Après l’adoption à la quasi unanimité en octobre 2008 par l’Assemblée nationale du projet de loi d’orientation sur le Grenelle, , dit « Grenelle 1 », le second texte, dit « Grenelle 2 », présenté comme « la boite à outils juridiques » du Grenelle, vient d’être présenté en Conseil des ministres le mercredi 7 janvier 2008. S’il se révèle copieux, va-t-il réellement bouleverser les pratiques agricoles, et partant améliorer la qualité de l’environnement et celle de l’eau ?
Il vise certes à améliorer la qualité de l’eau, à créer une « trame verte », réduire de 50 % l’usage des pesticides, tripler les surfaces agricoles en « bio », certifier 50 % des exploitations agricoles... Mais nombre d’associations de défense de l’environnement restent dubitatives...
Certaines mesures fiscales ont déjà été adoptées par ailleurs dans le cadre de la loi des finances en décembre 2008. Le Grenelle I sera présenté aux sénateurs le 27 janvier prochain. Et ce texte Grenelle II, baptisé « projet de loi d’engagement national pour l’environnement », qui compte 104 articles répartis sur 114 pages, devrait être examiné en première lecture à l’Assemblée en mars. Une seule lecture par chambre est prévue, « l’objectif étant de tout boucler avant l’été », a précisé M. Jean-Louis Borloo, lors de la présentation du texte à la presse.
Le projet Grenelle 2 vise donc à donner les moyens juridiques, économiques et réglementaires d’atteindre les objectifs fixés dans le Grenelle I. Il concerne aussi bien les bâtiments, l’urbanisme, les transports, la biodiversité, la santé environnementale et les déchets.
« C’est une boîte à outils à destination des élus locaux », a assuré M. Jean-Louis Borloo qui était accompagné de la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet et de M. Hubert Falco, secrétaire d’Etat chargé de l’aménagement du Territoire. Présenté au Conseil d’Etat à la mi-décembre, le texte n’a été modifié qu’à la marge par rapport à sa version de novembre 2008.
Il prévoit notamment l’introduction d’un nouveau chapitre dans le code de l’environnement, dédié à la pollution lumineuse, sonore, et élargit le rôle de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), qui devient l’autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires. Il introduit également dans le code de l’environnement le principe d’une surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les lieux recevant du public ou des populations sensibles.
Volet santé, il renforce notamment l’encadrement réglementaire, l’information du public et la recherche sur les ondes électromagnétiques, et oblige les entreprises qui fabriquent ou qui utilisent des nano-matériaux à déclarer ces substances.
Il prévoit encore la création d’un nouveau label agricole baptisé « haute valeur environnementale » pour les productions respectant l’environnement, et d’un « écolabel » pour les produits de la pêche qui font l’objet d’une gestion durable. L’interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires en direction des jardiniers est également prévue.
Volet déchets, le projet de loi prévoit notamment l’instauration d’une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) aux déchets d’activité de soins à risques infectieux (DASRI). Un article prévoit aussi d’imposer, progressivement et à partir de 2012, un tri, à des fins de valorisation, aux grands producteurs et détenteurs de déchets organiques : restaurants, marchés, espace verts...
Le projet prévoit par ailleurs l’obligation pour les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 500 000 habitants, d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effets de serre. Il contraint également toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants à adopter des plans climats territoriaux d’ici 2013.
Volet biodiversité, il confirme la mise en œuvre des trames vertes et bleues, et favorise notamment l’acquisition de zones humides par les agences de l’eau, à des fins de conservation environnementale.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet attend de ce texte qu’il permette de « lever, dans des pans entiers du droit français, les points de blocage qui ne permettaient pas d’aller au bout des objectifs du Grenelle de l’environnement. »
Eau et agriculture
Eau potable. Les Agences de l’eau sont habilitées à participer à des acquisitions foncières pour préserver les captages d’eau potable. En cas de menace sur sa qualité, le projet permet des limitations ou des interdictions de produits chimiques de synthèse autour des aires d’alimentation des captages. L’implantation de prairies permanentes ou de culture ligneuses y sera privilégiée. Objectif : identifier et protéger 500 captages, en 2012. À l’issue d’une période de trois ans, le préfet pourra rendre ces mesures obligatoires si les résultats sont insuffisants.
Economies d’eau. Afin de diminuer les pertes d’eau au niveau des réseaux, les services d’eau potable et d’assainissement, quel que soit leur mode de gestion, auront l’obligation d’effectuer l’inventaire des infrastructures dont l’échéance sera fixée par décret. Des travaux devront être réalisés en cas de fuites supérieures à un seuil.
Assainissement non collectif. Les communes pourront effectuer des travaux d’office pour la mise en conformité des installations d’assainissement non collectif.
Zones humides. Le Grenelle a fixé comme objectif l’acquisition dans les cinq ans de 20 000 hectares de zones humides particulièrement menacées. Une première. Ce type d’opération était jusqu’à maintenant essentiellement du ressort du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
Trame verte. Quelles seront les zones écologiques à maintenir ou restaurer pour constituer le maillage de la Trame verte et bleue ? Le projet n’apporte pas vraiment de réponse. Il définit la méthodologie à utiliser sur le terrain, associant l’État, la région et les acteurs locaux. Si la notion de continuité écologique pourra être prise en compte dans les documents d’urbanisme, la loi n’impose aucun type de gestion particulière sur ces espaces. Il reviendra aux acteurs locaux de le décider éventuellement, par voie contractuelle.
