Après le rapport Tandonnet-Lozach, dont nous avons dit tout le mal qu’il fallait en penser, l’offensive des émigrés de Coblence se poursuit. Comment mettre à bas l’essentiel du dispositif mis en œuvre depuis des décennies pour tenter de préserver une ressource vitale ? Réponse en 28 propositions qui éclairent sans ambiguïté aucune la politique de l’eau qui sera mise en œuvre après l’alternance de 2017.
Tout fait sens dans ce rapport d’information de 87 pages, présenté par Rémi Pointereau le 20 juillet dernier par devant la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (si, si, ça existe…), rapport auquel nous reconnaissons un mérite.
Il rappelle d’abord en une bonne trentaine de pages l’élaboration progressive du cadre réglementaire qui oriente aujourd’hui les politiques publiques du secteur.
Un memorandum qui montre bien combien les évolutions intervenues furent arrachées de haute lutte, comme leurs limites actuelles.
Ensuite, ce à quoi il faut prêter attention, c’est la justification du rapport d’information.
Rémy Pointereau, sénateur (LR) du Cher, s’est fait une spécialité de la dénonciation de « l’enfer des normes ».
Pour parler clair, tout ce qui peut entraver l’expansion indéfinie de la croissance et de la dévastation des ressources naturelles, les lois, les règlements, les fonctionnaires censés les appliquer, sans oublier les khmers verts de Xavier Beulin, doit être combattu impitoyablement, éradiqué par le fer et par le feu.
Une fois dit cela, noter la subtilité de la démarche.
Notre sénateur, chaudement soutenu en cela par ses pairs, commence par déplorer que le législateur n’évalue pas suffisamment les lois qu’il a votées.
Le bon sens près de chez vous. Du Larcher dans le texte.
Donc, parfaitement par hasard, notre Torquemada des normes s’est avisé d’évaluer la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, puisque cela fera bientôt dix ans qu’elle a été votée.
Et comme, on va le voir, il en tire évidemment un bilan absolument calamiteux, genre la DEB, l’Onema et les Agences de l’eau c’est pire que les Kombinats en USSR sous Staline, rien de plus facile ensuite que de convaincre le président de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat d’organiser en novembre 2016 un débat public sur l’application erratique de cette loi, dont il est entendu que ses principes étaient respectables, mais dont l’application a été absolument désastreuse.
Après cette étape, quoi de plus judicieux que d’élaborer un projet de loi qui corrigera les épouvantables dérives perpétrées par une alliance de fonctionnaires et de défenseurs de l’environnement tout puissants, épouvantables idéologues extrémistes dont chacun sait qu’ils font la pluie et le beau temps dans tous les corps de l’état et tous les organes de gestion de l’eau…
Dès l’abord c’est tellement énorme qu’on se pince et qu’on y croit pas. Détrompez-vous, notre homme et ses compères y croient vraiment, c’est leur Weltanschuung.
Largement partagée par la passionnante galerie d’amis du genre humain qui ont été consultés par notre sénateur pour élaborer son rapport. La liste détaillée qui en figure en annexe du rapport sera d’une lecture utile avant de s’y plonger.
Bref, il est dès lors établi qu’un projet de loi sera élaboré à partir des propositions, et de notre sénateur, et de ses compères Tandonnet et Lozach, qui l’ont précédé de peu sur la route Coblence-Paris…
Côté Sénat, aucun problème. Côté Assemblée nationale, avec une cinquantaine de députés PS après les législatives qui suivront de peu la présidentielle l’an prochain, pas de souci non plus.
Il appert donc qu’il convient de prendre connaissance et du diagnostic et de la médication du docteur Pointereau aux fins d’apprécier l’ampleur de la purge.
