En septembre 2003 l’association Eau Secours 31, ainsi que neuf usagers et le Collectif contre le plan Ginestous 2000, engageaient devant le Tribunal administratif de Toulouse un recours contre la ville, au motif des illégalités constatées sur les tarifs de l’eau et de l’assainissement depuis 1990, date du contrat de concession de l’eau, d’une durée de 30 ans, à la Générale des eaux (CGE). Les usagers réclament le remboursement de plusieurs centaines de millions d’euros indument perçus, selon eux, par la ville et la CGE (Veolia) depuis lors.
La première audience de l’affaire doit se tenir le mercredi 20 juin 2007 à 9h30 au Tribunal administratif de Toulouse, 68, rue Raymond IV, Toulouse.
L’association créée en 2001 s’est fixé trois objectifs :
– Informer les usagers et les consommateurs sur leurs droits, et les défendre si nécessaire.
– Défendre la notion que l’eau est un bien commun, dont la gestion doit être publique. Pour cela, la gestion en régie directe, sous un réel contrôle des usagers, doit permettre que l’eau ne devienne pas une source de profit pour des sociétés privées.
– Se relier avec tous ceux qui partagent ces buts, tant sur le plan local que national et mondial.
A travers l’exemple de la ville de Toulouse, rejoignant maints autres cas semblables en France (Grenoble, Saint-Etienne, Castres… ), et ailleurs dans le monde (Buenos-Aires, Atlanta, Manille, Cochabamba…), Eau Secours 31 dénonce avec force le modèle du « partenariat-public-privé ».
L’eau doit être gérée en régie publique directe, sous le contrôle des usagers, pour éviter qu’elle ne soit une source de profit pour des multinationales, et occasion de risque de corruption. Elle doit être payée à son juste prix, et faire l’objet d’une gestion économe, préservant la ressource de la pollution.
Après deux années de travail d’information, d’analyse et de réflexion, Eau Secours 31 décidait de mettre M. Douste-Blazy, maire de Toulouse, devant ses responsabilités, en lui demandant de mettre fin aux illégalités des tarifs de l’eau dans sa ville, par le biais d’un courrier amiable en date du 26 mai 2003.
Cette démarche n’ayant pas produit d’effets, le collectif a ensuite assigné la ville devant le Tribunal administratif.
Quelles sont ces illégalités ?
- Illégalité de la répercussion des droits d’entrée sur les tarifs.
La ville de Toulouse a encaissé 437,5 millions de francs au moment de la signature du contrat de concession, en 1990. « Cette somme a été affectée au désendettement. Ce qui a provoqué une diminution de 70 millions de francs de notre annuité de la dette », déclarait M. Dominique Baudis, alors maire de la ville, à La Tribune Desfossés du 16 novembre 1994). En effet, ces fonds ont été versés au budget général (BG), et non au budget annexe (BAA) de l’eau et de l’assainissement de la collectivité. Cette pratique est contraire au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), et a été sanctionnée par les tribunaux à diverses reprises, ainsi que par le Conseil d’Etat.
Présenté comme un don par le maire, ce droit d’entrée est en réalité répercuté sur les factures d’eau des usagers, assorti d’un intérêt au taux de 10 % par an, jamais renégocié depuis lors.
Ces 437,5 millions de francs, remboursés par les usagers de l’eau, n’ont jamais bénéficié à ces services. Et, depuis 1990, ils permettent aux maires successifs, M. Baudis et M. Douste-Blazy d’annoncer, à bon compte, que la ville de Toulouse présente un endettement zéro, avec un exemplaire maintien des impôts locaux à un niveau constant.
Sur les droits d’entrée.
Ces « droits d’utilisation des installations de services », tels qu’ils sont définis dans le contrat de concession, d’un montant de 437,5 millions de Francs en 1990, ont donc été versés au budget général de la ville, pour éponger la dette de cette dernière.