Certification environnementale. Un dispositif de certification environnementale, volontaire et graduée, est créé pour les exploitations agricoles. Toutefois, son contenu et sa mise en oeuvre sont renvoyés à des décrets. La « haute valeur environnementale », stade ultime de cette certification, reste également à définir.
Pesticides. Soucieux de réduire l’usage et les risques liés aux pesticides, les pouvoirs publics privilégient deux axes : la formation et l’encadrement. Ainsi, toutes les personnes utilisant des pesticides dans le cadre de leur activité professionnelle, au premier rang desquelles les agriculteurs, devront être titulaires d’un certificat. Celui-ci attestera d’une bonne connaissance des produits par l’utilisateur. Les jardiniers amateurs sont également ciblés : toute publicité en leur direction est interdite en matière de pesticides.
L’agriculture biologique ne fait pas l’objet de mesures spécifiques dans ce projet de loi. Deux mesures en faveur des agriculteurs « bio » ont d’ores et déjà été adoptées dans la loi de Finances 2009 : le doublement du crédit d’impôt et l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Les associations s’interrogent
Les associations semblent circonspectes et déplorent un manque d’ambition. France Nature Environnement (FNE) estime le « texte intéressant » pour appliquer les engagements du Grenelle, et surtout rattraper le retard de la France au niveau du droit européen, mais déplore qu’il soit « incomplet pour verdir le plan de relance.
Il faut revoir les dispositions relatives à la gouvernance verte des entreprises : bilans carbone, information environnementale, responsabilité des sociétés mères, lutte contre le greenwashing », souligne dans un communiqué le président de FNE. La fédération regrette par ailleurs que les entreprises de plus de 250 à 500 salariés ne soient pas assujetties à un bilan carbone.
Du côté de l’Alliance pour la planète, on considère que ce texte ne constitue toujours pas la grande rupture annoncée. Tout en « saluant de nombreuses dispositions » de la loi Grenelle II (suppression de la publicité auprès du grand public pour les pesticides et encadrement de leur vente ou obligation de travaux avant 2020 dans les bâtiments à usage tertiaire pour l’amélioration de leur performance énergétique par exemple), l’Alliance pointe du doigt de « multiples contradictions » avec les objectifs du Grenelle et vient de mettre en ligne sur son site la carte de France des projets « Grenello-incompatible », à l’image d’un circuit de Formule 1 dans les Yvelines sur des terres dédiées à l’agriculture biologique...
D’autres observateurs sont infiniment plus caustiques, à l’image de Denis Delbecq, titrant sur le blog Effets de terre, le 8 janvier 2009 : « Du Grenelle au néant, le pas est franchi »
Le baromètre du développement durable des communes
Fort opportunément le réseau Cohérence, qui fédère une centaine d’associations oeuvrant en faveur du développement durable dans le Grand Ouest, vient de mettre en ligne le premier "baromètre" mesurant l’engagement des communes dans le développement durable et solidaire.
Il est pour l’heure limité à la seule région Bretagne, mais Cohérence souhaite le généraliser à toute la France. S’inspirant d’une initiative néerlandaise, le projet a reçu le soutien du conseil général du Finistère, de la Diren Bretagne, de la fondation Nicolas-Hulot et de l’ambassade des Pays-Bas en France.
Il vise à mesurer l’engagement des communes sur 114 actions concrètes concernant par exemple la maîtrise de l’énergie, la valorisation des déchets ou les réseaux de transports, mais aussi la cohésion sociale ou la solidarité internationale.
Cette évaluation est réalisée à partir d’un questionnaire détaillé rempli par un groupe de travail mixte, composé d’élus et de représentants associatifs.
"L’objectif est de vulgariser le développement durable en mettant en avant les actions déjà réalisées par d’autres communes, de provoquer une saine stimulation et d’encourager le débat politique local sur ces questions", a expliqué le 7 janvier 2008 le directeur de Cohérence, Julian Pondaven.
L’outil, qui a nécessité un investissement de 60 000 euros, permet notamment des comparaisons entre communes de taille équivalente sur des thématiques précises et la localisation sur une carte des projets déjà mis en oeuvre.
"Le but n’est pas de juger, de distribuer des bonnes ou des mauvaises notes, mais d’amener les gens à travailler ensemble", souligne Jean-Claude Pierre, porte-parole du réseau.
Il souhaite notamment favoriser la coopération entre élus et associations, mais aussi entre communes. Si un maire veut par exemple mettre en place une cantine bio, il peut repérer les élus qui ont déjà monté un tel projet et entrer en contact avec eux.
Des liens sont proposés avec des associations possédant une expertise et un forum permet aux élus, militants et citoyens d’échanger entre eux. Sur les 1269 communes bretonnes, 110 ont déjà participé au projet et environ 300 se sont engagées à le faire.
L’objectif est d’atteindre 500 communes en 2009, selon Cohérence.
Le dossier législatif du Grenelle sur le site de l’Assemblée nationale