaux, groupe Suez, baguenauder comme à son habitude (à force de rêver brûler les planches...), un exemple entre cent, le 1er février 2012, à l’Assemblée nationale, en docte compagnie, et à l’initiative de l’ADCF, aux fins d’énoncer, à l’invitation du Think Tank de Bertrand Pancher, « Décider ensemble » "10 propositions pour moderniser notre démocratie…"
Vous avez dit démocratie ?