Enfer et damnation
La LEMA, nous est-il dit, poursuivait au moment de son adoption deux objectifs principaux : moderniser le dispositif juridique de la gestion de l’eau, qui reposait sur les grandes lois sur l’eau du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992, et atteindre les objectifs fixés par la directive-cadre du 23 octobre 2000 (DCE), notamment l’obligation de résultats pour parvenir au fameux « bon état écologique des eaux » en… 2015.
Si « le monde de l’eau » est très attaché à l’équilibre et aux grands principes posés par ce texte, beaucoup d’acteurs (surtout la FNSEA…) regretteraient une mise en œuvre concrète « beaucoup plus problématique. »
Le document de 87 pages identifie donc quatre pans de la loi au sein desquels persistent des difficultés sur le terrain qui pénalisent les acteurs et formule 28 propositions pour « aller vers plus de pragmatisme et de discernement dans la gestion de l’eau en France » :
– la gestion qualitative de l’eau, dans le cadre des objectifs fixés par la DCE mais dont l’évaluation est faite à l’aune de critères de plus en plus exigeants, et avec des tensions encore très présentes sur le terrain en ce qui concerne l’application du principe de continuité écologique et les difficultés liées aux pollutions diffuses.
– la gestion quantitative de la ressource et les conflits d’usages qui vont avec.
– la simplification des procédures et l’allègement des normes, en particulier dans le cadre des autorisations des installations « loi sur l’eau ».
– la planification et la gouvernance, avec notamment l’équilibre de la représentation des différents acteurs au sein des instances de bassin.
Pour résumer les directives européennes sont « surtranscrites », il faut les revoir à la baisse dans les grandes largeurs.
Les objectifs de reconquête de la qualité du milieu sont ineptes puisqu’on « change tout le temps le thermomètre ».
Ainsi, « si on appliquait les critères de 1971, toutes les masses d’eau seraient en bon état »…
(Authentique !)
Les fonctionnaires de l’Onema (surtout), mais aussi des DREAL, des DDDTM… sont des commissaires politiques bolcheviques qu’il faut désarmer, au sens propre et au figuré, afin de pouvoir continuer à « avancer pragmatiquement » dans la dévastation systématique des ressources naturelles.
Les khmers verts pseudo défenseurs de l’environnement sont « surreprésentés » dans les Comités de bassin ou les CLE. Du balai !
Les organismes uniques sont un héritage du Gosplan. Vive l’irrigation ! Vive les bassines !
La recherche de la continuité écologique est une lubie socialo-communiste. Vive les moulins ! Vive la petite hydro-électricité !
Il faut lutter contre les fuites d’eau. Vive Canalisateurs de France, Vive la FP2E !
Nos braves paysans sont les seuls défenseurs de l’environnement. Ils doivent recevoir encore plus de subventions. Vive les services environnementaux !
Vive le re-use et la réalimentation des nappes à partir des captages abandonnés !
Les fossés aux paysans !
La Gemapi à l’état !
Vive le Roi !
- Lire aussi :
Vers une loi qui oserait aborder la question du financement de la politique de l’eau
La Gazette des communes, 14 septembre 2016
commentaires
Les agents de l’onema en prennent une fois de plus plein les dents. C’est rigolo de voir dans la transcription de l’examen en commission que le rapporteur plaint les pauvres élus condamnés à cause d’une infraction loi sur l’eau constatée par des agents de l’onema. Les agents de l’onema constatent l’irrégularité mais c’est la justice qui condamne si elle estime l’infraction réelle. Mais c’est vrai, les lois ne sont pas faites pour les élus mais uniquement pour le petit peuple. Qu’ils l’enfreignent, c’est normal, ils se sont bien fait élire pour ca, non ? L’intérêt général, késako ?
Que dire à part que c’est un excellent résumé ?
Vous avez néanmoins oublié, cher Marc, de préciser que le sénateur est lui même agriculteur céréalier et propriétaire d’une entreprise de matériel agricole à ses heures perdues, ce que d’aucuns qualifiables de mal intentionnés pourraient trouver fleurer bon le conflits d’intérêts !