Le Collectif de sauvegarde de la zone humide du Testet a écrit le 20 janvier, à la veille de la manifestation de soutien organisée à Toulouse, à l’ensemble des conseillers généraux du département du Tarn, dans la perspective des débats et votes prévus sur le projet de barrage de Sivens le 6 mars prochain. La « sortie de crise » revendiquée par différents protagonistes de l’affaire n’est toujours pas en vue, alors que le gouvernement vient, trois jours avant le Salon de l’Agriculture, de céder à toutes les exigences de la FNSEA…
Appelant à « l’apaisement sur ce dossier polémique », le Collectif a joint à ce courrier une note détaillée de positionnement signée par la Confédération Paysanne nationale et du Tarn, FNE Midi-Pyrénées, le Collectif pour la Sauvegarde de la zone humide du Testet et Nature Midi-Pyrénées.
Après l’annonce le 16 janvier 2015 par la ministre de l’Ecologie que « le projet initial a été abandonné », ce qui a parfois été interprété, à tort, comme un abandon du projet de barrage, qui, de l’aveu même de M. Thierry Carcenac, président du Conseil général du Tarn, qui a tenu à le préciser, n’a été que « suspendu », et à l’issue d’une seconde mission « d’expertise » conduite par des haut fonctionnaires du ministère de l’Ecologie, et non pas des « experts indépendants », deux « projets alternatifs » restent en lice.
Un projet de barrage de 750 000 m3, (qu’on se débrouillera pour le porter à un million sans trop de problèmes...), qui serait édifié à 300 mètres en amont du site initial, ce qui permettrait, pour ses promoteurs, de bénéficier des travaux déjà engagés, et qui reçoit donc bien évidemment l’assentiment de nos bétonneurs...
Un second projet de plusieurs « retenues latérales », plus éloignées, mais plus chères, et plus difficile à porter d’un point de vue administratif.
Le tout sur fond d’un véritable imbroglio. Le Commission européenne a engagé un recours pré-contentieux contre la France, considérant que le projet initial ne respectait pas nombre d’obligations, prévues notamment par la Directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000 (DCE).
La France doit donc tenter d’éteindre ce contentieux. Pour ce faire le ministère de l’Ecologie a élaboré une sorte de nouvelle « doctrine » en matière d’usage de l’eau en agriculture, qui a connu plusieurs revirements successifs au gré de l’actualité.
A l’origine ce positionnement faisait suite à un rapport de Philippe Martin, avant que celui-ci ne remplace Delphine Batho, rapport qui prônait une réouverture en grand des vannes de l’irrigation.
L’affaire a prospéré, via une saisine du Comité national de l’eau (CNE), organe central du Lobby du même nom, dont un groupe ad hoc a développé le nouveau concept, histoire de noyer le poisson, qui était apparu avec le rapport Martin (rédigé de A à Z par un haut fonctionnaire pro-irrigation), celui de « Projet de territoire »…
Avant Sivens cette nouvelle doctrine réouvrait les vannes en grand, après Sivens, en catastrophe, le document à l’étude a considérablement été « durci » par le même groupe de travail du CNE à qui il a été soumis le 9 décembre 2014, suscitant un rejet catégorique de la FNSEA, qui participait évidemment à ce groupe de travail, et rejetait donc sans appel ces mesures restrictives.
Nouveau revirement au Conseil des ministres le mercredi 18 février : Manuel Valls et François Hollande, trois jours avant le Salon de l’Agriculture, cèdent à toutes les exigences de la FNSEA, annonçant pour ce qui nous intéresse, une relance « raisonnée » d’une irrigation « plus sobre », ce qui en droit ne veut strictement rien dire, mais constitue un message parfaitement éloquent pour la FNSEA, le Conseil général du Tarn, le CACG, bref, le Parti du maïs, le Lobby de l’eau et l’état profond PS du sud ouest à un mois des élections cantonales.
L’imbroglio : à ce stade les promesses verbales alambiquées de feu vert à la relance d’une irrigation « sobre et maîtrisée » devront à minima se traduire par la promulgation d’un arrêté ou d’une circulaire, qui auront nécessairement, c’est la loi, avoir du auparavant être présentées par consultation au Comité national de l’eau.
Celui-ci ne pourra très probablement pas être réuni le 4 mars comme il en a été question, à raison des élections cantonales à venir.
Donc pour l’instant aucun texte ayant une quelconque valeur légale, et qui encadrerait la nouvelle doctrine française en matière d’irrigation agricole, n’existe.
Ennuyeux : ce texte doit tout à la fois permettre à la FNSEA et aux irrigants, à qui le gouvernement l’a promis, de continuer à construire à tout va barrages et bassines, fut-ce en dépit du bon sens, ET dans le même temps apporter à Bruxelles les assurances nécessaires, afin d’éviter de nouveaux contentieux.
Mission impossible ? Pas du tout car dans cette bataille en coulisses nos experts excellent à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et vont s’attacher à nous faire accroire qu’un « projet de territoire » ira au-delà des rêves les plus fous des zadistes, de José Bové, de la Confédération paysanne et de FNE…
C’est dans ce contexte que le Conseil général du Tarn va évidemment voter comme un seul homme le 6 mars prochain pour la « relance » du projet « suspendu », sous une forme soi-disant « alternative », lors même qu’en l’état aucune étude sérieuse, et surtout pas celle des « experts » de Mme Royal, ait pu établir la réalité de ces besoins en eau pour l’agriculture dans la vallée du Tescou…
Qu’importe, le Conseil général du Tarn, la CACG et des propriétaires riverains ont déjà « nettoyé le terrain » en saisissant la justice, qui vient de rendre plusieurs jugements d’expulsion concernant des parcelles occupées par des zadistes et la « Métairie Neuve », tandis que chaque week-end depuis le 10 janvier se sont multiplié les incidents, à l’initiative des pro-barrages….
Et que le pouvoir, Royal et Valls, affirment haut et fort qu’après le 6 mars,
force en restera à la loi…
Sur place la tension monte aussi entre zadistes prétendument « jusqu’au-boutistes » et le regroupement d’associations « responsables », à qui les premiers reprochent peu ou prou d’avoir par trop complaisamment accompagné le pouvoir dans la recherche de l’apaisement et d’une « sortie de crise », en réalité introuvable, ceci en ayant refusé notamment, argument qui mérite examen et concerne tout particulièrement FNE, d’engager immédiatement après le drame les recours juridiques qui auraient très probablement conduit à une annulation, définitive cette fois, de tout projet sur le site…
Notre regroupement d’associations « responsables » se retrouvent donc dans la situation délicate, comme en attestent leurs courriers, de refuser officiellement tout projet, tout en appelant à un « apaisement » impossible dans ce contexte, qui n’augure que d’un nouveau passage en force, avec expulsion des zadistes après le 6 mars.
Mais on peut rêver de voir le Parti du maïs, le Lobby de l’eau et l’état profond PS se résoudre à faire droit aux demandes de nos associations, soit ne pas adopter l’une des deux alternatives officielles, mettre en place un Comité de pilotage qui engagerait des études pour la promotion d’une véritable alternative au modèle agricole actuel, décider dans l’immédiat de mutualiser les ressources en eau déjà existantes dans des dizaines de retenues privées, réhabiliter la zone humide saccagée, planifier des études approfondies pour élaborer un projet définitif...
On peut rêver, mais le premier tour des cantonales c’est le 22 mars. Et nous ne sommes pas en 1968.
Et comme ce qui devait arriver arriva...
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