Pour l’environnement c’est désormais Tchernobyl tous les jours, on s’habitue, mais n’empêche. Ainsi ce 10 juillet 2014, dans le style hollywoodien de rigueur, Ségolène Royal nous est annoncée comme le grande prêtresse qui va régler la question douloureuse, des inondations.
Evidemment c’est tout l’inverse, avec ce nouvel épisode de la série GEMAPI, qui ne va pas manquer d’intéresser tous ses fans puisque, comme nous l’avions prédit, et l’avons largement documenté dans « Le lobby de l’eau », l’Etat, ici à l’insu de son plein gré, se défait de l’une de ses misions régaliennes, « au profit » des collectivités locales, qui n’avaient évidemment rien demandé. Le tout dans l’indifférence générale, en dépit de l’impact incalculable de cet attentat contre l’intérêt général et la sécurité publique, qui n’émeut aucune belle âme de la gauche de la gauche ou des Verts qui ignorent tout de ce compartiment de notre vie quotidienne, pour le coup mis en péril. Ce qui en dit long sur leur incapacité existentielle à s’occuper de la chose publique, ce que nous déplorons par ailleurs bien évidemment.
C’est par l’habituel communiqué de presse dithyrambique, en provenance directe de la DEB et de la DPNR, que l’on commencera à mesurer l’étendue des dégâts, puisqu’il attribue à la ministre la « maternité » d’un coup de Jarnac dont elle ignore tout, ledit communiqué ayant surtout pour objectif de souligner la place éminente de Ribouldingue-Launay et Filochard-Marcovich, figures tout-à-fait éminentes il est vrai du lobby de l’eau…
L’affaire intervient, admirable pédagogie, au moment même où nous apprenons que l’écologie, la défense et l’audiovisuel sont mis à la diète…
Les crédits du ministère sont globalement en baisse, de 13,487 milliards en 2014 à 13,083 en 2017. Bercy explique dans le document d’orientation que ces crédits seront « complétés par le programme d’investissements d’avenir et les ressources engagées dans le cadre du projet de loi pour un nouveau modèle énergétique ». A Matignon, on ajoute que la baisse est un effet d’optique lié au mécanisme complexe visant à compenser la disparition de l’écotaxe. « Ce budget là fait des efforts comme les autres contribuent mais ce n’est pas un budget particulièrement sacrifié, au contraire », a-t-on estimé.
Sauf que là Mme Royal ne risque pas de démissionner ! Il va lui falloir aussi, ce dont elle ne manquera pas de s’acquitter avec la plus grande célérité, apporter des réponses à l’inquiétude pour l’activité économique dans les zones industrielles à risque.
Mais revenons à nos inondations, de quoi s’agit-il ? De l’un des plus calamiteux épisodes actuels de la « gestion de l’eau à la Française » (que le monde entier nous envie), et qui s’incarne depuis deux ans dans l’affaire GEMAPI, qui a autant de tiroirs secrets que l’affaire Bygmalion, c’est dire.
Ici nos conjurés, poursuivant de louches desseins, au plus grand profit de Suez-Lyonnaise et des assureurs (voir le Lobby de l’eau), ont convaincu l’Elysée et Matignon que l’Etat aurait tout à gagner à refourguer la gestion des inondations aux collectivités locales, avec les 50 000 kilomètres de digues qui vont avec, en état calamiteux, abandonnées, délaissées, ignorées, par tous les gouvernements successifs depuis un demi-siècle.
Or, après Xynthia, le Var, la Bretagne et le littoral Atlantique cet hiver, la conjonction, désormais avérée, entre aménagement du territoire criminel (aggravé par les comportements politiciens à courte vue des élus locaux qui délivrent à tour de bras des permis de construire en zone inondable), et très prévisibles effets du changement climatique, va multiplier les phénomènes climatiques extrêmes, dont les inondations, en France même, à l’horizon des toutes prochaines années.
La réponse ? L’Etat se débarrasse du boulet et le refile aux collectivités locales, qui n’ont rien demandé, et sont largement à l’origine de la crise, de par leurs politiques d’aménagement « productivistes » qui n’ont cessé d’aggraver les choses…
Les enjeux sont colossaux. Donc aucun débat démocratique n’aura lieu.
Voir ainsi, en illustration, le compte rendu de la dernière rencontre, le 10 avril 2014, de la Commission mixte inondation (CMI), qui est au Comité national de l’eau (CNE), ce que Vinci et Eiffage sont à Veolia et Suez…
A cette CMI une petite camarilla de décideurs… décide de notre avenir dans un verbiage technocratique qui fait frémir.
Ensuite, à la faveur d’une très confidentielle rencontre (payante), organisée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) le 2 juillet dernier à Paris, un technocrate ministériel nous détaille le coup de force en cours.
Et l’on découvrira enfin que la fameuse "stratégie nationale", endossée à grand son de trompe par Mme Royal n’a bien sur aucun "caractère opposable" à qui que ce soit, tandis que les "expérimentations" qui vont être conduites dans ce cadre sont confiés à ceux là même dont les pratiques en matière d’aménagement sont précisément à l’origine de la vulnérabilité des territoires et des populations aux inondations...