En réalité, ces sommes, présentées à l’époque comme un don, sont remboursées et amorties par les usagers sur leurs factures d’eau et d’assainissement, assorties d’un taux d’intérêt de 10% l’an, passé de 12% à 13% aujourd’hui.
Cela constitue un prêt qui recouvre un impôt déguisé, substituant le consommateur d’eau au contribuable : c’est non seulement illégal, comme le sanctionnent plusieurs jurisprudences, mais c’est aussi malhonnête vis-à-vis du citoyen, en le trompant sur l’endettement zéro de la ville depuis 1990 et sur la non augmentation de ses impôts locaux.
Et injuste fiscalement, puisque, si les Toulousains ne sont pas tous imposables, ils ont tous leurs factures d’eau à payer.
Et l’addition est salée : en 2020, date de fin prévue du contrat, la CGE se sera fait rembourser 1 milliard 450 millions de francs, pour les 437,5 millions de francs « donnés » en 1990.
Ces 1,450 milliard de francs sont l’équivalent de 36% de la valeur globale de l’assainissement toulousain, soit le coût, en investissement, de l’assainissement d’une ville de 215.000 habitants.
Ils représentent 50 millions de Francs de remboursement par an par les usagers, soit l’équivalent des salaires annuels de 220 à 230 salariés (à comparer avec les 221 salariés de la CGE disparus depuis 1990).
- Illégalité des redevances annuelles.
Une redevance annuelle a été instaurée, pour un montant de 41,5 millions de francs. « Cette somme correspond, très exactement aux montants actuels (1989) dégagés au profit de la ville par les services de l’eau et de l’assainissement », comme le déclarait un adjoint au moment de la signature du contrat de concession avec la CGE en 1990. C’était reconnaître que, sous le régime antérieur de la régie, les services étaient très largement excédentaires, et que ces excédents étaient détournés au profit du budget général, donc illégalement. Cette charge, supportée par les usagers, est illégale pour les mêmes motifs que la répercussion du droit d’entrée.
- Illégalités de la formule d’actualisation du prix.
Sa structure, par ailleurs très opaque, ne reflète pas la réalité des charges. Ainsi le paramètre retenu au poste « salaires » est de 50 %, alors que les comptes financiers de la CGE montrent que les frais de personnel sont à peine de 20 % du total des charges, ce qui est cohérent avec la disparition d’un nombre de postes particulièrement important depuis la mise en concession des services.
En 1990, 485 salariés étaient employés à la CGE lors de la signature du contrat. En 2003, ils n’étaient plus que 264 qui agissent sur Toulouse, mais aussi sur l’ensemble des communes du Grand Toulouse. Si cette baisse des effectifs montre un réel talent de la CGE pour faire des gains de productivité, elle soulève une aussi réelle inquiétude sur la diminution de la qualité des services et sur l’entretien des réseaux.
D’autre part, l’examen des factures démontre que les clauses contractuelles d’actualisation confèrent un effet rétroactif à la majoration des tarifs. Cette rétroactivité est illégale.
- Illégalité du remboursement de la dette sous forme d’emprunts.
La CGE verse à la ville les échéances des emprunts dus, telles qu’elles étaient déterminées en 1990. Ces montants sont annexés au contrat. Toutefois, certains emprunts ont été renégociés auprès des banques. Or la baisse des remboursements, liée à la baisse des taux, est conservée par la ville dans son budget général, alors qu’elle aurait dû profiter aux usagers. Il s’agit encore d’un transfert au budget général, donc illégal.
- Non déduction des subventions perçues de l’Agence de l’eau pour la détermination des tarifs.
Les usagers toulousains sont des contributeurs importants au budget de l’Agence de l’eau Adour-Garonne. Celle-ci reversait des subventions qui transitaient par le budget de la ville, avant d’être reversées à la CGE. Elles lui sont maintenant directement versées. Si certaines opérations tiennent compte de ces subventions en diminution du coût d’investissement, il ne semble pas que cela soit le cas pour l’ensemble des subventions qui profitent à la CGE, alors qu’elles devraient bénéficier aux usagers, sous forme de diminution des tarifs.
- Illégalité du mode de perception des redevances de prélèvement et de pollution.
Le contrat les met à la charge des usagers. Cette pratique peut être considérée comme illégale : en vertu de l’article 34 de la Constitution, ces redevances sont des impôts, dont l’assiette, le taux et les règles de recouvrement sont de la compétence du législateur. Force est de constater qu’aucun texte de loi n’en détermine annuellement les montants, qui varient comme le démontrent les factures.
De plus, la redevance de prélèvement a pour redevable le préleveur, ici la CGE, le concessionnaire. Son montant est déterminé par l’Agence de l’eau. Or, à Toulouse, une partie du tarif est fixée par le concessionnaire.
(Sur ce point précis la LEMA votée le 20 décembre 2006 ayant « constitutionnalisé » les redevances, le TA devra apprécier l’argument au regard des nouvelles dispositions réglementaires. Note d’Eaux Glacées).
- Illégalité liée à l’avenant numéro 3 du traité de concession.
Le 7 octobre 1996 le conseil municipal de Toulouse a voté la mise aux normes et l’extension de l’usine de traitement des eaux, opération baptisée « Ginestous 2000 ». Elle devait être réalisée au cours des années 1996, 1997 et 1998. Dans ce dessein, une majoration des tarifs de l’assainissement est décidée, de 0,48 francs HT par m3. Mais l’opération n’a débuté qu’au mois d’août 2001. Jusque-là, les usagers ont payé des prestations qui ne leur ont pas été rendues. Alors que la redevance ne doit couvrir que le coût réel, en temps réel.
En conclusion, il y a eu volonté délibérée de la ville de percevoir des fonds pour son budget principal, ce qui a permis aux maires successifs de se prévaloir d’un endettement zéro, sans augmentation des impôts, alors que ces fonds sont en réalité remboursés par les usagers, à travers les tarifs de l’eau et de l’assainissement. Cette opération n’aurait pu avoir lieu si la CGE-Vivendi n’avait pas accepté de jouer le rôle d’un banquier.
Pour toutes ces raisons, les consommateurs se trouvent fondés à contester le montant de leurs factures pour charges indues, et à demander leur régularisation, tant pour l’avenir que pour les sommes irrégulièrement perçues depuis 17 ans.
Calcul du prix de l’eau.
Les élus de la majorité municipale toulousaine s’autosatisfont du prix de l’eau à Toulouse, en avançant qu’il se situe dans la moyenne des villes comparables à la cité toulousaine en France.
Mais, dans toutes ces villes, c’est la délégation des services de l’eau et de l’assainissement qui sévit depuis plusieurs années : les prix sont partout surévalués et les ententes sur le marché de l’eau entre les « Trois Sœurs » (Vivendi, Lyonnaise, Saur) sont monnaie courante. (Rapport de la cour des comptes 1997, Rapport parlementaire Tavernier 2001).
Ainsi, à Toulouse, juste avant le contrat de concession de 1990, un fort pourcentage d’augmentation a pu être constaté : en 1989, augmentation de 14% du prix de l’eau, augmentation de 18% du prix de l’assainissement, augmentation de 14% du prix des compteurs.
Ces hausses de tarifs se retrouvent pérennisées pendant 30 ans sur chaque m3, quelle que soit la formule d’actualisation des prix et les modifications ultérieures.
Et les frais d’abonnement au compteur d’eau ? 40 francs par an, alors qu’un compteur vaut de 120 à 150 francs, votre compteur est-il changé tous les trois ans ?
Trente ans de captage de la rente publique de l’eau par une multinationale, est-ce garantir un service public de qualité, au meilleur coût pour les usagers ? Pour Eau Secours 31 c’est la preuve qu’il faut revenir au plus vite à une régie directe, contrôlée par les usagers.
Contact :
Eau Secours 31
10 bis, rue du Colonel Driant
31 400 - Toulouse
Mel : claude.marc1@free.fr
Tél : 05 61 87 55 41
Merci de nous défendre .